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Jour 67

Publié le 15 juin 2011 par Miimii
Jour 67

Accompagner la lecture d'un morceau de musique

Je me suis rendormie une petite demi-heure... quand j’ai été réveillée par une sonnerie. Je me lève enfile un jean que je retrouve au bas de mon lit, et je me dirige titubante vers la porte. Je regarde par l’œil de bœuf, c’est ma mère.

Il me faut quelques secondes pour réaliser qu’elle s’impatiente derrière la porte, après m’être posé une tonne de questions sur les raisons qui font que la reine mère s’est déplacée jusque chez moi. Des raisons qui sont sensées être suffisamment importantes pour la déplacer.

« Maman ? »

« Quoi ? Tu dors encore ? Mais tu sais qu’il est 18 heures ? »

Elle est furieuse, elle entre, me pousse et elle est suivie de Mohamed, son homme à tout faire.

« Où est ta prise de téléphone ? »

Elle me tend une boîte en carton qui contient un appareil téléphonique fixe sans fil.

« Quoi ? »

« Que tu fermes ton téléphone je veux bien, que tu ne veuilles pas qu’on touche à ta vie privée je le respecte, mais j’ai un besoin oppressant de pouvoir savoir à tout moment que mes enfants sont en vie. Alors y a des moments, où je pousse ta porte pour te secouer un coup. »

« Pfff Maman... »

« Mohamed, branche lui ça... »

« Mais il va me niquer toute l’installation, je ne sais même pas où se trouve la prise mère. »

« Ma fille, tu me désoles... un samedi à 18h mal fagotée et endormie et pas polie... De quoi est faite ta vie ? ... Il se débrouillera. »

Elle fait le tour, inspecte la propreté des lieux, ne veut pas trop s’aventurer par peur de croiser quelqu’un chez moi, elle reste tout de même un tantinet respectueuse.

« Ta copine n’est pas revenue de France ?»

Je me suis assise sur le canapé pour regarder Mohamed travailler, je suis de dos par rapport à ma mère.

...Je ne lui réponds pas.

« Myriam, tu veux que les filles viennent faire le ménage plus souvent ?... Il est belle cette photo... elle est de qui ? » En regardant une photo accrochée au mur.

... Je ne lui réponds toujours pas.

Plus détendue, elle se dirige vers moi, « Tu as une lumière agréable dans ton salon la journée, tu en as de la chance, ma chérie. Je peux me faire un café ?... c’est la nouvelle machine à capsules ?... pourquoi tu l’as mets dans le salon ? ... Ce n’est pas joli !... Myriam ? »

Elle s’assoit près de moi, et elle essaie de regarder mon visage, et elle remarque que j’ai les yeux pleins de larmes, prêts à exploser, et le regard perdu dans le vide.

« Qu’est ce qu’il y a ?... Regarde-moi ! » Elle m’attrape violemment le menton et dirige ma tête vers son visage.Toujours aussi dure, elle m’adresse un violent « Qu’est ce que tu as encore ?... mais ce n’est pas croyable cette enfant ?... Ecoute moi bien ma petite fille, je ne vais pas t’abandonner ici alors qu’à chaque fois que je te vois tu dépéris à vue d’œil. Je ne peux pas te laisser sombrer un peu plus chaque jour. Fais ton sac, je t’emmène, et n’essaie pas de dire non, je ne te demande pas ton avis. En avant... Fissa. »

... Je ne dis rien, son agressivité m’a rassurée parce que les mots étaient judicieusement parsemés dans son discours « Bien », « Ma petite fille », « Ne pas t’abandonner », « Je ne peux pas te laisser sombrer », alors mes larmes ont coulé pour me délivrer. Maman est agressive quand elle a de la peine, et je suis comme elle, alors je la comprends.

Je pose ma tête sur son épaule,et mes larmes coulent. Elle est raide, sans aucune émotion, elle me rappelle moi, « Maman, je me sens pas bien...J’ai perdu mes repères. »

« C’est normal, tu n’as pas du tout la vie d’une enfant de ton âge. Tu te crées des problèmes ingérables, bien trop gros pour toi et comme tu es tellement renfermée... On ne peut même pas proposer de t’aider. C’est difficile de vivre à tes côtés... »

Elle appuyait sur le problème... alors j’étais encore plus anéantie et je n’ai pu entre deux sanglots, que dire « A ce point Maman ? »

« Parle-moi Myriam, sinon, je vais te renvoyer chez le médecin. »

J’essaie de me calmer, et de voir, que pacifiquement, elle cherche une solution pour moi, diminue ma peine de moitié. « Plutôt mourir que d’y retourner, n’essaie même pas... »

« Alors dis-moi ce qui te tracasse ? »

« Je ne peux pas Maman, mais pour le projet ça ne va pas comme je voudrais. »

« C’est Samuel ? Il te cause des ennuis ? »

... j’étais obligée de mentir... Par contre, ma culpabilité a doublé et mon assurance m’a quittée. J’étais fautive et je devais me faire passer pour une victime.

« Je ne suis pas sûre d’être sur la bonne voie au travail. »

Elle ne cherche pas à en savoir plus, c’est ce que j’aime chez ma mère, elle est profondément respectueuse de la vie privée de ses enfants. Ou alors, ayant une petite idée sur l’étendue de la folie de chacun, je pense qu’il y a des choses dont elle se doute mais qu’elle préfère ne pas entendre.

« Alors arrête... ne te rends pas malade, on ne réussit pas facilement son propre projet à ton âge, tu as énormément de mérite... Prends ton temps, et même si tu rates le premier coup, ce n’est pas grave... ce n’est peut être qu’une période de doute et elle passera. Par contre, chaque chose que tu es en train de faire t’a permis d’apprendre et de mûrir. Même si tu seras obligée d’en jeter une partie, une partie de tout ce que tu as fait reste indélébile et elle fera à jamais partie de toi. On ne perd jamais tout et chaque chose nous permet de gagner en expérience. Quand tu le vois comme ça... tu vois le verre à moitié plein et ça te permet de redémarrer. »

« Peut être... » Je baisse les yeux.

« Ecoute ma fille, je vois bien que tu ne peux pas tout me dire, mais tout le monde fait des bêtises, il faut les assumer et les réparer... et là ma chérie, je suis navrée de te dire, que tu n’assumes pas ce que tu as fait... et que donc tu es dans l’impossibilité d’avoir le recul nécessaire pour réparer. »

(silence)

Je détourne le regard de honte.

« Tout est réparable Michou, sauf la mort. Il n’y a aucune chose sur Terre qui a suffisamment de valeur ou de conséquences pour te mettre dans cet état. Ta famille est là... Tu n’es rien à craindre et surtout besoin de personne. Tu as besoin de quelque chose ? »

« Non, maman, (je l’embrasse sur la joue et essuie mes larmes avec mon tee shirt), ..., Je me sens mieux. »

« Bon, ..., Tu me fais ce café, et si tu veux ce soir on se fait un programme toutes les deux. »

« Je te fais ce café, mais je vais juste retourner me coucher. Tu pourras m’appeler sur le fixe. »

... Mohamed, sur ce sujet « Madame, j’ai fini... Myriam, tu as besoin d’autre chose ? »

« Stp, Mohamed, tant que Maman prend son café, faut changer un spot dans la salle de bain. Tu sais où ils sont ? »

Il s’exécute, Maman et moi on s’assoit dans la cuisine. Pendant que je fais le café, on sonne à la porte, se sentant chez elle, Maman se dirige vers l’entrée et ouvre la porte.

J’entends la voix de D. qui dit « Bonjour ? »

D. ? C’est D. ... L’état de délabrement physique dans lequel j’étais, était sans retour, j’aurais pu m’essuyer les yeux, me détacher les cheveux, me pincer les joues... J’aurais été toujours aussi sexy que Chubaka. De toutes les façons, je me sentais grillée... Je sentais l’inévitable couille... Maman ou lui, qq1 allait faire une remarque qui allait me mettre au fond du gouffre, pile poil là où Maman venait de me trouver une demi-heure avant.

« Bonjour, je suis la mère de Myriam, entrez je vous en prie. »

« Ah, enchanté de vous rencontrer. Mohamed Ali. »

« Entrez, entrez... je vous appelle ma fille. »Elle le vouvoie.

« Merci. »

Je l’entends parler avec elle, il a l’air à l’aise.

Elle entre dans la cuisine.

« Myriam, il y a Mohamed Ali... »

« Je sais Maman, je sais... »

Elle m’attrape par le bras et s’approche de mon visage pour me parler en langage des signes, comme le malheureux mec, du petit carré de gauche, du journal de 18h30 de Watanya 1.

Elle sous entend : « Qui est ce beau mec ? », « Tu vas sortir le voir comme ça ? », et un autre propos sous entendant « Ah je suis étonnée de voir enfin quelqu’un pour toi !!! » alors que je n’ai fait aucun geste, faisant mine de pas comprendre son langage codée, que D. était tjs dans l’entrée et que je sens que ma mère est soulagée d’avoir une pseudo-confirmation de mon hétéro sexualité.

Je me débats pour qu’elle me lâche. « Dali ? Tu viens prendre le café avec nous ? »

Maman : « Non, je vais y aller, je vous laisse. »

D. : « Je m’excuse si j’interromps quelque chose, je n’ai pas prévenu avant de passer parce que je viens juste de dire à votre fille que je la rappelais, mais elle a fermé son téléphone. Alors je n’avais pas d’autre moyen de la joindre. » (Il la vouvoie aussi, et parle un français impeccable, au très haut niveau imposé par la reine mère. Elle est en admiration devant sa belle gueule. Il disait ça sur un ton ironique, avec sa voix qui porte et un sourire en coin à croquer. La reine est conquise. )

Maman : C’est également pour ça que je suis là. A partir de maintenant, je vous donne le numéro de sa ligne fixe, elle ne peut pas y échapper quand elle est à la maison Mais vous êtes comme moi ? Tout le temps à la chercher ? (Elle sourit)

D. : Quand elle décide de disparaître... oui... Mais je vous laisse prendre votre café, et je reviendrais plus tard, ou alors je t’appelle sur le fixe Mimi. (Il était ironique, naturel et sympathique, ce qui fait rire ma mère).

Comme j’avais l’impression d’être spectatrice d’un jeu de séduction entre mon probable futur mec et ma reine de mère qui ne sait même pas encore qui il est mais qui s’en doute bien. Je connais ma mère, il l’a séduite par son physique, son assurance et son franc-parler. Il a l’air intelligent, charmeur et à elle ça lui suffit, même s’il n’est pas « Beldi ». Elle le scan de haut en bas, son style vestimentaire est totalement à son goût et lorsqu’elle eut finit son investigation, elle me jette un regard qui disait « Bouge toi, ma pauv’ cruche ».

Moi : Restez tous les deux pour un café... J’ai des muffins que j’ai fais hier. Je vais les mettre au four, vous avez de quoi patienter 10 min ?

D. : « On va parler de toi. Alors Madame, comment trouvez vous votre fille ces temps ci ? »

Il l’a appelée « Madame » et il a sourit comme si il était plus légitime qu’il commence à poser les questions pour en savoir plus sur ma mère. Qui a trouvé ça osé mais élégant.

Maman : « Appelle moi Lilia, je t’en prie et je ne sais pas... Je trouve qu’elle prend trop de responsabilités, elle est fatiguée et toujours aussi renfermée sur elle-même. Mais je trouve toujours ma petite fille aussi belle et aussi raffinée... malgré tout. »

Maman ne savait pas vraiment comment parler avec lui, puisqu’elle ne le connaissait pas, n’a jamais entendu parler de lui et surtout ne savais pas du tout le rôle qu’il jouait dans ma vie. Elle pouvait sans le vouloir mettre les pieds dans le plat, alors je la voyais faire de la haute voltige, mais elle en était ravie.

D. : « Effectivement Lella Lilia, je la trouve extrêmement tourmentée, affaiblie, déboussolée ces temps ci, mais elle mûrit, elle grandit chaque jour... néanmoins, je sais aujourd’hui d’où lui viennent ses traits élégants et si charmants. »

Bizarrement, bien plus que cette phrase peut le prétendre, il le disait si naturellement qu’il ne faisait pas mine d’en faire trop. Il était juste gentil. Ma mère était aux anges, elle souriait sincèrement, elle adore qu’on l’appelle « Lella Lilia » très grande marque de respect beldi. J’étais contente de voir que ma mère accepte ses entrées en matière, elle se cramait le cerveau et les yeux en me demandant par le regard « mais vas-tu enfin me dire qui est ce charmant garçon ? » et je jubilais de la voir ramer.

Moi : On s’assoit ?

Maman : Merci ma chérie, donc Mohamed Ali ? Vous faites quoi dans la vie ?

D. : En fait j’ai fait des études de droit et un mba en finances, mon père m’a « orienté » vers ce qu’il considère comme de grandes études. Mais je ne suis pas passionné par ce que j’ai étudié. Je suis issu d’une famille d’agriculteur, et de ce fait, diplôme en poche, je suis en pleine reconversion.

La conversation a bien duré une trentaine de minutes, j’intervenais à quelques reprises pour faire le pitre. Aucun temps de silence, pas de trou dans la conversation, c’était vraiment un moment agréable. D. était complètement dans son élément et ma mère avait l’impression de jouer le rôle de la mère proche de la vie de ses enfants, elle était au comble du bonheur. Quand Mohamed lui rappelle qu’il a terminé son travail, elle se lève pour partir, malgré elle. Elle serre chaleureusement la main de D. et lui dit « Je suis enchantée de t’avoir rencontré, au plaisir » ... Qui sous entendait « J’espère vous revoir dans la vie de ma fille ».

Et elle est partie. J’étais heureuse, tout le cauchemar que j’avais enduré la veille et l’avant-veille était presque oublié...mais j’avais le cœur qui battait pour la suite. D. est un acteur, il aurait bien pu jouer la comédie pour séduire ma mère, dont je ne lui ai jamais parlé pour ne pas l’effrayer, il a réussi avec brio... Je suis admirative. Maintenant, j’ai peur qu’il m’ait donné une raison de plus de regretter mes conneries. Je me mords les lèvres, quand il vient vers moi, m’embrasse le front. « Elle est sympa ta mère, ... A nous deux maintenant... Pourquoi tu es dans cet état ? »

Jour 67


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