Une rencontre

Il a trente ans.

La chemise et la cravate bien rentrées dans le pantalon, élégant et chic. Son problème, ce matin, a été de trouver une place pour garer sa berline classe C gris métallisé. Presque neuve, elle a un an.

A la maison, sa fiancée commence à réglementer sa vie : demain 13h, rendez-vous avec le traiteur; samedi soir, entrevue avec le prêtre pour les détails de la cérémonie; dimanche, déjeuner chez ses futurs beaux-parents.

Au boulot, il est dynamique, efficace, motivé. Blasé aussi parce que pour passer chef de service avant trente ans, il faut entrer dans le moule. Parfois, il a l’impression d’être vieux. C’est fugace, ça ne reste jamais longtemps. Inutile de se poser de questions, sa vie est déjà tracée et ça lui convient.

Elle a trente-deux ans.

Les cheveux en pétard, les vêtements froissés. En retard. Les gamins qui hurlent à l’arrière de la petite clio d’occasion qu’elle vient de finir de payer.

Elle hurle aussi parce que sa tête va bientôt exploser. Les cartables servent d’armes pour une bataille bon enfant, mais bruyante. Finalement, des cris la préviennent qu’un des trois a dû déclarer forfait pour blessure. En double file, elle s’arrête devant l’école.

Elle a rendez-vous pour un travail. Elle se gare sur le parking du supermarché, se recoiffe rapidement, un peu de maquillage pour dissimuler ses cernes de fatigue. Sans conviction, elle se sourit dans le rétroviseur: cette fois, c’est la bonne. Ou pas, mais même un travail précaire, elle prendra parce qu’elle n’a pas le choix.

Sa journée a été dure. La voiture est un endroit calme avec la musique à fond. Le pied un peu lourd sur l’accélérateur, mais tant pis, on gagne quelques minutes sur le trajet. Qu’une seule envie, s’effondrer sur un canapé, un lit et ne plus penser à rien.
Perte de contrôle, rencontre frontale.

Un seul survivant.