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6 mars 1806 | Naissance d’Elizabeth Barrett Browning

Publié le 06 mars 2011 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

Portrait de Elisabeth Barrett Browning
Image, G.AdC

  Le 6 mars 1806 naît à Coxhoe Hall, dans le comté de Durham, Elizabeth Barrett, aînée de onze enfants. Issue d’une famille très aisée, Elizabeth Barrett, de santé fragile, est fascinée par le grec auquel elle est initiée dès l’enfance. En 1820, Elizabeth fait paraître, dans une édition privée, The Battle of Marathon. Elle s’affronte à Eschyle, poète grec qui aura sur elle une grande influence et la conduira à traduire puis à publier, en 1833, Prométhée enchaîné. Elizabeth qui pratique, outre le grec, plusieurs langues — l’italien, le français, l’espagnol, l’allemand et l’hébreu, a également une vaste culture poétique. « J’ai travaillé sur la poésie — elle n’a pas été pour moi une rêverie, mais un art. De même que le médecin et l’avocat approfondissent leurs métiers respectifs, je me suis appliquée et m’applique au mien », écrit-elle dans une lettre.
  L’année 1835 est une année riche pour la jeune poète qui s’engage dans la vie littéraire. Elle rencontre William Wordsworth et Walter Savage Landor. La même année elle lit Paracelsus. Un dialogue philosophique en vers entre l’amour et la science signé Robert Browning.
  En 1838, la publication de The Seraphim and Other Poems (Les Séraphins et autres poèmes) confirme sa notoriété qui s’étend jusqu’en Amérique. La mort accidentelle (par noyade) de son frère Edward affecte profondément Elizabeth, qui se sent coupable de cette mort. Cette disparition accentue encore sa vie de recluse et la poète sombre dans la dépression. Elle se soigne à l’opium.
  L’arrivée de Flush, l’épagneul que lui offre Mary Mitford, l’oblige à renouer avec la vie. Elle reprend pied, noue des correspondances avec des gens de lettres, dont George Sand et Balzac. En 1842, elle publie des articles sur les poètes grecs chrétiens. La publication en 1845 de ses Poems lui vaut les hommages d’Edgar Poe qui rédigera la préface de l’édition américaine. La même année, Robert Browning et Elizabeth Barrett se lancent ensemble dans une vaste correspondance. Elizabeth écrit en secret des « sonnets d’amour », les Love Poems. Toujours en secret, les deux poètes se marient le 12 septembre 1846 à l’église de Marylebone.
  Les Browning partent en Italie avec Flush. Le couple s’établit à Florence où Elizabeth vivra le reste de ses jours dans un « suprême bonheur ». En 1849, année de la naissance de leur fils, Elizabeth révèlera à son mari l’existence des Sonnets. Ils seront publiés en 1850 sous le titre de Sonnets Portugais.


EXTRAIT DE FLUSH : UNE BIOGRAPHIE (VIRGINIA WOOLF)

  Le 21, Flush connut que le jour était venu. Car ce mardi 21 mai, Miss Barrett scruta son image dans la glace ; se drapa méticuleusement — pour quelle parade ? — de ses plus beaux châles des Indes ; ordonna à Wilson d’approcher le fauteuil — pas trop près, cependant ; toucha ceci, cela, autre chose ; puis demeura assise, très droite, au milieu de ses coussins. Flush se lova le plus près possible à ses pieds. Seuls et ensemble ils attendirent. À la fin, l’horloge de Marylebone Church frappa deux coups. Ils attendirent encore. Puis l’horloge de Marylebone Church frappa un seul coup — il était deux heures et demie. À l’instant où le son s’évanouit dans l’air, une main énergique fit retentir le marteau de la porte. Miss Barrett pâlit et demeura parfaitement immobile. Flush garda la même immobilité. Dans l’escalier montait le pas, le redouté, l’inexorable ; dans l’escalier (sut Flush) montait, enveloppé dans sa cape, sinistre, le personnage de minuit — l’homme au capuchon. Sa main se posa sur la porte, tourna le bouton — et voici :
  « Mr. Browning », dit Wilson.
  Flush qui regardait Miss Barrett vit la rougeur, d’un coup, envahir son visage ; il vit ses yeux briller, ses lèvres s’entrouvrir.
  « Mr. Browning ! » s’écria-t-elle.
  Tordant ses gants jaunes et clignant des yeux, superbe, bouchonné, maître de lui, abrupt, Mr. Browning à grands pas s’avança dans la pièce. Il saisit la main de Miss Barrett et se laissa tomber dans le fauteuil à côté du sofa. Aussitôt la conversation s’engagea.
  Le plus horrible pour Flush, tandis qu’ils parlaient, était sa solitude. Il avait senti autrefois que lui et Miss Barrett vivaient dans une grotte éclairée par un feu. Le feu ne brûlait plus ; la grotte était humide et sombre ; et Miss Barrett n’était plus là. Flush jeta un regard autour de lui. Tout était changé. La bibliothèque, les cinq bustes avaient cessé d’être des dieux amis présidant bénévolement à leur existence commune ; ils étaient devenus hostiles et rogues. Flush s’agita aux pieds de Miss Barrett. Elle n’y prit pas garde. Il gémit. On ne l’entendit même pas. Alors il s’abîma dans un muet désespoir.

Virginia Woolf, Flush : une biographie, Éditions Le Bruit du temps, 2010, pp. 74-75-76.



ELIZABETH BARRETT BROWNING

Elizabeth-barrett-browning


■ Elizabeth Barrett Browning
sur Terres de femmes

→ I think of thee (Sonnets portugais)

■ Voir aussi ▼

→ (sur Terres de femmes) Virginia Woolf, Flush (note de lecture)
→ (sur le site de l’éditeur Le Bruit du temps) une page consacrée aux Sonnets portugais (revue de presse)



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