Où Blanche envisage l'avenir avec appréhension

    Blanche s'est retirée dans sa tour.  Elle repose sur sa couche de soie.  Mais elle ne trouve pas le sommeil. Elle se lève et se met à la fenêtre.  Quelque chose l'oppresse, un sentiment indéfinissable, comme un regret de ne pas être dehors, dans cette nuit claire, où la lune dépose sur les monts et les bois une poudre de lumière bleutée.  Elle songe aussi à ce qui l'attend dans quelques semaines, au-delà de la frontière.  Il faudra quitter le cher royaume de France, s'engager dans les sentiers de la montagne sauvage, entrer en terre inconnue, faire route par les ports et les sierras des Pyrénées jusqu'à la lointaine Valladolid, où elle deviendra l'épouse de ce prince étranger qu'elle ne connaît pas encore et dont elle redoute déjà les moeurs brutales, car des échos lui en sont parvenus à la Cour: Pierre 1er frappe vite et fort ses ennemis, sans pardon ni merci.  Saura-t-elle, à quinze ans, lui inspirer assez d'amour et de respect pour qu'il ménage en elle tout ensemble la jeune vierge, sa femme et la princesse de haut rang, dont il va faire par ce mariage la reine de Castille?

Elle ne peut avoir aucune certitude, aucune assurance.  Elle a peur de l'avenir, mais la raison d'état pèse sur ses frêles épaules.