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[France - Pollution] L’état réel des eaux : un dossier et un site citoyen accablants – AgoraVox le média citoyen

Publié le 01 août 2011 par Yes

Dans un contexte de remous présenté par le blog EAUX GLACEES, un site citoyen EAU EVOLUTION a été publié le 22 juillet dernier sur l’état réel des eaux et sur la désinformation officielle. Ce site présente une information citoyenne indépendante, transparente et pédagogique élaborée directement à partir des données brutes publiques dans l’esprit de la convention d’Aarhus. Il a vocation à lutter contre la désinformation environnementale sur l’eau et à faire évoluer les données brutes, les méthodes d’évaluation, la connaissance, la protection, l’information publique et l’état patrimonial réel. Le dossier « Remous » et le contenu du site « Eau Evolution » sont une mine incontournable de constats et de propositions. Je recommande donc fortement ces lectures pour enrichir sur des bases concrètes les débats environnementaux lors de la campagne 2012.

LE CONTEXTE : DES MONDES DE L’EAU ET DE L’INFORMATION TRES TROUBLESLe contexte intitulé « Remous » est présenté par le journaliste spécialisé Marc Laimé dans son blog Les eaux glacées du calcul égoïste avec trois articles remarquables qui dressent un tableau glaçant du monde de l’eau :

  • Qualité de l’eau (1) : un mensonge d’Etat ?

« Un nouveau site internet citoyen, « Eau Evolution », dédié à l’analyse de la qualité de l’eau, révèle une vérité qui dérange. La réglementation et les protocoles de mesure de la qualité de l’eau, profondément modifiés depuis une dizaine d’années, sont entachés de biais innombrables, qui conduisent à minorer très gravement l’ampleur de la pollution des rivières et des nappes phréatiques françaises. »>>> Je retiens entres autres pour alimenter les débats 2012 :>> « Trois problèmes majeurs sont à l’origine d’une surveillance biaisée des eaux superficielles et souterraines : - La dramatique insuffisance du nombre de substances toxiques recherchées dans l’eau. -La faiblesse des protocoles de mesure, en particulier pour les micropolluants chimiques. -Des méthodes d’évaluation impropres à décrire l’état réel des eaux superficielles et souterraines. »>> « La France a donc mis en place une surveillance biaisée de la qualité des eaux souterraines et superficielles, dont la qualité est donc beaucoup plus dégradée que ne l’affirment les pouvoirs publics. La pertinence d’une évaluation de la qualité se mesure à sa capacité à refléter la réalité. Or, quand on évacue la prise en compte de la majorité des substances toxiques, en particulier les micropolluants émergents, quand on néglige l’impact des faibles doses de substances dangereuses sur le long terme, quand on évacue la prise en compte des cocktails de substances, quand on se contente de moyennes avec de surcroît trop peu de mesures, quand on mesure avec des limites de détection trop élevées, etc., on biaise donc systématiquement la pertinence des évaluations.« 

  • Qualité de l’eau (2) : le témoignage choc d’Anne Spiteri

« Créatrice du site « Eau évolution » dédié à la qualité des eaux, Anne Spiteri s’explique sur ce qui l’a conduit à prendre cette initiative, au moment même où le ministère de l’Ecologie tente de bâillonner les lanceurs d’alerte…« >>> Je retiens entres autres pour alimenter les débats 2012 :>> A.S. : « J’ai ensuite tenté de valoriser mes acquis scientifiques et techniques dans le domaine de la protection publique de la ressource en eau, puis dans le domaine de l’information publique sur l’état des eaux. Mais ces dernières expériences ont été pour moi extrêmement décevantes, révoltantes et consternantes : je n’ai pu ni valoriser mes compétences ni faire évoluer en quoi que ce soit des mentalités et des pratiques que j’ai trouvées tout à fait archaïques et décalées par rapport aux différents enjeux modernes […] J’ai largement expérimenté ce que je considère comme une véritable féodalité de la fonction publique, avec ses petits seigneurs costume-cravate tout-puissants et ses oubliettes pour ceux qui dérangent. Et je suis sans doute étiquetée comme « rebelle » ou « passionnée » : deux défauts suprêmes dans un système qui m’a paru privilégier le sectarisme, le copinage, le carriérisme, l’obscurantisme, la flagornerie, la lâcheté et l’obéissance zélée, à la créativité, au travail en équipe, à l’ouverture d’esprit, à la compétence, au respect de l’expertise scientifique et surtout au sens du service public et de l’intérêt général. Je ne m’attendais pas à entrer dans ce que je considère être une chienlit inacceptable lorsque j’ai choisi, à la sortie de l’X, d’entrer dans un « grand corps de l’Etat ». J’en suis d’ailleurs arrivée à la conclusion que l’état de l’environnement était un très bon indicateur de l’état de l’administration, et vice-versa. » >> « Elle rappelle que le décret portant dissolution de l’Ifen a été signé en novembre 2008 et que cet espèce de premier bébé du Grenelle de l’environnement a été de très mauvais augure.« >> A.S. : « Il faudrait pratiquement tout remettre à plat dans le domaine de l’eau. Et de façon urgente :-Mettre en place une information environnementale indépendante, pertinente, consistante et réactive. Ce qui implique d’une part qu’elle soit réalisée par des experts reconnus en écologie et en analyse mathématique des données de l’environnement et que ces experts disposent de moyens financiers et humains conséquents ainsi que de toute l’indépendance nécessaire. Et d’autre part que les protocoles de surveillance des eaux soient revus immédiatement et corrigés chaque année pour fournir des données toujours plus patrimoniales au fur et à mesure des progrès scientifiques écologiques et analytiques. Je rappelle qu’une ressource patrimoniale mérite une surveillance et une évaluation patrimoniales.-Mettre en place une police de l’eau et de l’environnement réellement indépendante, qui soit très présente sur le terrain et qui ait des vrais moyens financiers, en expertise écologique et en contrôle.-Revoir l’ensemble de nos modèles en profondeur, en toute indépendance et avec les bases scientifiques écologiques sérieuses qu’ils n’avaient pas à l’époque où on les a conçus. Avec aussi une approche intersectorielle et interdisciplinaire qui seule pourra aboutir à des changements structurels à la hauteur des enjeux dont ceux du maintien de la biodiversité et du changement climatique. En particulier nos modèles agricoles, de gestion de l’eau et d’alimentation en eau potable et d’assainissement, ainsi que les autorisations des rejets organiques et chimiques ponctuels ou diffus, tous secteurs confondus. En veillant à prendre systématiquement en compte des cumuls des impacts, les cumuls des rejets et les possibilités d’accumulation dans les sédiments et les biotes« .

  • Qualité de l’eau (3) Nage en eaux troubles

« A l’orée des années 2000, la Direction de l’eau du ministère de l’Environnement éprouve des difficultés croissantes à effectuer du « reporting » à Bruxelles, et à lui adresser des données consolidées relatives à la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines, qui devient un enjeu majeur, à raison des engagements communautaires que la France ne respecte pas : Directive Nitrates, Directive eaux résiduaires urbaines, Directive-cadre européenne sur l’eau… D’année en année la dégradation massive de la qualité des ressources en eau françaises se confirme et s’accroît de manière inexorable, comme l’établira sans conteste le rapport réalisé pour le compte du Museum d’histoire naturelle en mai 2005 par le professeur Jean-Claude Lefeuvre. Les origines en sont clairement identifiées : un modèle agricole productiviste qui a conduit la France à devenir, notamment, le troisième consommateur mondial de pesticides, dont plus de 80 000 tonnes sont encore utilisés chaque année. Ainsi que le retard apporté par la France, comme les autres Etat-membres, à remettre aux normes ses stations d’épuration, dont les effluents sont à l’origine d’une forte pollution en azote et en phosphore. »>>> Je retiens entres autres pour alimenter les débats 2012 :Tout… car il faut lire tout le document de A à Z pour comprendre à quel point les mondes de l’eau et de l’information publique sur l’état de l’environnement paraissent « troubles«  !Le seul exemple des turpitudes administratives de l’Ifen illustre cependant bien la situation :« L’histoire de l’IFEN témoigne d’un véritable échec, qui renvoie à une interrogation de fond sur la gouvernance dans le domaine de l’eau […] L’Institut français de l’environnement (IFEN), qui était le « point focal » des données sur l’environnement en France, notamment vis-à-vis de l’Agence européenne de l’environnement, jouissait depuis sa création d’une indépendance découlant de son statut d’Etablissement public de l’Etat. Il y est brutalement mis fin en 2004. L’Institut devient un service du ministère. A dater de 2006, le personnel expert en charge du traitement des eaux de surface sera éliminé dans des conditions particulièrement brutales, qui seront dénoncées par les syndicats du ministère de l’Ecologie […] Un climat délétère règne en 2009 au siège historique de l’IFEN à Orléans, désormais placé sous la tutelle brutale du nouveau Service de l’observation et des statistiques (SOeS) créé en 2008, lui-même piloté par le nouveau Commissariat Général du Développement Durable de « l’hyper-ministère » de l’Ecologie. La quasi-totalité de son personnel technique a été muté, et les rares rescapés ont changé d’affectation. Les personnels spécialisés dans la connaissance environnementale y sont désormais supplantés par ceux de l’INSEE ou de l’Equipement. Plus « d’environnement », et bientôt plus d’information environnementale, puisque le site de l’ex-IFEN devrait aussi disparaître en tant que tel pour être intégré dans celui du SOeS. Le cabinet de Jean-Louis Borloo confondrait-il volontairement « communication » et « information » ? La direction de la communication du ministère de l’Ecologie est donc désormais en mesure de censurer tous les rapports techniques susceptibles d’évoquer les sujets qui fâchent. Les traditionnels « 4 pages » de l’IFEN, devenus « Le point sur » ne sont quasiment plus adressés aux journalistes, histoire d’éviter toute enquête qu’ils pourraient susciter… L’IFEN n’est plus habilité à diffuser des communiqués, comme il le faisait régulièrement dans le passé. Bientôt l’information sera uniquement disponible sur le site du ministère, et se résumera donc aux inaugurations et aux cocoricos post-Grenelle. » LE SITE EAU EVOLUTION : UNE POLYTECHNICIENNE DONNE LA PAROLE AUX DONNEES BRUTES PUBLIQUESC’est à ma connaissance le premier site d’information environnementale fondé sur l’exploitation directe des données brutes publiques rendue possible par la convention d’Aarhus, tout le monde ne pourra que s’en réjouir et cela méritait d’être signalé !Des sites identiques seraient nécessaires pour l’état de l’air, de la nature, de l’énergie et des sols…Cette « vitrine citoyenne à vocation pédagogique » propose un diaporama téléchargeable de présentation dont voici ici des extraits :·« Des articles sur l’état des eaux réalisés à partir de calculs simples, que chacun peut vérifier et commenter, et en restant toujours au plus prés des données brutes ·Un outil interactif pour fabriquer des cartes de qualité personnalisées des rivières et des nappes·Un coin calcul pour trouver et comprendre les données brutes avec beaucoup d’exemples de méthodes, de graphiques et de calculs·Des analyses et des bilans des contenus des publications officielles sur l’état des eaux·Une réflexion participative pour élaborer un nouveau paradigme eau potable/assainissement »>>> Je n’ai pas encore tout lu… mais je retiens entres autres pour les débats 2012 :>> Une synthèse « L’eau, toujours source de vie ? L’état réel des eaux et des données sur l’eau » d’une cinquantaine de pages qui, en s’appuyant sur l’état réel de la ressource en eau présenté en détail dans les différents articles du site, remet en cause beaucoup de choses sur l’eau : ce document « porte un intérêt tout particulier sur la pollution chimique et sur les aspects globaux et cumulés des dégradations. Il montre entre autres que les informations publiques sont déficientes par rapport aux enjeux et aux données existantes elles-mêmes déjà très partielles et insuffisantes » […] Les publications officielles donnent un aperçu de la vraie réalité de l’information technique actuelle sur l’eau. Il y a manifestement des manquements graves. L’insoutenable légèreté de l’information statistique environnementale publique que l’on y découvre est tout simplement criminelle au regard de la protection de l’environnement, de la biodiversité et des citoyens […] Est-ce avec ces ersatz d’informations et de méthodes d’évaluation que les agriculteurs, industriels, collectivités locales et particuliers trouveront une information pertinente sur les résultats de leurs efforts de réduction des dégradations des écosystèmes aquatiques ou un encouragement à les poursuivre ?« >> L’outil de cartographie interactive, « outil pédagogique et ludique pour mieux comprendre, au travers d’un panel de cartes interactives indépendantes, la qualité des cours d’eau et des eaux souterraines, la façon dont elle est mesurée et la répartition géographique des principaux types de pollution« . Je me suis plongé dans cet outil qui propose beaucoup de paramètres à cartographier soi-même dans des cartes téléchargeables. Pour résumer, les couleurs et les tailles des points sont réglables de façon continue, il suffit de régler la barre haute dans laquelle on souhaite les voir varier : c’est tout simplement impressionnant de voir la qualité de l’eau changer de couleur au gré des zones connues pour leur activité polluante plus ou moins élevée !

Les pesticides dans les cours d'eau en 2007
>>> Je trouve que ces deux sites offrent de la lecture d’été instructive et passionnante. Tous ces documents arrivent à point dans le contexte préélectoral actuel pour préparer des débats motivés dans le domaine de la protection de l’environnement, notamment sur les questions de l’information environnementale et des lanceurs d’alerte et de l’état réel de la ressource en eau !

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