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Henri Deluy | Old Navy

Publié le 09 novembre 2011 par Angèle Paoli
« Poésie d’un jour


Danielle Collobert
Image, G.AdC

OLD NAVY

aux porteurs de valises, à Danielle Collobert.

Une première fois, elle avait douze ans. Pourquoi pas ? Puis elle a commencé d’écrire. Une remontée. Les mots me couvrent comme un drap froissé, trop petit. L’écriture est du côté de la vie, disais-tu, dommage.

Tu parlais peu.

Tu parlais un peu. Le bar n’était jamais désert. En pleine nuit. Je n’ai pas très envie d’entendre les autres, je n’ai pas très envie de m’écouter.

Danielle s’installait le plus souvent entre la terrasse et le bar. À portée des tabacs.

Enfoncée dans une banquette assez profonde. Gris bleu. Deux cendriers sur la table. Je bois des gimlett’s, quand je peux. Je devrais changer de cigarettes, je devrais m’arrêter de fumer.

Nous aussi, proches des vestiges mélancoliques d’une aspiration à changer le monde.

Bien sûr, l’écriture n’est pas le langage. Bien sûr, le langage ne ressemble à rien. Échec de la tristesse. L’errance aussi. Il faudrait pouvoir ne pas laisser l’écriture s’isoler dans la solitude. L’obscurité se réduit au silence.

La rectitude. Si tu écris, que ce soit une sorte de rectitude. Morale.

Voyager. Pas mal. Ne pas séjourner. Pour l’écriture aussi la terre est vaste. Ronde. C’est la mort, en fin de compte, qui s’isole.

Je te tire du silence. Je te tire de la solitude. Je te tire de la tristesse. Je t’installe dans l’écriture. Ridicule. Et pourtant.

Il est deux heures trente. Je t’offre un gimlett.

Henri Deluy, L’Heure dite, Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, octobre 2011, page 186.

Deluy



■ Danielle Collobert
sur Terres de femmes

→ Danielle Collobert | Toujours mouvement



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