Magazine Journal intime

Je suis une rebelle

Publié le 17 août 2011 par Bizz
Enceinte de Bébé fille, à quelques semaines du terme, on m'a envoyé passer une xième échographie pour s'assurer que Bébé fille avait bien la tête en bas. J'avais naïvement mentionné à mon médecin lors du rendez-vous précédent que la coquine bougeait à de nouveaux endroits où je ne l'avais jamais sentie auparavant. Tout de suite, un suivi spécial s'est imposé et une graine d'inquiétude s'est glissée en moi. Finalement, il s'est avéré que Bébé fille avait bel et bien la tête en bas, elle s'amusait seulement à chatouiller sa mère à des endroits farfelus.
À l'accouchement, le médecin n'a vu que deux vaisseaux dans son cordon, alors que normalement, il y en a trois. Tout de suite, on m'a parlé de conséquences importantes: problème de fonctionnement des reins, infections urinaires répétitives, possible absence d'un rein. Et moi, j'écoutais tout ça, fraîchement recousue, ma petite puce en peau-à-peau sur mon ventre encore gonflé, avec en prime un post-partum qui commençait déjà à se faire sentir. La boule au creux du ventre, je vous dis pas. Pendant quatre jours, je me suis sermonnée et auto-flagellée: jamais je n'aurais dû prendre autant de café pendant la grossesse, j'aurais dû continuer mes suppléments vitaminiques même s'ils me donnaient la nausée, j'aurais dû ci, je n'aurais pas dû ça. Bref, ce petit vaisseau absent dans le cordon de Bébé fille, c'était entièrement ma faute, pas de doute là-dessus. Je suis retournée en radiologie avec Bébé fille âgée de 4 jours. On lui a fait une échographie de ses minuscules reins pendant qu'elle tétait frénétiquement mon doigt pour se réconforter. Rien. Elle n'avait rien de grave, tout était en excellent état.
À son rendez-vous chez le médecin pour son suivi d'un mois, on m'a mentionné qu'elle avait un orteil un peu difforme. J'avais moi-même noté l'anormalité. Tout de suite, on m'a référée à un spécialiste qui prônait l'opération avant 6 mois, au risque que Bébé fille ne marche jamais. J'ai refusé. Pas question de la charcuter. Pendant des mois, j'ai massé son orteil doucement, chaque jour, pour l'aider à reprendre sa place, un peu d'inquiétude au coeur. Et si ma décision l'empêchait réellement de marcher un jour? Vous savez quoi? Bébé fille a fait ses premiers pas à neuf mois et elle marchait d'un pas ferme et décidé à neuf mois et demi. Plus tôt que la normale. Je me suis dit qu'on ne m'y reprendrait plus.
Enceinte de Bébé fiston, après un premier examen gynécologique, on m'a fait remarqué que j'avais une fente dans le col de l'utérus. Tout de suite, on m'a référée à un spécialiste qui me parlait d'ouverture prématurée du col, de risque de fausse couche et d'une possible opération pour attacher mon col. J'ai retenu mes larmes. Puis, il m'a examinée. Une minuscule fente de rien du tout. Aucune raison de s'inquiéter. Pas de doute selon lui, je mènerai cette grossesse à terme, comme la première. Une pression de moins sur mes épaules.
À l'échographie de 20 semaines, j'ai appris avec joie que j'attendais un garçon. Mon fils. Le lendemain, j'ai reçu un téléphone. Non, j'avais un message sur mon répondeur. Le radiologiste avait décelé une anomalie aux ventricules du cerveau. Trop dilatés, au-delà de la normale. Un spécialiste du CHUL (Centre hospitalier de l'Université Laval) allait prendre rendez-vous avec moi et j'aurais un suivi pour une grossesse à risque. Cette fois, je n'ai pas pu retenir mes larmes. J'ai pleuré à chaudes larmes pendant toute mon heure de dîner. Et je m'en suis voulue d'avoir repeint ma salle de bain, enceinte de 6 semaines. Ça ne pouvait être que moi, la fautive. Et j'ai encore pleuré le soir venu, quand j'ai appris la triste nouvelle à l'amoureux. On a pleuré ensemble. À mon rendez-vous d'ensuite, j'ai demandé à mon médecin quelles pouvaient être les conséquences. Des mots horribles sont sortis de sa bouche: handicap, trisomie, avortement. Je sais qu'elle m'a dit de ne pas m'inquiéter et d'attendre les résultats, mais avouez que c'est plutôt difficile après avoir entendu tous ces mots. Pendant près d'un mois, l'amoureux et moi avons espéré, tenté de ne pas nous inquiéter, fait de l'insomnie, versé une larme ici et là, retenu nos larmes quand quelqu'un nous demandait comment allait la grossesse, réfléchi, fouillé sur le net, etc. Une chose était sûre: notre fils était là pour rester, peu importe les résultats. Un matin, nous sommes partis de la maison, Bébé fille aux bons soins de sa grand-mère, pour débuter le suivi spécial. Dans la salle d'échographie, nous avions les mains moites et le coeur battant. Cinq minutes, c'est tout le temps que ça a pris avant que l'infirmière nous informe que notre fils était en parfaite santé! Elle en a conclu que le premier radiologiste a dû faire une erreur de calcul. J'ai pleuré, cette fois, de joie. L'amoureux aussi. Tout, tout, tout était parfaitement normal.
De retour à la maison, nous avons pris la ferme décision que c'en était fini des suivis médicaux. Pas de rendez-vous mensuel, pas de prise de sang, pas de test quelconque et surtout, plus aucun suivi spécial. Notre dose d'inquiétude, on l'a eue en masse. Et puis, je pense être en mesure de savoir si quelque chose ne va pas. Si j'enfle subitement, je devrais m'en rendre compte. Si je ne sens plus Bébé fiston bouger, je vais le savoir. Si je m'évanouis trois fois en une semaine, je saurai que quelque chose ne va pas. Quand un médecin me dit de ne pas m'inquiéter après m'avoir défilé une liste de conséquences que je juge épouvantables, je trouve cette suggestion fort surréaliste. Ne pas m'inquiéter, vous dites? Eh oh, coco, tu t'adresses à une femme enceinte. Par définition, elle a déjà toute la misère du monde à gérer ses émotions, comment veux-tu qu'elle ne s'inquiète pas un brin?
Alors, je me fais rebelle. Je boycotte les prises de sang et les tests de glucose, je ne retourne pas les appels de la secrétaire de mon médecin qui me mentionne gentiment que je suis dûe pour mon suivi mensuel et j'essaie d'ignorer les gros yeux que me font les infirmières du CLSC. J'en suis encore à me demander si je ferai ou non l'échographie de 32 semaines. Après tout, j'aime bien ce moment où je vois Bébé, mais je redoute les soi-disant anomalies qu'on pourrait y déceler.
Et puis, d'être rebelle ainsi et de défier l'autorité me donne l'agréable sensation d'être en symbiose avec Bébé fille et son terrible two...

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