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New York is killing me (4ème épisode de Ma muse)

Publié le 01 avril 2011 par Ctrltab

New York is killing me (4ème épisode de Ma muse)

Cette fois-ci, Emilie ne se tromperait pas. Elle était arrivée la veille au cabinet de la Médecine d’O pour son premier cours. Un grand type dégingandé et aux oreilles décollées lui avait ouvert la porte. Emilie avait frissonné. Son costume noir lui donnait l’allure d’un corbillard volé. Il n’avait pas dit un mot et l’avait regardé de ses grands yeux interrogateurs. Confusion. Un instant, elle avait cru s’être trompée d’adresse, d’étage, de porte… Il avait enfin rompu son silence et sa gêne :

- Vous cherchez ?

- Euh, je venais pour un cours de danse…pour femmes.

- C’est demain, l’extase de l’utérus. Aujourd’hui, c’est l’hypnose pour hystériques.

- Ah…

Et il lui avait claqué la porte au nez. Merde, elle était partie du bureau une heure en avance pour rien. Emilie s’était toujours considérée comme un être strictement rationnel et sans aucune imagination. Elle fut  surprise de constater, pour la première fois peut-être, les dérapages de son esprit. Ainsi donc pouvait-elle se trahir elle-même, ainsi donc son impatience pouvait faire mirage à la gestion stricte de son emploi du temps… Aujourd’hui, elle ne répéterait pas l’erreur. Elle sonna. Mona lui ouvrit la porte et la serra dans ses bras : « Ah, Emilie, c’est vous ! J’avais si peur que vous nous fassiez faux bond. Le cours a déjà commencé, on vous attend. Entrez ! »

Emilie fut agacée. Que lui arrivait-il ? Elle n’était pourtant pas en retard. A croire que, dans ce lieu, le temps ne lui appartenait plus. Elle posa rapidement ses affaires au vestiaire, se changea et longea le long couloir vert jusqu’à la salle de danse. Elle fut accueillie par des applaudissements. Etait-ce vraiment pour elle, Emilie Picheron ? Non, elle se trompait encore : c’étaient des claquements de main nerveux et répétés, qui formaient une musique lancinante,  et enveloppante… créée par une douzaine de femmes en justaucorps assises en cercle dont les miroirs de la salle sans angle renvoyaient à l’infini les reflets.

« Installez-vous parmi elles, agrandissez le cercle Emilie et laissez-vous porter. Fermez les yeux. Tout n’est que rythme désormais. Entrez dans cette danse immobile. Vous verrez ce que se réveillera en vous… » Emilie suivit les instructions de Mona. Elle prit corps dans la ronde et devint à son tour deux mains qui claquent l’une contre l’autre, paume contre paume. Elle devint silence et écoute, le début et la fin de la parenthèse, l’un et le multiple. La musique de leurs mains avaient désormais des paroles, Emilie était folle mais elle les entendait bien : « yes, New York is killing me… » Elle devint la vague qui grossit et s’abat. Ce n’était pas un orgasme mais presque, le pressentiment de ce qui était plus grand qu’elle. La sensualité, peut-être. Elle suait, une boule de chaleur en bas du ventre, c’était bon. Puis les sons s’adoucirent jusqu’à être recueillis par le chuchotement résonnant de Mona : « bravo les filles ! C’est terminé pour aujourd’hui. C’était magnifique. Vous avez traversé la phase de renaissance du périnée avec brio. Ouvrez doucement les yeux et à la semaine prochaine ! »

Comment, c’était déjà terminé ? Retourner au vestiaire, le corps cotonneux, voir de nouveau ses semblables, s’extraire du bien-être ressenti… Emilie se sentait pourtant autre. Curieuse. Dans le vestiaire, elle prit son temps pour regarder attentivement les seins et les fesses qui l’entouraient. Avide. Et lorsqu’une beauté black du groupe lui fit un clin d’œil en sortant, elle rougit. Elle partait déjà. Elle était belle, elle lui plaisait, elle aimait sa manière de mettre son chapeau melon sur la tête, oui. Emilie avait envie de la suivre…New York is killing me…


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