Magazine Journal intime

Jour 53

Publié le 04 avril 2011 par Miimii
Jour 53

Je n’ai pas répondu, bien entendu. Il m’a mis la condition de ne répondre que si je m’engage, voilà le meilleur moyen de me faire fuir. En général, la réflexion et le temps qui passe sont mes meilleurs accélérateurs d’oubli.

J’ai décidé de ne pas revoir Sam non plus, les neurones en pagaille ça me fatigue énormément. Mon sauveur, Lyès est venu et nous avons passé une semaine à jouer comme des gamins. Il va mieux, et de ce fait, me dire qu’on va continuer à vivre ensemble, me donne la force de rentrer et de continuer.

Ma mère me somme de rentrer, il faut que j’assiste à une soirée pour le mariage du fils d’un de leurs amis. Aaah... ma mère, et le savoir vivre. Une Nadine de Rothschild à la Tunisienne. J’accepte et Dieu seul sait que ça ne m’enchante pas. Mais je ne peux pas désobéir à la reine mère dont les enfants sont cités en exemple de politesse, de retenue et de savoir vivre.

Les phobies de ma mère sont l’impolitesse et l’homosexualité, (pas en elle-même, je pense qu’elle l’accepterait, mais affichée publiquement, ça la tuerait, "qu’en est-il du qu’en diras-t-on ?" Maman est un peu Silvia, la mère de Fran Fine, mais en extrêmement moins vulgaire.)

J’arrive à 21h, quand mes frères m’attendent, je suis prête à 23h, habillée simplement, pantalon et chemiser nude à froufrous, du cerise sur les lèvres, les cheveux lâchés...Je n’ai pas eu le temps ni l’envie d’en faire des tonnes. Je ne suis restée qu’une heure, entre l’éternel compil rétro de Dj Bach, reprise par un mec sur l’orgue tant aimé des tunisiens.

Tantôt oriental, tantôt occidental, c’était au bord de l’insupportable. Les jeunes couples foisonnent, je suis partie deux semaines et j’ai l’impression que tout Tunis s’est marié. Les autres très facilement remarquables, les célibataires à l’affut. Les mecs cherchent dans le tas la femme de leur vie pour se marier comme les copains. Les filles mariées sont les plus canons(c’est peut être pour ça qu’elles ont trouvé un mari), ils (les mecs célibataires) ne se gênent pas pour les regarder, leur parler. Ou alors, un coup d’un soir parmi les filles, célibataires, et qui, quant à elles cherchent à se caser.

La fin de l’histoire, à laquelle j’ai trop souvent assisté, une fille déçue qui rentre tôt parce qu’elle n’a rien vu de « mariable », ou un mec bourré qui rentre avec une des filles pour un « one night stand ». La pauvre fille, si elle n’a pas été déçue ce soir là, elle le sera demain matin. Après, il y a les cas où le mec est bien trop bourré pour faire la différence entre une fille célibataire et la femme d’un pote. Enfin, je dis ça je ne dis rien, je suis rentrée bien avant de voir qui rentre avec qui, c’était d’un tel ennui, que je m’en fichais éperdument.

Je n’avais même pas défait ma valise, quand je rentre chez moi, il est plus de 2h du matin. Je suis en pleine insomnie, les mariages et les rassemblements populeux dans les mariages me donnent la nausée. Je range mes affaires, et je trouve une lettre. Elle est au fond de mon sac, qui était dans la valise, je ne la reconnais pas, il y a écrit mon nom dessus « Mademoiselle Mimi », comme il y aurait écrit : Mademoiselle Coco. Je la regarde, je la retourne, ce n’est pas promotionnel, mais bel et bien manuscrit.

Je l’ouvre, le sourire aux lèvres, j’aime ce genre de surprise, qui m’effleure le nez. C’est le parfum de Sam. J’avais envie de lui dire : « Oh chou, on faisait ça quand on était ado ?!» Mais ça ne sent pas assez fort, pour qu’il ait aspergé l’enveloppe. Il l’aurait juste manié de ses mains pour y laisser cette empreinte, qu’il laisse sur tout ce qu’il touche.

Il y a un mot, un prospectus, et un bon de réservation. Il m’offre un week end, dans un chateau : château de Courcelles, pas loin de paris. Je peux choisir la date à mon aise, et d’après ce que je vois, il s’agit d’une chambre « single ». Le prospectus témoigne d’un endroit luxueux et très calme. Sa réservation est elle toujours embaumée de Dior Homme et est-elle toujours entre ses mains ?

Je regarde le petit mot : « Ma chère Myriam, voici la seule décision que je peux faire pour toi, et je te laisse la possibilité d’accepter ou pas. Je me suis accordé l'autorisation de choisir pour toi une destination qui me tient spécialement à cœur, à laquelle tu iras seule. Escapade en solo dont tu choisiras la date. Je n’ose pas aspirer à t’accompagner, je pense qu’idéalement, te retrouver avec toi-même dans ce lieu idyllique, pour retrouver un semblant d’équilibre, faire une parenthèse sur ce que tu vis, mettre à plat ce que tu veux vivre, et dont tu refuses de me faire part, ne te fera que du bien. De cette manière, je te force d’une certaine façon à te prendre en charge pendant 48h, et je t’attendrais à Paris. Tu auras le choix à quelle porte frapper en rentrant. »

Je me trouve pathétique d’avoir encore les larmes aux yeux. Je pleure parce que deux hommes veulent mes faveurs et que je ne suis même pas foutue de savoir ce que je veux. Je pleure parce qu’ils me font tous les deux autant d’honneur et je ne suis pas capable de l’estimer à sa juste mesure ?

Je jette la lettre au fond de mon placard, et je me couche en laissant le bordel dans ma chambre et dans ma tête.

Le lendemain, je ne me réveille pas. Complètement déconnectée de la réalité, j’ai insisté pour le rester, même quand j’ai eu une obligation, j’y suis allée les yeux fermés. Puis en me réveillant, j’ai eu envie de parler... et en faisant le tour de mon répertoire, à part Lyès, je n’ai trouvé personne à qui parler.

Constat qui me rend toujours triste. Si j’avais organisé une soirée, j’aurais trouvé facilement 200 invités dont 80% ce seraient fait une joie de venir. Mais c’est gens là ne me connaissent pas, je ne leur parle pas... On partage certains plaisirs et une certaine débauche qui te détourne de tes emmerdes et parfois même de ta personne... On ne partage rien de plus.

J’appelle ma sœur, pour lui proposer de se faire un burger quelque part, elle m’informe en 30 secondes que c’est son premier rendez vous avec ce mec qui lui plaît depuis des mois, et qu’elle est pressée qu’elle doit y aller, mais si je veux Maman va rester seule à la maison.

Je raccroche, mes frères ont emmené Papa en voyage « D’affaires », il avait envie de se sentir « utile ». Et du coup, l’idée de me retrouver seule avec ma mère, à la maison, m’a fait flipper, alors je n'ai rien fait.

Résignée, j’ai dans l’idée de me connecter sur fb ou skype pour papoter mais, j’ai trop peur de croiser Sam ou D. ou un statut qui de l’un d’eux qui me donnerait la nausée.

Mon téléphone fixe sonne.

« Ta sœur m’a dit que tu avais besoin de moi »

« Ah, Ma, ...non, non, je me sens seule... j’avais envie de passer un moment avec la gamine, et manger un burger. »

« Moi aussi je suis seule, mais je ne suis pas prête à manger un burger, j’ai des légumes à croquer et du fromage aux fines herbes, zéro% le yaourt hein ?! »

« Heu... »

« T’as un bon film ? »

« Tu veux regarder « les petits mouchoirs » de G. Canet ? »

« Oui, alors une bonne discussion mère fille, tu m’as pas offert ce plaisir depuis ton adolescence. »

« Bon, j’arrive avec le film, et on verra pour le reste. »

« Tu restes dormir ? Comme ça tu prends le petit dèj avec nous demain ? »

« Je ne sais pas, Maman... »

Et je raccroche,

Je suis prise de panique, presque envie de rappeler mes deux derniers psys qui me recommandaient de passer du temps seule avec ma mère, pour leur dire, « donnez moi du courage, je suis prête à sauter le pas... ».

Je prends un pyjama, mes vêtements pour le lendemain, et plein de courage... ma chienne, et je sors.

Dans la voiture, je parle avec ma chienne, mais en réalités, je me parlais à moi-même :

« Anaïs, quand tu vas voir l’espèce de caniche de ma mère, la serpillière qu’elle a, essaie de te calmer, de pas perdre patience très vite. Essaie de pas lui prendre la tête toi aussi, si t’es gentille, il sera gentil. T’en sais rien tu peux passer un bon moment... Hein ? Ma puce, on ne va pas s’énerver, on va profiter de la soirée, et au pire... ben, on aura essayé et on rentrera. »

A l'instant où j'arrive, ma mère est dans une posture dont j'ai perdu l'habitude. habillée en causual, assise tranquillement devant sa télé et pieds nus, elle se repose. Je m’installe près d'elle, et je me colle à son ventre, je la prends dans mes bras, et je sens cette odeur que j’adore, et j’en ai des vibrations dans tout le corps. Elle ne dit rien, elle me rend bien mon geste, m’embrasse la tête et me caresse les cheveux comme quand elle essayait de m’endormir quand j’avais 5 ans. Je pense que cet instant devrait durer toute la vie. C’est là que je veux sens invincible, ni dans le putain de tailleur, ni quand j’arrache un contrat avec les dents, ni quand je mène un homme par le bout du nez. Je me sens forte et en sécurité, confiante et remplie de foi, dans les bras de ma mère.


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