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8 mars 1929 | Naissance de Christa Wolf

Publié le 08 mars 2011 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

   Le 8 mars 1929 naît à Landsberg (Gorzów Wielkopolski), dans l’ex-République démocratique allemande, Christa Wolf.


   Romancière allemande, Christa Wolf est l’auteur de plusieurs romans qui font d’elle l’un des écrivains majeurs de son pays. Également reconnue de part et d’autre du Mur, Christa Wolf préconisera tout au long de sa vie l’idée d’« un socialisme à visage humain ». Idée qu’elle reprend et développe dans ses romans. Son premier roman, Le Ciel partagé (Der geteilte Himmel, 1963), ― histoire d’un couple qui se défait, partagé entre R.D.A. et R.F.A. ―, est récompensé par le prix Heinrich Mann. Viennent ensuite Christa T. (Nachdenken über Christa T., 1968), Trame d’enfance (1976), Aucun lieu. Nulle part (Kein Ort. Nirgends, 1979). Avec Cassandre (Kassandra, 1983) et Médée (Medea-Stimmen, 1996), Christa Wolf revisite les mythes grecs pour explorer la société contemporaine et affronter son propre passé.
  « Je n'écris que sur ce qui m'inquiète… Je n'écris que sous la contrainte de conflits intérieurs. Avant qu'ils n’aient atteint une intensité extrême, il m’est impossible d’écrire », déclare Wolf « la scandaleuse ».

EXTRAIT de MÉDÉE

4

Jason à Médée :     
Va parmi les espaces de l’éther sublime,     
Porte témoignage qu’il n’y a pas de dieux     
Là où tu te rendras.     

SÉNÈQUE, Médée     

  « Je suis partie avec Jason parce que je ne pouvais plus rester dans cette Colchide perdue, corrompue. C’était une fuite. Et voilà que j’ai vu sur le visage du roi Créon de Corinthe la même expression de présomption et de crainte qu’on repérait vers la fin sur les traits de notre père Aiétès. Il ne pouvait pas soutenir mon regard pendant les rites funèbres célébrés pour toi, son fils sacrifié. Le roi d’ici ne connaît nul remords quand il fonde son pouvoir sur un sacrilège, il soutient sans sourciller le regard de quiconque. Depuis qu’Akamas m’a emmenée, traversant le fleuve dans la ville des morts où les Corinthiens riches et célèbres sont enterrés dans de pompeuses chambres funéraires. Depuis que j’ai vu ce qu’ils leur donnent pour qu’ils puissent accomplir leur chemin jusqu’au royaume des morts, et aussi pour qu’ils s’en paient l’accès, de l’argent, des bijoux, de la nourriture, des chevaux même, parfois des serviteurs, depuis lors je ne puis voir cette superbe Corinthe que comme le miroir périssable de cette cité éternelle des morts et il me semble que ce sont eux qui règnent également ici, les morts. Ou bien c’est la peur de la mort qui règne. Et je me demande si je n’aurais pas dû rester en Colchide.
  Mais voilà que la Colchide me rattrape. Tes ossements, frère, je les ai jetés à la mer. Dans notre mer Noire que nous aimions et que tu aurais désiré avoir comme tombeau, j’en suis sûre. Face aux navires de la Colchide lancés à notre poursuite et sous le regard de notre père Aiétès, moi, debout sur l’Argo, j’ai jeté un à un tes ossements à la mer. C’est alors qu’Aiétès fit faire demi-tour à la flotte colchidienne, pour la dernière fois je vis ce visage familier, pétrifié de terreur. Mes Argonautes eux aussi ont été saisis par cette image : celle d’une femme qui, en poussant des cris sauvages, jette à la mer, contre le vent, les os d’un mort qu’elle avait emportés. Tu ne devrais pas t’étonner, me dit Jason, si cette image leur revient maintenant à l’esprit et s’ils ne savent plus ce qu’ils doivent penser, au point de ne pas vouloir témoigner en ta faveur. Vous me croyez donc capable, lui ai-je demandé, d’avoir tué mon propre frère, de l’avoir déchiré pour le mettre en morceaux pour l’emporter dans un sac de peau pendant ce voyage ? Il s’est tortillé, mon bon Jason. J’attends encore sa réponse. »

Christa Wolf, Médée [Medea-Stimmen, Luchterhand Literaturverlag, Munich, février 1996], trad. fr. Fayard, 1997 ; Stock, Bibliothèque Cosmopolite, 2001, pp. 126-127-128. Traduit de l’allemand par Alain Lance et Renate Lance-Otterbein.



■ Voir aussi ▼

→ (sur Terres de femmes) Médée
→ (sur Terres de femmes) 13 mai 1932 | Médée de Sénèque, mis en scène par Georges Pitoëff
→ (sur Terres de femmes) 8 mai 1940 | Création française à l’Opéra de Paris de l’opéra Médée de Darius Milhaud
→ (sur Terres de femmes) 5 avril 1967 | Maria Casarès dans Medea



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