Magazine Journal intime

Politique De Chiottes.

Publié le 07 février 2008 par Mélina Loupia
L'autre samedi, me voilà replongée dans une séance de ménage poussif, mais poussé. Le décès prématuré de l'aspirateur ayant entraîné la commande tardive de son remplaçant, j'avais décliné toute invitation à mener plus loin ma traque de la poussière, précédant celle de la saleté. "Ah, mais tant que j'ai pas mon aspiro tout neuf, je lève pas une paille. -Même si ça colle par terre aux chaussettes maman? -Même. Admettons je remplace l'aspirateur par le balai, celui-ci soulève la poussière. Il me faut attendre des siècles pour qu'elle se redépose sur les meubles, te refile une grosse crise d'asthme, après quoi, j'enlève la poussière, puis je la redépose par terre, et du coup, je peux plus passer le sol à la vapeur. Dans ces conditions, comment veux-tu alors que je change les draps, plie et repasse le linge et du coup, ravale la salle de bains et les chiottes, Nicolas. Jérémy? Arnaud? Mes enfants? Toutes façons, dans cette putain de baraque de merde, dès que ça sent un peu la petite fille négligée, c'est la mutinerie. En revanche, pour complimenter la maîtresse de maison qui s'est brisée les reins à la tache des tâches, là, hein, comme de par hasard, tout le monde est au foot, plongé dans un devoir de maths ou à compter les graviers dehors. C'est ça, taisez-vous, c'est ce que vous faites de mieux. -Mais on va manger ce soir quand même? -Qui sait?" Tout était donc revenu dans l'ordre le plus strict à la fin de la journée, après un certain retard accumulé accroupie pendant plus d'une heure sur le trône. Ceux qui me connaissent vous diront deux choses. La première, que j'ai largement autre chose à consacrer à la vie que des quarts d'heures interminables à démouler un cake autre part que devant un four. Les jours les plus fastes, la signature de l'armistice intestinal ne dépasse pas trois minutes. Dès l'instant où le Boeing entre en bout de piste, je ne laisse pas le temps aux passagers de s'impatienter. La seconde, que la maison est peuplée de créatures étranges à la plomberie apparente. Souvent réuni pour la même cause, le quatuor de cuivres accorde ses tuyaux à l'unisson et ramène sa formation jusque dans le studio d'enregistrement où l'acoustique est la meilleure. Lors de leur concert, je suis le chef d'orchestre et tente de les mener à ma baguette. Car oui, les garçons sont des porcs. Doublés de taupes. Je ne peux qu'assister impuissante à la dévastation des lieux après leur passage en fanfare. "Putain mais c'est dingue quand même, on vous y mettrait une baignoire que vous seriez encore foutus d'en foutre par côté. -Alors là, c'est pas moi, je viens de faire caca. -Ah tiens, justement, je me disais bien que le crépi déposé sur les rebords de la cuvette ou sur le bloc désodorisant ne ressemblait pas à celui de ton frère. -Ah je suis désolé maman, mais moi, en ce moment, je chie dur, ça peut pas être moi là. -Donc, toi, t'as pissé à gauche. -Non, ça c'est moi, je sais pas comment ça se fait maman, mais à chaque fois, ça part sur la gauche. -Je constate que vous avouez vos petits travers, c'est bien les enfants. -Oui, maman, et on dit que faute avouée est à moitié pardonnée. -Mouais, surtout quand c'est maman qui torche l'autre moitié." Voilà comment donc, j'ai passé au cumul, autant de temps en immersion presque totale dans la cuvette qu'en une année de pompage naturel. Un certain temps à détartrer au vinaigre blanc, et donc prendre le petit apéro en solo. Une fois partiellement soûle, anesthésiée, le rinçage effectué, je me suis attaquée au décollage des conglomérats de calcaire mêlé de tous les ratages de cibles. Manquant de l'outillage adéquat, j'y ai laissé un rouleau de papier de cul. Puisque bien décidée à rendre à la pièce sa virginité originelle, je suis allée jusqu'à dévisser l'ensemble couvercle-lunette pour dénicher l'espèce de boue de toutes nos toxines embusquée. En guise de bouquet final, au bord du lâcher du repas de midi en chute libre, j'ai procédé au récurage des joints bordant la cuvette. J'ai fêté la renaissance de mes chiottes comme il se doit et je les ai admirées toute la soirée durant. Comme il fleurait bon le propre, le sain et l'aseptisé! Comme j'étais fière de mes mains! Comme j'étais persuadée qu'en constatant l'éclat des lieux, ma tribu de phallus à monocle allait respecter la tache à laquelle je m'étais affectée et peut-être même infectée! Comme j'étais naïve! "Non mais là, je crois que je rêve les garçons, on est dimanche matin, il est pas neuf heures et déjà, vous avez pourri la cuvette! -Alors là c'est pas moi maman! -Ni moi! -Moi, j'y suis pas encore allé alors, j'attends d'avoir envie de faire caca pour tout faire. -Non, mais bien-sûr, c'est moi, et en plus, même pas foutus de relever la lunette, je viens de me ruiner les cuisses. -Papa dit que t'as qu'à la relever quand t'as fini toi. -Papa, je vais te lui coller la balayette dans le lecteur de dvd pour bien être sûre qu'il comprenne ce que c'est que le respect du matériel." Et alors que je m'apprête encore une fois à me baisser, la main gauche emprisonnée dans un bon mètre de ouate rose pour éponger la fuite urinaire des suspects, je m'aperçois que seule la partie gauche de la cuvette, mais aussi du carrelage et de la faïence est maculée. "Alors comme ça on porte à gauche dans la famille? -Ah bé non maman, à droite, comme papa! -Jérémy, des fois, je me demande si tu sais précisément où te situer dans l'espace. Regarde-moi bien, là, c'est ma main gauche, et là, la droite. -Oui, mais quand tu nettoies, maman, tu t'assieds sur la cuvette pour pas avoir à te baisser, après tu te plains d'avoir mal au dos et tu gueules et tu es de mauvaise humeur. -Ne détourne pas la conversation avec des prétextes en bois et viens-en au fait. -Donc, si tu t'assieds, du coup, le pipi par terre, il est à ta gauche. -Et? Non mais vas-y, ton raisonnement, je sens qu'il va beaucoup me plaire là. -Moi, maman, à partir de demain, je ferai comme toi, je ferai pipi assis. -T'es fou toi, on va te traiter de tapette quand tu seras au collège. -Pourquoi, y a pas de porte dans les toilettes du collège? -Holà les deux là, on vous a passé le bâton de parole? -Vos gueules, pour une fois que maman m'écoute... Donc, si toi tu vois le pipi à gauche quand tu t'assieds, ça veut dire que j'ai pissé à droite. -Je savais bien que ton raisonnement allait me plaire. -Mais je te jure que j'ai vu Nicolas faire pareil à droite aussi maman. -Moi, je fais assis alors j'ai plus de problème. -Et tu crois quoi toi? Qu'une fois assis, tout est réglé, on peut pisser dans tous les sens? Tu crois qu'on a un missile guidé? Je vous signale que le rituel du pipi assis n'est pas aussi aisé qu'il n'y paraît les enfants. -Comment on fait alors? -En premier, vérifier que la lunette est bien abaissée, l'hiver, en pleine nuit, se laisser choir comme une grosse truie sur la cuvette glacée et sans la sécurité des rebords peut se révéler très dangereux, surtout si comme moi, vous finissez le cul dans le javel du fond. Ensuite, n'avoir qu'un seul but, le centre. Enfin, réguler sa miction, car mal maîtrisé, le premier jet peut lui aussi avoir tendance à tenter de s'évader d'une noyade assurée. -Tain, c'est trop d'entraînement. -Ouais, surtout que dans les deux cas, comme on a jamais appris et qu'on est super pas équipés pour, on se fera engueuler tout pareil qu'en pissant debout. -EN CONCLUSION, dans les chiottes, une seule politique fait loi, c'est celle du centre. -Maman, dis, tu vas t'inscrire au MODEM? -Oui, et je vous propose une alliance, mais ne dites rien à papa, s'il se retrouve le seul à porter à droite, on le coincera."

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