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Notes en chemin

Publié le 17 juin 2011 par Jlk

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Dans le TGV, ce 17 juin. – Longtemps je suis reparti de bonne heure, pourrais-je dire en parodiant le petit Marcel ; tant de fois j’ai repris le train de l’aube, de Lausanne à Paris, et tant de fois mon cœur s’est serré, au lever du jour, à la vision de la triste troupe des animaux parqués dans la cour des abattoirs, déjà contraints, alignés, dirigés par les barrières métalliques à chicanes, déjà programmés pourrait-on dire, planifiés et virtuellement traités et se doutant plus ou moins, au jugé de leur agitation croissante, qu’ils seraient bientôt maltraités - mais je ne faisais pour ma part qu’entrevoir et deviner tout cela, furtivement aperçu du train et déjà dilué dans les brumes matinales flottant sur les terres de l’arrière-pays, avec cette tristesse que je me rappelle aujourd’hui encore même si la scène n’est plus visible du train à la suite du déplacement des abattoirs en d’autres lieux.

Or ce souvenir se mêle, à l’instant, à celui de l’assez atroce court-métrage de Vincent Ravalec consacré à l’abattage industriel du bétail, qui montre en somme tout ce que je ne pouvais que deviner par anticipation, du train, et que l’écrivain-réalisateur décrit, en noir et blanc féroce, noir sang et blanc chair, avec un accent dramatique et polémique qui n’est pas sans rappeler d’autres massacres…

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Le nom de Vincent Ravalec me rappelle, à l’instant, un autre souvenir parisien assez intense, lié à la découverte d’un autre jeune auteur dont on commençait de parler, du nom de Michel Houellebecq.  Je venais alors de rencontrer Ravalec à propos d’un recueil de nouvelles qu’il avait publié au Dilettante, dont j’aimais le ton et la tournure d’observation  à la Carver, nous allions nous quitter sur le trottoir ensoleillé des Deux-Magots et c’est alors que, me désignant un livre dans la vitrine de La Hune, il me recommanda la lecture d’  Extension du domaine de la lutte, qu’aussitôt j'achetai et que je lus le même soir dans ma carrée de bonne de la rue du Bac, avec la conviction qu’il y avait là quelque chose de neuf et de vif, qui travaillait la mentalité et le langage de l’époque avec une sorte de mimétisme et de précision chirurgicale sur fond de déprime collective.

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On lisait dans Le Matin, la semaine passée, un grand titre annonçant qu’un Suisse sur quatre a déjà participé à une partouze. J’aimerais bien voir ça. J’aimerais bien savoir qui a été interrogé et comment cela s’est fait. Pour ma part, fréquentant un milieu de gens variés, plutôt évolués par rapport  à la moyenne, mais pas vraiment délurés pour autant, que je sache en tout cas, je doute que, sur cent personne que je pourrais interroger, vingt-cinq aient déjà pratiqué l’amour à plus de deux, vraiment j’en doute. Si je ne prends que le personnel du Matin, est-il plausible que, sur 100 collaborateurs, vingt-cinq aient déjà partouzé ? Et sur les quatre membres de la rédaction en chef, laquelle ou lequel ? Dans l’immédiat, je m’en faire une enquête, comme s’y employait Tolstoï quand il interrogeait les gens sur leurs pratiques amoureuses. Voilà : je vais me prendre pour Tolstoï…

Image: Chaïm Soutine


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