La condamnation

''La torture porte ses fruits, petit.Tu nous fourniras les réponses que l'on attend, bien gentiment.Tu trembleras à l'approche bourreau. C'est un artiste.Un maître pour piquer le nerf.Il ne sera rien pourtant à côté des foudres qui t'attendent.Au palais, la reine s'impatiente. Et elle a faim''
C'est suivant l'arrêt de la cours qu'il fût traîné par les corridors jusqu'à sa cellule. Brutalement, par les jambes, comme on traîne un corps déjà mort. C'était là la justice de l'Oeil : barbare.
La politique au royaume exprimait sa clémence rare et sa cruauté généreuse par les mains de la Justice.
Et quelle poigne elle avait ! Et quel horrible visage sous son masque !
La déesse qui régnait autrefois au temple avait déserté.
L'équilibre de la balance s'était rompu.
Un jus puant coulait désormais du palais où on entendait les causes.
Par les corridors ne ronflaient que le murmure des conspirateurs.
L'officier se présenta enfin devant le condamné, encore face contre les dalles mouillées.
Ricanant déjà, le talon à quelques centimètres des yeux du gisant, le visage du rougeaud se boursouflait de satisfaction.
D'une simple pression du talon, il écraserait ce visage blanc.
Comme un vieux fruit, il en presserait la chair, en tirerait les jus.
Mais la Justice, toute trafiquée soit elle, l'en empêchait.
L'officier se retint donc, à grande peine.
Il glissa tout de même sa botte sur la joue émaciée du jeune homme,
lentement, comme une caresse.
C'était l'érotisme du condamné.
Le son rêche de la barbe retournée par la semelle.
La jus salé jusqu'à la lèvre meurtrie.
La peur. La pierre humide sur le ventre.
Et l'odeur âcre des corps.