Magazine Humeur

la fille en colère

Publié le 10 juin 2011 par Almiragulsh @DBEDF

la fille en colère

"j'me demande si j'aurais pas dû mettre une cravate moi"


Cet homme a mis la rage à l'intérieur de moi.
Non, en fait c'est pas tout à fait ça. La rage était déjà là. Cet homme lui a donné envie de sortir et d'éclater à coup de batte de base-ball tout ce qui bouge. Oui, je sais, c'est un peu violent, et la violence c'est moche dans la bouche d'une fille. Et bien tu crois pas si bien dire.
Au delà de ce qu'il c'est passé ou non dans cet hôtel, au delà du fait que les JT ressemblent à des épisodes de New York Police Judiciaire qu'on te fourrerait de force dans leur yeux jusqu'à ce qu'ils te sortent par les oreilles, et des réactions parfois étranges des politiques, ce qui m'a provoqué les plus grosses crises d'urticaire purulent c'est la découverte de ce scoop, sur lesquels les médias et les politiques se sont rués comme une meute de loups affamés sur un big mac: des fois être une fille c'est pas facile, parce que des fois, les garçons sa pense avec sa bite. 
Comment? Vous êtes sûrs? Sans déconner? 
Oui oui les gars, sans déconner. Domi n'a absolument rien inventé. C'est bien de médiatiser l'affaire, de faire en sorte qu'on en parle, de donner le courage à certaines d'enfin l'ouvrir, ou à d'autres de découvrir qu'elles sont filmées à l'insu de leur plein gré (coucou!). Mais il faut bien se rendre à l'évidence. L'histoire de Nafissatou Dialo (si effectivement elle a eu lieu, n'oublions pas la présomption d'innocence) n'est pas la première, et elle ne sera pas la dernière.
Les filles sont victimes de "harcèlement sexuel" mâtiné de sexisme de manière quotidienne. Je mets bien des guillemets à harcèlement sexuel, parce que le harcèlement en question est tellement quotidien, habituel, répétitif, quasiment naturel qu'à un moment donné, on y prête même plus attention. Pourtant, pas un jour ne passe sans qu'une allusion soit faite. Ya qu'à voir la journée type d'Almira:
7h: je me lève. Je petit déjeune, je me lave, je me maquille, je m'habille. Comme je suis du genre un peu coquette, en général dans la garde robe, je penche un peu vers la robe, justement. Souvent, elles sont plutôt courtes. Parfois elles sont décolletées. Et pour rajouter une dose de coquetterie, je mets des petites chaussures à talon. Attention: notons bien que j'ai parlé de coquetterie, et pas de vulgarité: la petite robe en coton rétro est tout de même assez loin de la guêpière en cuir agrémentée de résilles. Et attention bis: en faisant le choix de m'habiller de manière féminine, la personne que je cherche à séduire en priorité, c'est moi. Je trouve les robettes jolies, légères, estivales, gaies. Et pour être moi même jolie, estivale, légère et gaie, je me met du rose sur les joues et du brillant sur les lèvres. Mes réflexions stylistiques du matin ne vont guère plus loin.
8h45 (oui, je suis très longue à me préparer): je vais au travail.Sur le chemin, je croise un camion poubelle. Le chauffeur klaxonne à mon passage. Evidemment je me retourne: peut être que j'ai fait tomber un truc. Non non, rien. Le chauffeur me fait un grand sourire, me fait coucou, puis lève le pouce et fait un gros clin d'oeil en signe d'approbation. Flatteur? Absolument pas. Et ça ne l'a jamais été. Au mieux ça met mal à l'aise. Au pire ça énerve. Oh évidemment, c'est pas grand chose. Sauf que comment savoir ce qu'à eu le chauffeur dans la tête quand il m'a vu passer? Comment interpréter ses petits signes pas très fins? Et surtout, qu'est ce qui lui permet de juger mon apparence physique de bon matin, de me noter et de me donner son approbation? Pour la première fois de la journée, j'ai l'impression d'être une vache qu'on note pendant les concours du salon de l'agriculture.
11h00 au travail: Un client me dit que je suis bien jolie. Il essaie d'attraper ma main. Il me dit qu'il m'épouserai bien. Il a l'âge d'être mon grand père. Faire un compliment à quelqu'un, ça part d'un bon sentiment. Faire un compliment à quelqu'un  qu'on ne connait pas, c'est entrer dans un certain cercle d'intimité. Personnellement, il ne m'est jamais arrivé de faire un compliment à quelqu'un que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam. Ok, il m'est déjà arrivé de dire par exemple à la vendeuse de séphora pendant qu'elle me renseigne que vraiment son rouge à lèvre claque sa race ou à la boulangère que sa broche en forme de chaton est croquignolette. Mais je n'ai jamais fait de compliment sur la personne (seulement sur des objets, des accessoires). Il ne me viendrait pas à l'idée de dire au plombier venu réparer ma machine à laver que décidément, il a un sourire qui décoiffe. Parce que c'est déplacé, et réservé aux intimes et aux proches. Et quand en plus le compliment est suivi d'une demande en mariage, je pense droit de cuissage, nuit de noces, et "putain grognasse, elle arrive ma bière?". Quand elle vient d'on monsieur qui n'a même plus de dent, c'est bizarre, gênant, et ça met très mal à l'aise. 
12h30 pause déjeuner: Je prends un sandwich saucisson-mayonnaise-mozzarella (je suis au régime) au café avec ma copine Pimprenelle. Mon voisin, que je ne connais absolument pas se retourne sur notre table pour la septième fois consécutive. Pimprenelle, qui n'a pas sa langue dans sa poche lui lance: "ya un souci monsieur?" (Pimprenelle a vu que le voisin de table s'était aussi retourné sur tout ce qui avait une paire de seins et qui passait à portée de son champs de vision). Le voisin lui répond "non non, aucun". Il continuera à se retourner toutes les 8 secondes jusqu'à ce qu'on parte. Peut être Pimprenelle et moi même sommes un peu parano. Peut être avons nous effectivement un souci. Peut être ai-je un gros pâté de mayonnaise sur le front. Peut être que le voisin a quelque chose à nous demander, mais que l'attitude un peu revêche de Pimprenelle l'a refroidi. Naïvement je dis à Pimprenelle qu'il faudrait lui laisser le bénéfice du doute. Pimprenelle me répond que ça fait une semaine qu'il se comporte comme ça, et qu'elle n'a pas loupé le regard insistant que ce vieux cochon a posé sur mes fesses quand je me suis levée. 
14h00 de retour au travail. Je dois ranger des trucs un peu lourds avec un collègue réputé pour son élégance et sa finesse envers la gent féminine. Je suis ravie. Son haleine sent le vin. Il me dit, à peine arrivé "et que j'entende pas de plainte de gonzesse, hein!". Ce monsieur n'a pas du bien voir: j'ai moi aussi des bras, des épaules et dans ces bras et ces épaules, des muscles. Juste avant de me vomir sa réflexion dégueulasse au visage, il a grommelé "putain, ils m'on foutu une greluche, on est pas sortis de l'auberge". A un moment donné, sa main frôle ma fesse. 
16h00 j'ai rangé tous les trucs lourds. N'en déplaise à mon collègue, à aucun moment je me suis mise à pleurer comme une fiotte parce que je m'étais pété un ongle. Pourtant, je pense que je me suis fait mal aux cervicales. J'ai rien dit, par fierté. Je refuse catégoriquement de montrer à se genre d'absolu crétin que je peux avoir des faiblesses. Quitte à me faire mal. Je veux qu'il comprenne que les "gonzesses" ça n'existe que dans ses fantasmes. Qu'une nenette peut, en plus de se servir de sa tête, se servir de ses muscles. Oui monsieur. On sait faire les deux. Et probablement mieux que toi, gros bourrin, parce que pour compenser une force physique un peu moindre, on se sert de notre matière grise. 
18h00 pour rentrer, je prends le bus. Il est bondé. Les gens sont tous collés les uns aux autres. Du coup je sens du contact sur tout mon corps, mais ça ne m'inquiète pas plus que ça. En face de moi, deux jeunes filles sont assises. Elles me regardent avec insistance. Au bout d'un moment, l'une d'elle me fait signe d'approcher. Intriguée, je m'execute. A l'oreille, elle me demande si l'homme derrière moi m'accompagne. Je lui dit que non. Elle me répond, le regard grave, que dans ce cas je devrais peut être m'assoir à côté d'elles. Je lui demande pourquoi. Gênée, elle me répond que depuis trois arrêts l'homme se frotte contre moi de manière extrêmement suspecte. Tout d'un coup, j'ai envie de vomir. Je regarde l'homme, il me fait un grand sourire, qui respire la perversion. Je pourrais gueuler, le frapper, aller prévenir le chauffeur. Mais comme j'ai honte, je dis rien, je me contente de changer de place. Pourtant je suis mortifiée. Avec le recul, je me demande de quoi je devrais avoir honte. Sauf que je sais que si je me retrouve confrontée à la situation, c'est de nouveau la honte qui l'emportera. 
18h30 je sors du bus. J'ai rendez vous avec des amis pour allez boire un verre. Sur le chemin, je croise l'inévitable bande de weshwesh. Evidement ils m'interpellent. Evidemment, ils me disent que je suis vraiment trop charmante. Evidement je ne répond pas. Evidement, ils me disent que je suis une salope. Classique.
18h45 je suis la première. Les autres seront là dans cinq minutes. Je commande un verre pour patienter, seule à ma table. Ca ne loupe pas. En quatorze secondes, un type parfaitement inconnu s'assoit à ma table, et me dit: "une si jolie fille toute seule? c'est pas possible. Je vais vous tenir compagnie. Je m'appelle Jean Roger, et vous?". Je le regarde. Je répond pas. Il me dit "ben alors, on a perdu sa langue? c'est dommage, parce qu'une langue, ça sert vachement pourtant". J'ai envie de lui balancer mon verre de bière à la gueule. De lui dire que c'est pas parce que je suis seule à ma table que j'ai pour autant envie de me servir de ma langue avec des parfaits inconnus. Que son comportement est simplement inadmissible de connerie et de manque de respect. Une fille seule à sa table dans un bar n'est pas nécessairement une pute à l'affut. Et même si j'avais été une pute, j'aurais malgré tout été un être humain digne d'être traité avec un minimum de savoir vivre. Or s'assoir à la table de quelqu'un sans y avoir été invité est un signe flagrant d'absence de savoir vivre.
22h30 je rentre chez moi, toute seule. Sur le chemin, des jeunes types bourrés. Ils m'abordent. Ils veulent m'offrir un verre. Je décline poliment. Ils insistent. Je re décline. Ils continuent d'insister. Comme ils sont saouls, je commence à flipper un peu. Ils me suivent depuis quelques minutes. Ils gueulent comme des putois qu'ils n'ont pas de mauvaises intentions, qu'ils veulent juste m'offrir un verre parce que je suis vachement jolie. Ils ne me lâcheront que quand ils auront croisé une autre jeune fille non moustachue marchant en sens inverse.
23h00 je me couche. Malgré tout, je suis ravie d'avoir passé ma journée dans la peau d'un membre du sexe faible. 
Ok, je le concède, cette journée type est un peu chargée. Mais tout ce qui s'y trouve s'est déjà produit. Parfois à plusieurs reprises. Et je pense que c'est malheureusement la journée type de beaucoup d'entre nous. Et malheureusement, ces journées types occultent des faits ponctuels et autrement plus graves. Par exemple, je n'ai pas parlé d'un de mes ex employeurs qui m'envoyait une dizaine de SMS par jour, pour me dire à quel point il me trouvait jolie, à quel point il m'aimait, et à quel point il voulait qu'on devienne plus proches, physiquement parlant. 
Quoi qu'il en soit, j'adore être une fille. Même si une (je l'espère) petite partie de la gent masculine nous considère comme autant de bobonnes sur lesquelles ils ont tout pouvoir (ou tout simplement comme des traînées, allons y franchement), demain, quand le réveil sonnera, je m'habillerai encore de manière féminine. Je me maquillerai et je me coifferai. Et j'adorerai ça. 

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Almiragulsh 1069 partages Voir son blog