Magazine Humeur

Du temps...

Publié le 13 février 2008 par Ludivine Arrivault-Jochem

"Près de 30 ans de ma vie dans le même journal et soudain c'est fini. Obligé de partir. Obligé de  casser cette histoire entre ce journal et moi. Pas de regrets. L'absolue certitude d'être en accord avec moi. Mais voilà : une histoire qui se déchire, qui se brise. Et devant : le vide. Un été sans savoir ce que je vais faire, après. Un été sans horizon. Faire mine d'être en vacances, quand il n'y a pas de rentrée. Du temps comme un cadeau : voilà ce que je me dis. On manque tellement de temps. Oui, bien sûr. Mais, il y a cette brisure, cette déchirure. Et le temps d'après ne se laisse pas apprivoiser. Pas facilement. C'est un temps qui piétine, qui s'échappe, qui se rebelle. Qui ne ressemble pas au temps d'avant. On ne sait pas l'habiter. Il faut apprendre. Il faut errer dans des pièces vides. Et y trouver sa place, en tâtonnant, en se cognant, en se perdant."

Alain Rémond dans "Comme une chanson dans la nuit" nous livre son témoignage concernant son départ... pas à la retraite comme on pourrait le penser, mais au chômage !

J'ai choisi de reproduire ce court extrait car il sonne juste aussi concernant la retraite.

Le temps ?!

Plus l'on vieillit et plus il passe vite. On le tue mais lequel tue l'autre ? On joue contre lui (contre la montre, compte à rebours,...). On vit à vive allure, on a pas le temps, on veut le gérer agenda en main, formation à l'appui, montre au poignet.  On veut l'arrêter à coup de chirurgie, de DHEA, de crèmes aux promesses fallacieuses. On rêve de la machine à remonter le temps. Mais quoiqu'il arrive, il nous échappe, poursuit sa course inlassablement.

Il y a une forme d'animation que l'on nomme "occupationnelle". On parle alors aussi d'"activités occupationnelles". Les occuper pour leur "faire passer le temps", pour qu'ils n'aient pas le temps de penser, de réfléchir à leur condition, de ressentir des émotions profondes. Au début de l'animation, on voulait surtout faire des économies de personnel en intégrant les  vieux des hospices à l'entretien des lieux. Et puis l'oisiveté est mère de tous les vices et l'inoccupation laisse tout loisir au personnes de se regrouper avec tous les dangers de subversion latents. L'animation sociale d'aujourd'hui bien que très éloignée de cette conception n'en est pas moins le fruit. Et encore aujourd'hui dans certaines maisons de retraite, l'animation ne cherche qu'à occuper les vieux. Sans doute, ce sont nos propres angoisses à l'égard de la vieillesse, nos projections face à notre propre vieillissement que l'on cherche à occulter. Sans parler de la mort. Notre mort !

Le temps de la vie active est un temps morcelé, dicté par les contraintes de la vie professionnelle, de la vie de famille, de la scolarité des enfants, de nos activités extra-professionnelles...

La retraite ! C'est du temps, du temps libre, sans contrainte. Si tout au long de la vie, nous avons vécu dans le futur, faisant des plans, des projets pour nous et nos enfants, avec la retraite s'ouvre le présent. Il appartient aux retraités de vivre le présent. "Ce présent [nous dit Maximilienne LEVET dans les "Valeurs de l'âge"] va-t-on l'utiliser, le remplir, ou le laisser vide ? [...] le temps apparaît dans ce qu'il a d'implacable, d'inéluctable et de stagnant.[Et de poursuivre.] Et pourtant, c'est un heureux temps que l'on peut consacrer à suivre sa propre pente et ne plus se laisser manipuler, et parfois détruire par les normes sociales du monde qui nous entoure. Il faut à un moment de sa vie se libérer des contraintes sociales pour retrouver quelque chose de plus personnel dans la vocation humaine."

Et Maximilienne LEVET d'inviter les vieux à réfléchir, à savourer l'instant présent chose que nous n'avons pas le temps de faire durant le reste de notre vie.

Et pour conclure, je continuerai de citer la flamboyante Maximilienne LEVET car ses mots sont d'un infini optimisme, ils sont porteurs d'espoir et ils sont un appel à nous tous frères humains :

"Nous sommes arrivés à un tournant de l'Histoire, car les hommes possèdent maintenant une puissance et une énergie capables de détruire l'humanité.
Quel que soit notre âge, nous avons le devoir de nous faire entendre. Les uns à partir de leur jeunesse, de leurs projets, de leurs espoirs ; les autres faisant bon usage du bilan du temps passé, erreurs et réussites conjuguées.
Il nous faut réfléchir en semble, jeunes et vieux, à l'avenir de l'humanité. c'est la première fois que nous en avons la possibilité. Ne la laissons pas s'échapper.
Il est grand temps que nous prenions l'exacte mesure de cette chance de vieillir [...]"

Alain Rémond, Comme une chanson dans la nuit, aux Points
Maximilienne Levet, Les valeurs de l'âge, Editions Erès, collection Pratiques gérontologiques


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Ludivine Arrivault-Jochem 1 partage Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine