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La Fête du siècle

Publié le 21 juillet 2011 par Urobepi

La Fête du siècleSes romans précédents l’ayant déjà propulsé au devant de la scène littéraire italienne, Niccolò Ammaniti récidive cette fois avec une satire sociale complètement débridée que Fellini aurait sans doute souhaité porter à l’écran, eu-t-il été encore des nôtres. À défaut de l’œil du maître cependant, chacun pourra se faire son cinéma intérieur, l’écriture d’Ammaniti étant, en effet, très visuelle et surtout, d’une redoutable efficacité.

Avec ce nouvel opus, l’auteur hausse sa critique d’un cran. Aucune classe sociale ne trouve grâce à ses yeux; ni celle des petites gens, ni celle, décadente, de l’élite romaine. Voici donc un instantané à la fois grinçant et irrésistiblement drôle de l’Italie contemporaine par l’auteur qui nous a donné le superbe Comme Dieu le veut, dont j’ai déjà eu l’occasion de faire l’éloge.

L’histoire en deux mots: Saverio Moneta, dit Mantos, chef auto-proclamé d’un groupuscule sataniste, « les enragés d’Abbadon », rêve d’une action d’éclat, idéalement sanglante, qui pourrait raffermir la foi de ses disciples en la toute puissance de leur maître. Ils sont peu nombreux, trois à vrai dire, mais ils réclament ce que tout bon sataniste est en droit d’exiger: des sacrifices humains et des orgies. Malheureusement, de ce côté là, on ne peut pas dire qu’ils ont été choyés jusqu’ici. Une fête donnée pour le gratin romain par Salvatore Chiatti, un richissime promoteur, à la Villa Ada située au cœur d’un somptueux domaine qu’il vient d’acquérir  fournira toutefois à la bande l’occasion d’effectuer le meurtre rituel tant attendu. Mantos projette en effet d’enlever une célèbre chanteuse invitée par Chiatti pour la sacrifier à l’aide d’une épée sacrée achetée sur… eBay! Comme quoi, lorsqu’on est petit, on pense petit. La beauté de la chose est qu’à aucun moment Ammaniti ne porte de jugement sur ses personnages. Les faits parlent d’eux-mêmes.

Les invités à cette fête aux ambitions démesurées viennent de tous les horizons: littérature, cinéma, sports, musique. Tous ont en commun d’être extrêmement riches ou célèbres, idéalement les deux à la fois. La rumeur ayant fait de cet événement un incontournable, tout le monde crève d’envie d’être invité. Malgré ses airs de ne pas y toucher, c’est aussi vrai pour Fabrizio Ciba, écrivain célèbre sur le retour qui surfe sur ses succès littéraires passés et qui semble beaucoup plus préoccupé à soigner son image qu’à poursuivre de son œuvre littéraire. Identifié à la gauche intellectuelle, Fabrizio craint à juste titre que sa présence à un tel événement mondain n’entache sa réputation auprès du public. Il s’en sort par une pirouette morale, se promettant d’écrire le lendemain un article mordant dénonçant les abus des élites dans La Republica.

C’est drôle, grinçant et d’une imagination complètement débridée. Il y a des morceau d’anthologie dans ce livre. Comme cette scène où Fabrizio, invité à prononcer une conférence sur un livre qu’il n’a pas lu et de surcroît en présence de l’auteur, arrive à tirer brillamment son épingle du jeu en brodant sur la première idée qui lui passe par la tête. Chapeau. Ou, tiens, cet autre moment fort où le sataniste Mantos excédé par le mépris que lui voue sa femme menace de la passer par le fil de son l’épée sacrificielle qu’il a nommé affectueusement ‘Durandal’. Le choc frontal entre ces deux-là produira des étincelles, mais pas celles auxquelles on s’attend.

Bon, c’est l’été, alors, m’inspirant de la méthode François Chartier, je vais y aller de mon conseil « accord livres/vin »: Savourez ce roman sur une terrasse avec un verre de Soave Classico Inama. Avec un peu de chance, vous aurez terminé votre lecture en même temps que la bouteille. Sinon, il ne vous restera qu’à en déboucher une autre…

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AMMANITI, Niccolò. La fête du siècle. Paris: Laffont, 2011, 393 p. ISBN 9782221116050

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