Magazine Journal intime

fokin-fogot-marie-conne

Publié le 27 mai 2011 par Stephanenyc @500mots

J’ai patienté une journée ENTIÈRE dans les couloirs oppressants d’un hôpital.  Je me suis gelé le cul dans les salles d’attente sur-climatisées d’un hôpital qui a vu naitre mes enfants. Un hôpital qui m’a regarder crever et m’a sauvé la vie.

10:00 du mat

Attendre. Patienter.

Je ne suis pas (le) patient. Karen s’est fait opérer. Pas “vie ou mort”, mais narcose à haute dose. C’est un secret. Elle ne veut pas que j’écrive un seul mot au sujet de son opération. J’écris donc en français. Ma langue maternelle lui est étrangère. Premier rempart. Karen ne m’en voudra pas excessivement quand elle découvrira ma traitrise. Elle en parle ouvertement.  Tout le monde est au courant par-ici. Mes supérieurs, les potes du quartier, vous. Toi.

Attendre. Encore.

17:00.

J’ai vu ma femme. Moins de deux minutes. Comateuse, sous morphine, mais bien en vie. Ouf.

Deux minutes, puis j’ai du m’enfuir chercher Mia et Bas dans leur garderies respectives.

Point A -> D.

Il fait chaud, dehors. Je frise l’hypothermie.  Je décide de marcher pour me vider l’esprit. Le bus prendrait le même temps pour parcourir les deux kilomètres qui me sépare de point B.  $7 cab ride? Trop de circulation. Subway? Plutôt mourir. Marcher. Méditer. Essayer de déstresser.

A l’instant même où je quitte l’hôpital, à bout de nerf, mon téléphone sonne. C’est Max, mon pote. Max et moi on partage quelque chose de spécial. Un nom. Mon grand-père s’appelait Maximo. C’est aussi mon 2ème nom. Et le 2ème nom de mon fils. 3 générations, un pote. On se connait depuis 20 ans. 20 ans c’est une vie.

Je décroche. Max m’engueule parce que ça fait 10 fois qu’il appelle et que je répond pas. Avant même que je finisse de lui expliquer la délicate situation dans laquelle je me trouve, Max trouve les mots pour me faire marrer. Il me dit qu’il va bientôt venir nous rendre visite à Brooklyn avec Stéphanie. La familiarité de la situation me rassure. Tout ira bien. Que Karen sera bientôt sur pied et de retour à la maison. C’est con, mais il me fallait ça. Il fallait que je l’entende. Le ptit nœud dans mon estomac se relâche. La tension qui m’habitait déménage. Après m’avoir engueulé, Max me menace. “Surtout, n’arrête pas d’écrire ton blog.”

T’inquiète, Max. Tant que tu me liras, je continuerai d’écrire.

Je raccroche. Je respire. Le bonheur c’est simple comme un iphone.

Point B: Hanson Place (“l’école”). Je la traque, l’attire, et je finis par la séduire avec un petit jus d’orange. Apres avoir capturé la princesse crying beauté, direction le parc.

Point C : Sebastian se roule par terre avec un gamin un peu maladif; nez crouteux ET gluant, toux grasse. Pectorale. Bas soumet son adversaire d’une vicieuse clef de bras et essaye de lécher la morve gluante. Angelica sauve l’adversaire, je ramasse Bas. On s’casse. Quatre blocs jusqu’à Point D (la casa). 5 minutes quand Mia collabore. 10 minutes quand elle ne collabore pas.

5 minutes jusqu’à Point D. Lovely, Mia. Pendant que je débarque le matos  - gosses, strollers, sacs - en bas des escaliers, un des ados qui bossent dans la bodega du coin nous croise. Il ralentit et adresse une ptite grimace marrante à Mia. Elle hausse les sourcilles tout en enfonçant son pouce dans la bouche. Sebastian, quant à lui, retourne la grimace. L’ado en remet une couche. Mia soupire. Bas gigote. Il est cool, l’ado. Poli. Iphone en main, laptop sous le bras. Il vient d’arriver à New York. Il a du bol. New York est une dévoreuse. On se sent vite chez soi. Cette ville, elle te fait ça. L’ado a débarqué du Moyen orient avec une partie de sa famille. Sa femme doit être jeune. Doit être. Dur à dire. On ne voit que ses pieds. Des Nike. Je me demande si, SOUS son apparence un peu datée, elle est plutôt Iphone OS ou Android. Mac, reste du monde.

Juste derrière nous, un de ses nouveaux potes du quartier débarque de nulle-part. Environ 14 ans, un peu moins geek, un peu plus rockn’rolla. Beaucoup de gel. Il balance une vanne en version originale à notre ami grimaçant. L’ado se relève et démontre son talent pour les langues:

“Fuckin’ fagot maricon.”

Juste comme ça. Devant les gosses. Bas gargouille. En-coh! En-coh! Mia lève une paire d’yeux agacée – je lui ai promis 20 minutes de Diego le sauveur du monde des animaux. Elle s’apprête à retirer son pouce de ses lèvres pour articuler une question à laquelle je ne veux pas répondre. Les deux ados se défient du regard, une seconde, avant d’exploser de rire. Ils se dispersent. La scène se dissipe. Tout est calme. Trop calme.

20 minutes de Diego. Durant la brève ère qui a précédée Sebastian Maximo, 20 minutes d’écran plat équivalait à 20 minutes de peace&love. Le principe, quasiment universel au nord de l’équateur, ne s’applique pas à Sebastian. Aux yeux de mon fils, Diego n’est qu’une distraction. Bas l’ignore sans peine. La mission avant tout. Seek and Destroy.

20 minutes pour concocter salade de concombre (concombre abandonnée depuis longtemps au fond du frigo, il faut des trucs mous car Bas est le plus petit dénominateur commun avec ses huit dents), un peu de saumon grillé à la va-vite, des spaghetti whole wheat super fin et trop cuits et des fruits frais pour le dessert. Les gamins ne laissent pas une miette dans leurs assiettes respectives. Par terre, c’est une autre histoire.

Père célibataire, même temporairement, c’est la galère. Je suis naze. Naze d’avoir tellement attendu, tellement stressé, tellement marché. Il est tard. 19 heure. Je veux mettre les gosses au lit avant 20 heure. Bien avant. Bain express, ptite baston “calme”, calcium sous sa forme liquide, deux histoires, brosser les dents, namasté et do-do.

19:52.

- Bonnuit.
- Gooonight dadjiii.
- Bah-Bah.
J’éteins la lumière, je ferme la p-
- Dadji?
- Mia, je viens de te demander si tout voulait faire pipi et tu m’as dit que non.
- Dadji. I don’t want to pee-pee.
- Qu’est ce que tu veux? Dépêche-toi. Ton frère est fatigué.
(Bas est debout dans sa cage molletonnée, il observe l’échange verbal entre le mâle adulte et la jeune femelle)
- Dadjii, what the boy said?
- Quel garçon?
- Downstairs. What he said?
- Qu’est-ce qu’il a dit ma chérie?
- fokin-fogot-marie-conne.
Oooops. J’y pensais même plus à celle-la.
- Heu… je sais pas. C’est… une langue étrangère.
- Like french?
- Oui Mia, comme le français.
- Dadji don’t know ?
- Non mon cœur, celle-ci je ne la connais pas. Bonne nuit.
- Gooodnite dadji.
- Baaahhh-baaaaahhhhh…


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