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1er décembre 1947 | Naissance d’Alain Bashung

Publié le 01 décembre 2011 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

  Le 1er décembre 1947 naît à Paris Alain Bashung. D’origine bretonne par sa mère, de père kabyle inconnu, Alain Bashung prend très tôt le nom de son père adoptif, Roger Bashung, d’origine alsacienne. Auteur, compositeur et interprète, Alain Bashung entre dans la légende du rock français au début des années 1980 avec le célèbre Gaby Oh Gaby.
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PORTRAIT DE L’ARTISTE EN « DIEU INCA », par GÉRARD MANSET

  J’ai rêvé de lui. Il avait rajeuni, jauni, il était mince et fin, visage lame de couteau, yeux en amande. Il était venu s’asseoir silencieusement à la même table. Nous nous trouvions dehors, de nuit. Les rêves, on est partout chez soi, et à cette table ronde Alain m’avait glissé un petit carton, son nouveau numéro…Il avait changé de nom, j’ai lu des c, deux h. C’était un nom très exotique, à consonance allemande. Il ne donnait l’adresse qu’à quelques-uns, mais il était tranquille. Ensuite ce fut la nuit, tout mélangé, et d’autres visions de ces espaces d’un peu partout visités constamment par le sommeil.

Évidemment, je n’ai plus de mémoire
  Évidemment, je n’ai plus de mémoire. Je me dis parfois que j’en suis à ce moment de la vie où l’on « ramène les bêtes ». Prenant le chemin au-dessus de la gorge de la vallée, je songeais à Alain, cet atypique au masque très élégant, très animal, comme une espèce étrange cherchée au fil du temps. Palpite en moi le collectionneur qui n’a rien fait que jouer ou vérifier sans cesse, tester certaines saveurs, chercher si quelque sucrerie, parfois riche, parfois pauvre, monterait ou caraméliserait. Alain en était une, épicée très doucement.
  B comme balèze, A comme Alain, et puis la suite : le chapelet des lettres formant son nom… S comme social, H comme humain… U comme unique, N comme n’importe quoi et G, peut-être pour Gérard ? Ce qui fut fait. Il avait face à lui quelqu’un de fasciné, d’adepte, d’admiratif de sa succulence absconse, de son « abscuonsité ».
  Penché au-dessus de la table, je le regardais tenter de faire s’animer le bord cadavérique d’une huître avec un peu de citron. Danseur des immobilités, il ne se trompait pas. Prescience de vieux routard de la rouerie des apparences. Donc j’étais là, curieux et intrigué des pantomimes, goûteux de ses similisourires dont l’âme ne se dessillait que rarement, grignotée, avortée…   Gourou du « trois pas en arrière », il n’y avait pas plus sage et plus placide dans son humilité, sa componction. Durant ces entretiens, je n’ai pas noté ni vu grand-chose, m’écarquillant les yeux, scrutant l’idole sans y déceler rien d’autre que la plastique exquise d’une admirable guirlande de mots ténus et doux, choisis, qu’il évacuait lentement de ses lèvres très subtilement arquées, modelées, bleutées.
  Je l’observais, surpris de la manière très laborieuse avec laquelle les phrases sortaient, le quittaient, une à une déposées. Des mots terriblement sensés et justes, les mots de qui est né de rien, provient de rien. Il m’avait fait comprendre la politique sociale et l’humanisme. Il revenait en arrière, soufflait. Il respirait en cachalot, ouvrait les yeux sur la surface problématique du monde, prenait tous les détours. En fait, il inventait. Il ne se rendait pas compte, tant l’effort était grand, mais c’était cela, et l’expression sortait de son être avec toutes les difficultés qu’on prête aux accouchements. C’en était un, laborieux, étudié, les arguments concrets, mes exemples amusés qui lui donnaient le faciès rubicond et parfois emprunté, l’éclat du regard trompeur, voire enfantin.
  Surpris dans un larcin, on aurait dit le visage d’un dieu inca, celui des bas-reliefs, des stèles, et là qui s’animait, comme piqué d’un couteau, immobile et mouvant tel l’eût été l’invertébré à double coquille et à corps mou qu’il adorait : la fine de claire.
Gérard Manset, Visage d’un dieu inca, L’Arpenteur, 2011, pp. 9-11-12-13.



■ Alain Bashung
sur Terres de femmes

1er novembre 1994 | Alain Bashung à l’Olympia



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