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Tomas Tranströmer | Schubertiana, I

Publié le 10 novembre 2011 par Angèle Paoli
« Poésie d’un jour

SCHUBERTIANA

I

I kvällsmörkret på en plats utanför New York, en utsiktspunkt där man med en enda blick kan omfatta åtta miljoner människors hem.
Jättestaden där borta är en lång flimrande driva, enspiralgalax från sidan.
Inne i galaxen skjuts kaffekoppar över disken, skyltfönstren tigger av förbipasserande, ett vimmel avskor som inte sätter några spår.
De klättrande brandstegarna, hissdörrarna som glider ihop, bakom dörrar med polislås ett ständigt svall av röster.
Hopsjunkna kroppar halvsover i tunnelbanevagnarna, de framrusande katakomberna.
Jag vet också ― utan all statistik ― att just nu spelas Schubert i något rum därborta och att för någon är de tonerna verkligare än allt det andra.

Tomas Tranströmer, Sanningsbarriären, Bonnier, Stockholm, 1978. I

À la nuit tombante, sur une place en dehors de New York, un point de vue d’où l’on peut, d’un seul coup d’œil, embrasser les foyers de huit millions d’hommes.
L’immense ville, là-bas, est une longue congère scintillante, une nébuleuse spirale vue de côté.
Dans cette galaxie, on fait glisser des tasses de café sur les comptoirs, les vitrines demandent l’aumône aux passants, un grouillement de chaussures qui ne laissent aucune trace.
Les échelles d’incendie grimpent aux façades, les portes des ascenseurs se rejoignent, un perpétuel flot de paroles derrière les portes verrouillées.
Des corps affaissés somnolent dans les wagons du métro, ces catacombes qui filent droit devant.
Je sais aussi ― sans aucune statistique ― qu’à cet endroit précis, dans une de ces chambres là-bas, on joue du Schubert et que ces notes pour quelqu’un sont plus réelles que tout le reste.

Tomas Tranströmer, La Barrière de vérité, in Baltiques, Œuvres complètes 1954-2004, Gallimard, Collection Poésie, 2004, page 220. Traduit du suédois et préfacé par Jacques Outin. Postface de Renaud Ego. © Le Castor Astral, 1996 et 2004, pour la traduction française.



TOMAS   TRANSTRÖMER

Tranströmer

Source

■ Tomas Tranströmer
sur Terres de femmes

Från berget | De la montagne

■ Voir aussi ▼

→ (sur le site Œuvres ouvertes de Laurent Margantin ) Tomas Tranströmer, langage au-delà du langage
→ (sur le site du Matricule des Anges) une recension de Marc Blanchet sur la publication en français des Œuvres complètes de Tomas Tranströmer
→ (sur le site du Monde) un article de Nils C. Ahl sur Tomas Tranströmer (article paru le soir de l'annonce du Prix Nobel de Littérature 2011)
→ (sur Liminaire) une page consacrée à Tomas Tranströmer
→ (sur le site du Printemps des poètes) un article de Jean-Pierre Siméon paru dans Médiapart le 17 octobre 2011 [PDF]



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