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De la Chine [II]

Publié le 08 août 2011 par Voilacestdit

Les réflexions d'Alexandre sur la Chine [ voir le billet "De la Chine [I] ] me donnent à penser.

Alexandre a passé plusieurs séjours en Chine il y a une quinzaine d'années - d'abord 3 mois à Shanghaï, puis 9 mois à Pékin l'année suivante - il parle chinois, ne voyage pas en "touriste" mais se mêle à la population, prend les transports en commun etc., il a en quelque sorte l' "usage du monde" chinois. Il était dans ses débuts professionnels très impressionné par le dynamisme des Asiatiques, au point d'envisager de créer son entreprise dans ce milieu. Il co-fondera en 2002 avec un ami marseillais une start-up à Séoul, Asiance, qui propose à des entreprises européennes qui se donnent pour objectif de s'implanter en Asie, de guider leurs premiers pas en terra incognita. Bref, le témoignage d'Alexandre n'est pas de deuxième main - cela mérite considération.
Or, quelle image de la Chine nous renvoie-t-il ?  À la Chine qu'on imagine organisée, planifiée, marchant comme un seul homme derrière le Parti, faisant [au sens propre] la pluie et le beau temps, jouant les super stars olympiques, se superpose l'image un peu plus floue d'un pays certainement des plus organisés, planifiés, marchant comme un seul homme [jusqu'à quand ?] derrière un Parti [pour le moment] unique, qui distribue les consignes à travers un appareil d'État [apparemment] rigide - mais sur le terrain cela paraît plus brouillon, ou fantaisiste, les ingénieurs interprétant curieusement les dites consignes, jusqu'à produire des résultats aberrants, dignes du roi Ubu : ne pas creuser de tunnel mais préférer couper une montagne en deux, parce qu'un tunnel ça ne se voit pas, mais la tranchée béante ça se voit ; couper une route deux ans sur toute sa longueur, pour pouvoir inaugurer le tracé complet plutôt que section par section etc. - il faut quand même le faire ! et/ou avoir chevillé à l'esprit une sacrée conception du m'as-tu-vu.
De ce point de vue, je comprends mal qu'un magazine comme "Le Monde des religions" trouve à titrer son numéro de juillet-août : "Les sagesses chinoises" [calligraphie, taoïsme, feng shui, confucianisme, méditation, taï-chi-chuan, médecine, yi king...]. Il faut bien attirer le chaland, mais tout de même...il me semble qu'il eût été de mise de préciser : les "anciennes" sagesses chinoises. Certes, ces sagesses ont sans doute, encore, des adeptes en Chine, peut-être pas plus qu'en Occident - mais elles n'ont d'existence que parce que tirées de l'ancien fonds : qui peut aujourd'hui, sérieusement, parler de "sagesse chinoise" ?
C'est la même chose chez nous, d'ailleurs. Que produit de "sage" la civilisation occidentale ? La société de consommation ? Le tout financier ? La société du spectacle - le bling bling ? L'a-moralité érigée en manière de vivre ? Le chacun pour soi sous couvert d'individualisme ? Le culte exclusif des droits ? Le règne de l'arrogance ? Le matérialisme semé à tout vent sur la planète ?
Comment s'apprécient les valeurs d'un pays ? Nietzsche écrit dans  Ainsi parlait Zarathoustra : "Aucun peuple ne pourrait vivre s'il ne commençait par se fixer des valeurs [...] Une table des valeurs est inscrite au-dessus de chaque peuple ; c'est la table de ses victoires sur lui-même [...] En vérité, mon frère, dès que tu connaîtras quels sont les dangers, le sol, le climat et les voisins de ton peuple, tu pourras deviner la loi qui régit ses victoires sur lui-même, et tu sauras pourquoi il a choisi telle ou telle échelle pour monter vers la réalisation de ses espérances" ["Des mille et une fins"].
Combien de victoires pour combien de défaites ? Dans quels cénacles se tient la sagesse ?  L'évolution irrésistible de la conscience vers un niveau supérieur devrait s'accompagner d'une montée des valeurs. Mais le feu se refroidit en air et l'air devient le vent de Zarathoustra "qui balaie tous les bas-fonds" ["De la canaille"]...

Face à ces défaites annoncées la sagesse seule peut rétablir le mouvement vers le haut : anciennes sagesses chinoises ou celles tirées de notre fonds occidental. Les civilisations, comme les individus, ont leur midi de la vie.


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