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1789 le14 juillet, la Bastille, le 23 juillet Gracchus Babeuf

Publié le 15 juillet 2011 par Adamante

pavot-californie-10 PARTAGE autour de l'histoire

C’était le 14 juillet 1789, le peuple porté par la rage et l’espoir, prit, dans le sang, la Bastille, odieux symbole de son oppression. Un an plus tard, au Champ de Mars, le 14 juillet 1790 fut commémorée son premier anniversaire. 

En ce moment de fête nationale, j’ai pensé que cette lettre de Babeuf à sa femme donnait un éclairage particulièrement édifiant pour mieux comprendre cette période de la révolution.

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  Paris le jeudi 23 juillet 1789

Je ne sais par où commencer en t’écrivant, ma   pauvre femme ; il n’est pas possible d’être ici, et d’y avoir des idées nettes, tant l’être y est agité.

Tout autour de moi est au renversement et dans une telle fermentation, que, même quand on est témoin de ce qui se passe, c’est à n’en pas croire ses yeux.

Bref, je ne puis que te rendre en gros tout ce que j’ai vu et entendu.

À mon arrivée, on ne s’entretenait que d’une conspiration dont M. le comte d’Artois et d’autres princes étaient les chefs.

Il ne s’agissait rien moins pour eux que de faire exterminer une grande partie de la population parisienne, et de réduire ensuite à la condition d’esclaves tout ce qui dans la France entière n’aurait échappé au massacre qu’en se mettant humblement à la disposition des nobles, en tendant, sans murmurer, les mains aux fers préparés par les tyrans.

Si Paris n’eût pas découvert à temps cet affreux complot, c’en était fait ; jamais crime plus épouvantable n’aurait été consommé. Aussi n’a-t-on songé qu’à tirer une éclatante vengeance de cette perfidie dont il n’y a pas d’exemple dans l’histoire, on s’y est résolu et l’on n’épargnera ni les auteurs principaux de la conjuration, ni leurs adhérents.

Les exécutions ont commencé, sans épuiser un trop juste ressentiment. La fureur du peuple est loin d’être apaisée, par la mort du gouverneur de la Bastille et la démolition de cette infernale prison, par la mort du prévôt des marchands, par le pardon que Louis XVI est venu implorer de ses sujets, par le rappel de M. Necker et des autres anciens ministres, par le renvoi des nouveaux régiments et des troupes ; il lui faut bien d’autres expiations.

On veut encore, dit-on, voir tomber une trentaine de têtes coupables. M. Foulon qui devait remplacer M. Necker et qui s’étant fait passer pour mort, il y a quatre jours, avait fait enterrer une bûche à sa place, ce M. Foulon a été arrêté hier, conduit à l’Hôtel de Ville et pendu au moment où il en descendait.

Son corps a été traîné dans les rues de Paris, puis déchiré en morceaux, et sa tête, promenée au bout d’une pique, a été portée au faubourg Saint-Martin, pour y attendre et précéder le gendre de M.Foulon, M. Bertier de Sauvigny, intendant de Paris, qu’on amenait de Compiègne où il avait été arrêté, et qui doit subir aujourd’hui le même sort que son beau-père.

J’ai vu passer cette tête du beau-père, et le gendre arrivant derrière sous la conduite de plus de mille hommes armés ; il a fait ainsi, exposé au regard du public, tout le long trajet du faubourg et de la rue Saint-Martin, au milieu de deux cent mille spectateurs qui l’apostrophaient et se réjouissaient avec les troupes de l’escorte, qu’animait le bruit du tambour.

Oh ! que cette joie me faisait mal ! J’étais tout à la fois satisfait et mécontent ; je disais tant mieux et tant pis. Je comprends que le peuple fasse justice, j’approuve cette justice lorsqu’elle est satisfaite par l’anéantissement des coupables, mais pourrait-elle aujourd’hui n’être pas cruelle ?

Les supplices de tous genres, l’écartèlement, la torture, la roue, les bûchers, le fouet, les gibets, les bourreaux multipliés partout, nous ont fait de si mauvaises mœurs !

Les maîtres, au lieu de nous policer, nous ont rendus barbares, parce qu’ils le sont eux-mêmes. Ils récoltent et récolteront ce qu’ils ont semé, car tout cela, ma pauvre femme, aura à ce qu’il paraît, des suites terribles : nous ne sommes qu’au début.

Je travaille pour le cadastre avec M. Audiffred qui paraît avoir grande confiance dans les ressources à attendre de la publication de cet ouvrage.

Je m’étendrai davantage à cet égard dans ma prochaine lettre. Je t’écrirai dès que j’aurai conclu quelque chose avec M. Maury.

Garde tes dix écus, et ne paye pas un sou à personne, entends-tu bien.

Je t’embrasse de tout mon cœur.

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Cette lettre fut au cœur de l'Opéra « Messidor » créé à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution Française, sous le label de son Comité National.

J’eus le plaisir de participer à cette œuvre, tant au niveau de l’écriture du livret, qu’à la mise en scène et la réalisation, ceci en compagnie de Gérard Destal.

Cet Opéra composé par Sergio Ortéga, auteur de "El pueblo unido" (La "Marseillaise" du continent latino américain) et de "Venceremos" (l'hymne de l'unité populaire de Salvador Allende) mit en œuvre plus de 1000 participants, dont 700 amateurs et bénéficia du concours de Denis Manuel et de François Chaumette.

Une photo de l'opéra Messidor

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