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Jean Malaquais

Publié le 03 février 2011 par Blogegide
Jean MalaquaisLes Javanais, Jean MalaquaisDenoël, Paris, 1939(dédié à André Gide)
« Je croise tout le temps un jeune communiste du nom de Malaki ; nous finissons par nous présenter nous-mêmes l'un à l'autre. » (Maria Van Rysselberghe, Cahiers de la Petite Dame, tome 2, p.548) Ce « jeune communiste » que la Petite Dame croise dans les couloirs du Vaneau en juin 1936, c'est Vladimir Malacki, qui allait bientôt signer Jean Malaquais un roman intitulé Les Javanais, prix Renaudot en 39. Il est né le 11 avril 1908 à Varsovie dans une famille d'origine juive.
« J’ai quitté la Pologne en 1925, j’avais dix-sept ans, tout de suite après mon bachot. Je l’ai quittée d’ailleurs légalement, avec un passeport et un visa, j’ai bourlingué en Roumanie, en Turquie, en Égypte, et par là-bas, et je suis arrivé en France parce que la France était, dans mon imagination de jeune homme, de ces pays-là, LE pays où il faut vivre, LE pays où il faut étudier. C’était la Révolution française, la Commune, le pays d’accueil, ainsi de suite, ainsi de suite.» (Entretien de Jean Malaquais avec Dominique Rabourdin, 20 février 1996)
De petits boulots en petits boulots, dont mineur dans les mines d’argent et de plomb de La-Londe-les-Maures en Provence qui serviront de modèle à la mine des Javanais on le retrouve en 1935, travaillant aux Halles la nuit, et le jour se réfugiant au chaud à la Bibliothèque Sainte-Geneviève où il lit dans la NRF les élans communisants de Gide : « Je sens aujourd’hui, gravement, péniblement, cette infériorité de n’avoir jamais eu à gagner mon pain, de n’avoir jamais travaillé dans la gêne. »
Malacki adresse alors une lettre incendiaire à Gide pour lui expliquer que « s’il était superbement à même de faire des livres, c'est précisément parce qu'il n'avait pas à faire le manœuvre; que, si lui se sentait inférieur de manger son content, je ne me sentais nullement supérieur de ne point manger à ma faim »*... Gide répondra à cette lettre, joignant 100 francs à sa réponse. Ce qui vaudra un retour à l'envoyeur tout aussi musclé.
Jean MalaquaisAndré Gide, Jean Malaquais, Correspondance éd. de Pierre Masson et Geneviève Millot-Nakach, Phébus, Paris, 2000
« Que cette rencontre allait changer le cours de ma vie, j'étais loin de m'en douter », se souvient Malaquais. Gide l'encourage à écrire, lui donne des conseils, l'aide à louer une maison en province où il pourra se consacrer à la rédaction de ses Javanais. Roman dédié à Gide publié par Denoël en 1939, et qui obtient le prix Renaudot mais aussi cette critique de Trotsky :
« Un auteur que je ne connaissais pas, Jean Malaquais, m'a envoyé son livre, qui porte un titre énigmatique : les Javanais. Le roman est dédié à André Gide, ce qui me mit un peu sur mes gardes. Gide est trop loin de nous, ainsi que l'époque à laquelle s'accordaient ses recherches lentes et confortables. Même ses œuvres récentes se lisent – bien qu'avec intérêt – plutôt comme des documents humains sur un passé définitivement révolu. Cependant, dès les premières pages il m'apparut que Malaquais ne subissait en rien l'influence de Gide. »**
Malaquais apprend qu'il a reçu le prix alors qu'il est mobilisé.« Télégramme de Robert Denoël m'annonçant que mon roman a décroché le prix Renaudot. Puissé-je en tirer une permission exceptionnelle », lit-on le 7 décembre 1939 dans son Journal de guerre***. L'apatride finit par gagner le sud de la France où il sera hébergé par Giono dans l'attente d'un départ pour l'Amérique du Sud. Plus tard dans Planète sans visa il racontera cette partie de la guerre, l'attente près de Marseille d'un visa pour le Nouveau Monde.
A son caractère entier s'ajoute la fébrilité de ces temps difficiles et si l'on ne connaissait le caractère tout aussi entier de la Petite Dame on serait étonné de son jugement sur Malaquais en août 41 : « laisse toujours le souvenir d'un être amer, difficile et sans beaucoup de tact. » (CPD, t.3, p.265). Malaquais et sa compagne Galy insistent auprès de Gide pour obtenir un visa qu'ils auront finalement en octobre 42. Ils embarquent alors pour le Venezuela, le Mexique puis les Etats-Unis : « N'était André Gide, Galy et moi serions en route pour fertiliser de nos cendres les sillons du Troisième Reich. » (Journal du métèque - 8 oct 1942)***. 
Jean MalaquaisPour la suite de la biographie de Jean Malaquais, destination Planète MalaquaisEt pour aller plus loin cette belle chronique de Serge Quadruppani.
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* Comme il s'en souviendra plus tard, cette première lettre ne figurant pas dans André Gide, Jean Malaquais, Correspondance (1935-1950), éd. de Pierre Masson et Geneviève Millot-Nakach [avec deux textes de Jean Malaquais «Historique de ma rencontre avec André Gide» et «André Gide : Notes et notules au fil de la plume»], Phébus, 2000. Sur cette correspondance, voir l'article de Chronicart, de La Tribune de Genève et de Le Soir. ** Voir ici le texte intégral de la critique de Léon Trotsky***  Journal de guerre suivi de Journal du métèque (éditions revues et augmentées), Phébus, Paris, 1997

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