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28 mars 1859 | Naissance de Joséphin Péladan

Publié le 28 mars 2011 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

   Le 28 mars 1859 naît à Lyon Joseph Aymé Péladan. Très tôt influencé par les mystiques lyonnais, Péladan prend le prénom de Joséphin qu’il doit au poète Joséphin Soulary, maître es sonnets. En amont, son père Adrien Péladan, fervent catholique et parfait réactionnaire, lui donne le goût des ouvrages philosophiques et des traités religieux. La fréquentation d’auteurs versés dans l’occultisme finit de convaincre le jeune Péladan de son ascendance royale babylonienne. Fort des pouvoirs que lui assurent cette conviction, l’érudit-esthète se proclame mage et prend le titre de « Sâr ». Ennemi de la modernité, du positivisme et du scientisme, le Sâr dénonce le naturalisme, ce « gouffre du matérialisme ». L’illustre descendant de Sâr Mérodack s’insurge contre Zola qu’il considère comme un « tueur de l’Idée ». Empreinte de spiritualisme oriental, sa parole s’affirme parole nouvelle, apte à sauver la civilisation en voie de perdition. En 1888, Péladan adhère aux Rose-Croix, ordre kabbalistique restauré par son ami Stanislas de Guaïta. Péladan rompt rapidement avec cet ordre pour fonder l’Ordre de la Rose-Croix du Temple et du Graal. Parmi les adeptes de cette société secrète, figure le compositeur Erik Satie à qui le Sâr demande de composer une Marche pour la Rose-Croix (Première pensée pour la Rose-Croix).
  En 1884, Le Vice suprême, premier roman préfacé par Barbey d’Aurevilly, lui ouvre la voie du succès. Suit une vaste composition romanesque. Les dix neuf volumes de La Décadence latine s’échelonnent sur plusieurs années, jusqu’en 1907 : Curieuse (1885), L’Initiation sentimentale (1887), La Gynandre (1891), Finis Latinorum (1899)… Outre les écrits concernant cette longue « éthopée », Péladan est l’auteur de traités ésotériques, de tragédies inspirées par Richard Wagner – Babylone (1895), Œdipe et le Sphinx (1903), Sémiramis (1904) —, ainsi que d’essais sur l’art – La Dernière leçon de Léonard de Vinci (1904), De Parsifal à Don Quichotte (1906).
  Extravagant et volontiers provocant, cultivant le paradoxe et l’hermétisme, Sâr Péladan est à la recherche de l’unité primordiale. Au cœur de son œuvre abondante règne la figure mythique de l’androgyne, symbole de l’unité absolue.
  De l’androgyne. Théorie plastique a paru pour la première fois en 1910 chez E. Sansot et Cie à Paris.

EXTRAIT

  Plus un être est beau, plus il s’élève au-dessus des sens qui ne sont pas juges d’une idéalité. Tomber sous le sens a bien son sens littéral, quand il s’agit d’art. Un degré plus élevé s’adresse à l’affectivité et agit pathétiquement ; mais le plus haut point d’action est assurément la spiritualité ou de l’idée pure.
  Le dramatisme d’un Michel-Ange, d’un Tintoret, d’un Rembrandt, si intensément qu’il agisse, ne mérite pas la même louange que la calme Joconde qui ne représente rien, mais qui offre un miroir au contemplateur où il découvrira son propre reflet.
  L’androgyne nous transporte hors du temps et du lieu, hors des passions, dans le domaine des Archétypes, le plus haut où atteigne notre pensée.
  La zone transcendante de la spéculation se confond avec le ciel religieux : recherche ou croyance se coudoient pour la même montée vers la cause, et il n’y a pas loin du vrai philosophe au mystique.
  Peut-on se proposer un thème plus élevé que de corporiser l’invisible et livrer aux yeux ce que l’esprit seul aurait vu, sans l’application du génie à trouver les formes de nos idées ? Combien de siècles a-t-il fallu pour que la doctrine blasonnée sous les traits du sphinx revêtît sa forme parfaite ? L’âme chrétienne s’involuant dans le corps du penthalte d’Olympie, quel subtil assemblage et bien digne de nos méditations ; car le triomphe de l’expérience historique a l’Egypte et la Grèce pour bases et le christianisme pour sommet.
  La Renaissance a vu le banquier Altoviti, Raphaël lui-même, le Léonard de l’atelier du Verrochio, Pic de la Mirandole, beaux comme des anges. Nous n’avons qu’un dessin de Léonard fait par un élève ; le maître y paraît vieux : mais Raphaël, que lui manque-t-il pour paraître un ange, voire une madone du Pérugin ?

Joséphin Péladan, De l’androgyne, Éditions Allia, 2010, pp. 63-64.


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