Magazine Journal intime

Cariolette Hantée, Papimobile Droguée : Road Book.

Publié le 31 janvier 2008 par Mélina Loupia
"Bon alors on fait comme on a dit, demain à 10h au studio? -Parfait, à demain!" -A demain Nicole, des bizettes!" Il y a parfois des coups de téléphones qui méritent d'être passés ou reçus, celui ci-dessus fait partie du lot. Donc me voilà levée d'un bond d'un seul ce matin, à sept heures pétaradantes, après une courte nuit dont la responsable n'est autre que l'aile de raie qui est si difficile à travailler avant de s'en taper une en filet. Un petit ravalement de façade en conséquence et un café doublement dosé plus tard, la maison se vide de tous ses occupants et je ferme la marche, après avoir foutu les chats dehors, hors de question qu'ils se la coulent douce toute la matinée alors qu'on allait se les cailler sous la pluie. Car oui, ce matin, il pleut. Mais c'est pas grave, je vais voir des gens gentils, qui se soucient de moi depuis un bout de temps, au retour, quelques petites courses avant de rejoindre Copilote, son jambon et ses frites chauds à la cafet', puis rentrer me fondre avec Ténérife pour l'après-midi. Il est neuf heures et j'ai largement le temps de compter les gouttes de pluie qui meurent sur le pare-brise de Cariolette en attendant que le témoin de préchauffage se calme. Alors qu'il s'éteint, me laissant alors tourner la clé dans le contact, seul un vague râle me répond que " non chérie, pas ce matin, j'ai mal à la tête". "Wéwéwéwéwéwé-wéwé-wé...wé...w... -PUTAIN pas ce matin bordel, pas ce matin. -C'était la Campanella sur France Musique. -Ta gueule toi, on t'a rien demandé, si tu sais pas démarrer une bagnole, museau." Je m'aperçois alors que la radio s'est allumée sans que je l’aie invitée à le faire. Je presse le bouton "arrêt" et tente la négociation avec le démarreur. Qui doit être syndiqué puisqu'il refuse toute forme de discussion. Tandis que dans les haut-parleurs, ce que je pense deviner comme La Castafiore m'hurle en italien ou en allemand que probablement, je devrais prendre garde à toi, à moi, à nous quoi. "Holà, on va se détendre les durites hein, je viens de te museler le caquet." Il se trouve donc que la radio s'allume alors qu'elle est bel et bien éteinte. Je chope alors le tournevis dans la boite à gants qui n'en a jamais contenu et je procède à la désincarcération du poste hanté alors qu'il continue de diffuser sa tuerie de triolets. "Christine? " Je me pense alors prise au piège, me vois déjà broyée, engloutie par le siège d'abord et hachée menue dans la calandre lorsque dans un élan de courage, je colle un gros taquet du pied droit dans ce que je me rappelle être la boite à fusibles. Laquelle cède sans mal à ma légère pression et vomit un écheveau de fils multicolores. "Bravo, alors le fil rouge ou le vert?" Au bout de dix bonnes minutes de réflexion, la main sur le menton et le sourcil en érection, je découvre que de petits sigles indiquant la fonction de chaque fil sont dessinés sur la devanture de la boite. Et ô bonheur, le dernier ressemble à un autoradio des années quatre-vingt. J'arrache le bitoniau, et aussitôt, Liszt et les autres vont en briser d'autres ailleurs. Je songe à me reconvertir en électricien exorciste mais surtout et avant tout à comment je vais bien pouvoir faire pour être à dix heures à quarante kilomètres de là avec pour seul moyen de locomotion à ma disposition le vélo de Nicolas dont les deux roues sont crevées d'avoir rien foutu depuis cet été. En plus, il pleut, c'est la misère. Je rentre à la maison, suivie des chats qui pensent me feinter en allant se planquer dans les chambres que j'avais fermées rien que pour les feinter à mon tour et appelle ma mère qui appelle ma sœur puisque c'est elle qui détient actuellement la Papimobile. La Papimobile, dans la famille, elle passe de main en main, de père en fille et de grand-père en petite-fille. Toujours là quand on a besoin d'elle, jamais en panne de quoi que ce soit. On se la prête entre nous comme des collégiennes se refileraient leur acné. Le parfait plan B. Sur laquelle je me jette à peine ma sœur en a-t-elle extrait mon neveu. Et je file, cours, je vole à travers la départementale plus défoncée pour longtemps d'après les prévisions du Conseil Général. Vitesse de croisière légale, une toute petite pointe pour le fun et l'adrénaline jusqu'à cent-dix et au premier arrêt, une odeur de poisson pourri me saute à la gorge. Elle me rappelle celle des nems, mais aussi celle du fusible qui chauffe dangereusement, mais je me garde bien d'émettre un diagnostic risqué. Et je termine ma course sur la place de la Marie, bloquée par la bouchère ambulante qui bloque la circulation, me laissant à peine le passage entre elle et le tacot mal garé sur ma gauche.  Je passe, au rasoir, mais je passe et tente de trouver une place libre sans m'éloigner du lieu de rendez-vous alors que cette fois-ci, c'est carrément un relent de pneu de gréviste en feu qui vient me chatouiller les naseaux. Je l'associe instantanément à la fumée blanche et épaisse qui s'évade du capot, sur quoi je me pose là, j'éteins tout, tire le frein à main, et me casse en courant. Je suis en retard de dix minutes, je pue le vieux garage de mécanique générale du coin et comme j'ai bu trop de café, j'ai les dents du fond qui baignent. "Mais je suis là! -Et tant mieux!". Le rendez-vous a tenu les promesses qu'il nous avait faites et je repars avec dans mon sac, peut-être le sésame que j'attends depuis si longtemps. Je retrouve Papimobile intacte et froide, le quartier n'a donc pas brûlé et tout va bien. Je rallie le supermarché le plus proche à l'allure d'une voiture sans permis, j'oublie la moitié de ce que j'avais déjà oublié la semaine dernière, et je rentre chez ma mère, saine et sauve. "On voyait l'heure tourner et on te pensait en panne sur le bord de la route. -Ouais, elle a un petit souci la Papimobile hein, elle pue le poisson pourri, le plastique cuit et en plus, elle fume. -Décidément, t'as le cul bordé de nouilles, une voiture hantée, l'autre qui se drogue..." Et c'est vrai, avec les voitures, je n'entretiens que de vagues bons rapports de voisinage, toujours disponibles quand on en a pas besoin, mais au premier service, y a plus personne.

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