Magazine Journal intime

Mangée par la machine

Publié le 25 février 2011 par Louloute01

 

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Quand j'ai débarqué à 20 ans à peine dans une grande entreprise pas organisée du tout, au sein d'un service pas organisé du tout et que j'ai eu l'immense chance de tomber sur mon Sage, elle m'a transmis comme premier conseil de ne pas me laisser manger par la machine.

La machine c'était le boulot, le stress, l'angoisse du dossier pas rendu ou de la deadline dépassée. Nous avions sous les yeux au quotidien trop de gens qui eux s'étaient fait avalés entièrement. Ce n'était pas très beau à voir, croyez moi, ça faisait même peur en fait. Comprendre à 20 ans que le travail si salué par une éducation au mérite, qui rejette l'oisiveté et la paresse, pouvait être source de (grande) souffrance : le choc!

Je me souviendrai toujours de son départ en vacances - une semaine, 15 jours au max - sans ses sages conseils justement et que j'appréhendais la boule au ventre, et elle qui me répétait sans cesse "visionne des échasses le matin et un gros boulet le soir". Prendre de la hauteur toute la journée et laisser tes soucis sur ta chaise en partant.

Les années ont passé, le monde professionnel m'a malmenée, de manière raisonnable j'imagine en écoutant le récit d'autres et aujourd'hui, je tente d'appliquer toujours et encore ces conseils pour garder la tête hors de l'eau.

Typiquement en ce moment, je les applique très mal et je n'ai besoin que de la vacuité des publications sur ce blog ce ces dernières semaines pour le prouver.

J'ai l'impression de vivre avec un tic tac permanent, les yeux rivés à l'heure, à tout moment de la journée ou de la nuit. Nuit où je me réveille en sursaut, persuadée qu'il est l'heure, l'heure d'y aller, de se lever alors que ma pauvre Louloute, il est à peine deux heures du matin.

Et je me fais grignoter, un peu, beaucoup, passionnément, sous prétexte qu'au fond "j'aime ça" et qu'un poste à responsabilités est un peu ce que j'ai toujours brigué. Ah ça, pour s'auto-convaincre qu'on est le créateur de ses soucis, on est extrêmement doués.

Il est facile de glisser, de tomber de l'autre côté du fil, d'annuler des dîners et des sorties, d'arrêter de pratiquer un sport ou de jouer aux jeux vidéos. Après tout, quel est l'intérêt, quelle est la plus-value ? On peut vivre sans jeu vidéo n'est ce pas ? Et constater peu à peu que le travail prend le pas sur d'autres choses.

On débattait avec ma meilleure amie sur ces dirigeants qui t'envoient des emails à 2 heures du matin le samedi soir, qui se cachent dans les toilettes pendant leurs vacances pour consulter leur BlackBerry, sans quoi leurs femmes leur tombent sur le râble. Avions-nous envie de terminer ainsi ? Avions-nous envie de finir complètement drogués du travail ?

Si au moins la reconnaissance était à hauteur de l'investissement. Mais que reste-t-il quand tu as pris ton carton sous le bras et ton chèque de départ (si tant est que tu ais un chèque) ? La machine t'a avalé et puis elle te vomit, mais tu es déjà digéré, écrasé… Vraiment, ça donne envie !

A mon petit niveau déjà, je me demande combien de temps cela peut encore durer. Je rate mes stations de métro, je range ma brosse dans le frigo et tout à l'heure j'ai manqué de me faire écraser par une moto. J'ai bloqué, au milieu de la route, le cerveau reptilien en mode erreur 404 - data not found. Avancer ? Reculer ? Aucune idée… j'ai mis 2 bonnes minutes à réagir au klaxon, à bredouiller des excuses et à monter sur le trottoir.

Ne pas céder aux sirènes du sur-investissement professionnel, de l'exigence toujours plus forte de la hiérarchie, car fondamentalement, tu pourrais y passer 24 heures d'affilée à ton bureau, il y aurait encore des choses à faire non ?

Je vais vous dire… c'est bien plus facile à dire qu'à faire.


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