Magazine Journal intime

Ariane à Naxos

Publié le 24 février 2011 par Papote

Pffffffffffffffff, je ne sais par quel bout commencer...
Non, sérieux, je suis bien embêtée parce qu'il y a tant à dire et de tellement de façons différentes qu'il est difficile de se lancer...
Peut-être par les points positifs ou alors en vous disant que c'est la première fois que, le soir d'une première, j'entends le public huer la mise en scène ou en vous parlant méthodiquement du livret, de la musique, des voix, de la mise en scène...

Je me lance et on verra bien au dépoté ce que ça rend sur le papier... En même temps, ça ne pourra pas être plus dénué de sens que ce que j'ai vu ce soir sur scène.
Ah, si, avant tout, je voulais d'abord envoyer un message à tous les gens que je connais, que j'aime et à qui j'aurais pu proposer de m'accompagner : bénissez-moi que je ne l'ai pas fait !
A la pauvre victime qui a accepté, pleine d'insouciance et de naïveté, de m'accompagner : je te présente mes plus humbles excuses et, ce, jusqu'à la fin de notre amitié !

Pour commencer et ce qui a sauvé la soirée, c'est une fois encore l'orchestre de l'ONBA, dirigé par Kwame Ryan, et les chanteurs qui sont absolument incroyables avec trois mentions particulières :
- la 3ème à Elza van den Heever, soprane puissante et féminine. Dommage que le metteur en scène l'ait ridiculement déguisée en un ersatz de Mireille Mathieu à moitié hystérique.
- la 2ème à Heidi Melton, soprane qui chantait le rôle titre, que j'avais découverte et admirée dans "Tannhaüser" et qui est toujours aussi remarquable de présence et de voix.
- la 1ère à Brenda Rae qui, pourtant, a été moins applaudie qu'Heidi Melton alors que je l'ai trouvée carrément magique ! Comparée à Sophie Desmars, que j'avais pourtant trouvée sublime en Reine de la Nuit, les performances vocales de Brenda-Zerbinette m'ont encore plus transportée tant elles sont incroyables et, encore une fois, même si le metteur en scène avait décidé d'en faire une copie de Christian Clavier dans "Le Père Noël est une ordure".
Je pourrais également vous dire un mot de chacun puisqu'ils étaient tous bons mais vraiment ces trois sopranes avaient un niveau au-dessus !
Après, concernant la partition à proprement parler. Je ne connais pas Richard Strauss du tout mais alors pas un fifrelin. Rien, niente, nada... Ah si... Euh, non, finalement...
Après l'oeuvre de ce soir, j'ai l'impression (peut-être à tort et peut-être que je vais me faire huer, conspuer et lapider) qu'il était à la transition entre les classiques "classiques" et les contemporains. Par moments, la partition est très agréable, très mélodieuse et puis, à d'autres, c'est comme un gros n'importe quoi où il a mis tout ce qu'on lui a appris, sans ordre, ni méthode pour le plaisir de dire qu'il a cassé les canons...
Mais, en règle générale, c'est quand même agréable !
D'habitude, je vous mets un exemple d'air mais je vous avoue que aucun air ne m'a rappelé quoi que ce soit, même pas une pauvre petite pub...
Ceci amenant cela, me voici forcément à la partie "livret" de l'opéra, c'est à dire l'histoire, l'argument...
Si je m'en réfère à ce qui est dit sur le site de l'opéra de Bordeaux, voilà ce que ça donne :
"Opéra dans l’opéra, Ariane à Naxos dévoile au public ce qu’il n’a pas l’habitude de voir.
L’opéra est une invitation à la réflexion sur la création artistique naviguant sans cesse entre tragédie, comédie et satire politique.
Véritable singularité dans la littérature musicale du début du XXe siècle, c’est également une œuvre à part dans la création de Strauss, usant d’un discours contrasté, alternant le grave et le léger, magnifiant les splendeurs orchestrales fourmillantes d’inventivité et célébrant trois rôles féminins éblouissants."
Si je m'en réfère à ce que j'ai vu ce soir, ça donne un livret débilitant, inepte, qui a le mérite de faire du figuratif forcené pour ne rien raconter ni montrer, si ce n'est enfoncer les portes ouvertes de l'absurde mais en célébrant trois rôles féminins éblouissants...
C'est pas mal, on est d'accord sur le dernier bout de la dernière phrase, non ?!
Donc, je trouve le livret débile... Le prologue raconte l'histoire d'un riche viennois qui donne une grande réception au cours de laquelle un opéra sérieux et un opéra de farce italienne doivent être donnés à la suite l'un de l'autre. Sauf que le magnat décide que pour éviter de retarder le feu d'artifice prévu après, les deux opéras doivent être fondus ensemble pour n'en faire qu'un.
L'acte unique met en scène la représentation des deux opéras mixés en un, reprenant donc la légende d'Ariane abandonnée sur l'île de Naxos par Thésée après l'avoir sauvé, avec l'intervention des comédiens de la farce italienne.
Mais ce qui est étrange, c'est qu'il y a, malgré tout, un filigrane ténu et ponctuel (extrêmement ténu et tellement ponctuel, qu'il faut parfois creuser loin pour le retrouver) qui, effectivement, nous invite à réfléchir (dans le prologue) à la création artistique, aux extrémités auxquelles on peut arriver quand l'argent s'en mêle et pour dire qu'on a créé quelque chose et qui (dans l'acte unique) est un magnifique plaidoyer (moins ténu) de la faiblesse de l'être humain face aux sentiments, de la douleur, des joies, des réactions que cela peut induire.
Donc, il est assez surprenant d'être émue de certains mots dans un univers qui ne raconte rien et qui n'a aucun sens.
De là, on s'est posés la question de savoir si Roy Rallo, le metteur en scène, estimait que l'absurde n'était pas assez présent dans le livret et s'il avait, donc, voulu mettre encore plus le paquet pour bien appuyer le fait que l'histoire est débile...
Visiblement, nous n'avons pas été les seuls à nous poser la question vue les huées qui ont salué son entrée sur scène au moment des saluts...
Non, parce qu'une mise en scène complètement décalée... Ce n'est pas forcément lumineux comme idée mais, parfois, ça marche super bien mais à condition qu'elle serve l'histoire qu'on nous raconte.
Là, c'est une succession de mouvements, d'objets et de décors qui se superposent sans aucune logique ni aucun sens. Des mouvements pour des mouvements, des gadgets modernes ou décalés pour des gadgets modernes ou décalés, des gens qui marchent ou se trainent par terre, comme ça, pour le fun...
Pour moi, c'est insupportable ! C'est vouloir faire une espèce de conceptualisme du néant mais auquel personne n'avait pensé avant... Chez moi, on appelle ça de "la masturbation de cortex".
Déjà le décor ressemble un peu à celui du CAPC (les voûtes en moins) avec un Picachu jaune et violet qui trône en plein milieu.

ariane1

Picachu n'a qu'une corne qui sera arrachée à la fin du prologue (mais on y reviendra plus tard).
Les costumes sont modernes mais, après tout, pourquoi pas.
Il y a trois naïades qui vont et viennent parfois sur scène et que deux types en noir recouvrent de sable noir... C'est c'la, ouiiiii !
Il y en a une qui dessine un trait rouge tout autour de la scène, sur les panneaux blancs, puis qui fait une tête de Picachu, puis qui la gribouille, avant de coller sa tête contre et de ne plus bouger pendant au moins 1/4h... Ca, j'ai compris après la symbolique : c'est le moment où Ariane voudrait mourir car elle a été trahie par Thésée qui l'a abandonnée et elle regrette car elle lui a sauvé la vie grâce à son fil... Si, si, souvenez-vous le fil d'Ariane grâce auquel Thésée parvient à aller au bout du labyrinthe et à tuer le Minotaure... 'Tain, fallait aller la chercher loin la symbolique mais je l'ai eue !
On assiste aussi à une partouse symbolique entre Zerbinette-Christian Clavier et trois espèces de spermatozoïdes blancs, qui la caressent tripotent, lui ôtent une chaussure et la couvre de peintures de différentes couleurs... Non, parce que vous comprenez, comme depuis le début elle se comporte comme une s*lope en s'accrochant à tous les mecs qui passent, il était utile de nous le rappeler quand elle chante en plus qu'elle ne sait pas résister à un mec qui s'intéresse à elle. Chez moi, on dit "enfoncer une porte ouverte".

ariane2

La symbolique est plus obscure quand l'un des spermatozoïdes se met un voile marial sur la tête et prie telle la Sainte Vierge, quand un autre joue de la corne de brume avec la corne arrachée à Picachu et quand le dernier se déguise en Vic le Viking avec des cartons d'emballage... Là, j'avoue je cherche encore...
Il n'empêche que, et je crois que j'arrive au dernier point, je pense que Roy Rallo a besoin d'une sacrée psychanalyse !
Je pense que son oedipe n'est pas complètement terminé...
La corne phallique de Picachu, le picachu miniature qu'Ariane couve comme un enfant (oui, je sais il symbolise Thésée mais je ne sais pas ni comment, ni pourquoi, ni le pourquoi du comment), les spermatozoïdes en rut chauffant Zerbinette-Christian Clavier, le projecteur de chantier posé sur le sol qui ressemble un peu à une couveuse pour le picachu miniature quand Ariane "accouche" de sa douleur et de sa colère...
J'en sais rien, je ne le connais pas mais ça ne me semble pas très net tout ça !!!
Quant à Hugo von Hoffmansthal, pour pondre un livret comme ça au début du XXème où on parle de sexualité débridée, où Ariane se dit "chienne allongée attendant Thésée", où le rôle du compositeur de l'opéra est un rôle pour une soprane et tombe sous le charme de Zerbinette qui est également une soprane, ça donnerait comme un air d'homosexualité à peine masquée, ça a dû choquer dans les chaumières...
Bon, heureusement, les voix et l'orchestre ont fait que la soirée a été bonne...
L'énorme fou-rire nerveux qui m'a attrapée au début de la deuxième partie aussi...
Calypso, si tu passes par là et si tu l'as vu, j'attends ton opinion !
A bientôt !

La Papote


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