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Leçon d’autoédition : Ce qui se vend n’est pas forcément le meilleur

Publié le 05 décembre 2011 par Paumadou

Petits Meurtres à Paris est un délire : c’est brouillon, c’est une accumulation de meurtres sans vraiment ni queue, ni tête. Certaines personnes m’ont dit « C’est comme Destination Finale, on s’en fiche de la cohérence de l’histoire, ce qu’on attend, c’est le meurtre ! » Heureusement que la plupart des gens se fichent de la cohérence de l’histoire parce que c’est un texte que je trouve amusant (et je me suis amusée à l’écrire) mais sans plus. Les personnages ne m’ont pas transportés (en fait ils ne sont qu’un prétexte à meurtres, mais c’était le parti pris de départ : mourir de manière originale dans des lieux « touristiques » de Paris).

Fugues est, jusqu’ici, le meilleur roman que j’ai publié. Sachant qu’il y a un côté frustrant à publier un texte écrit un an et demi auparavant, alors qu’entre temps, j’ai écrit des trucs que je trouve meilleur… C’est la vie ! Vaut quand même mieux publier dans l’ordre d’écriture pour que le public voit l’évolution.

Je l’ai dit à plusieurs reprises : je considère l’auto-publication comme une école beaucoup plus formatrice que le fait d’attendre passivement l’avis d’un éditeur. Et l’un des apprentissages que j’ai faits le voilà : ce qui vend n’est pas forcément le meilleur artistiquement ou littérairement.

Je m’en doutais un peu : j’ai plus de facilité à lire du harlequin que de plonger dans un bouquin de Kundera. Pas que je déteste le second ou que réfléchir m’ennuie, mais c’est plus facile de lire du harlequin, ça ne prend pas la tête, pas la peine de réfléchir trop (et puis c’est drôle, avouons-le, surtout quand ça se prend au sérieux… chez Kundera, c’est quand même moins amusant)

Je lis donc plus d’harlequin que de Kundera (Pitié, Idmuse, ne me trucide pas). En gros, j’achète plus ce qui se lit vite et sans prise de tête que des pavés qui vont me faire chialer ou me remuer l’intérieur du dedans. Si le second restera plus facilement dans ma mémoire, le premier me fera passer un bon moment. Lire n’est pas toujours une activité vraiment intellectuelle.

Bref, je suis parfaitement lucide qu’en disant « Voilà, Petits Meurtres c’est ma meilleur vente (et de loin) » ça ne me place pas comme « Auteur du siècle », ceux qui le liront ne pourront qu’être d’accord avec moi. Sauf que Petits Meurtres c’est la pitance dans l’assiette (et puis le feu sous la marmitte aussi, et la cotisation pour l’assurance qui me rembourse des dégâts si la gazinière explose…) Absences et Fugues, plus « sérieux » (mais ça vaut pas Kundera, j’avoue), eux ne sont que l’eau des pâtes (oui, l’eau aussi ça se paye malheureusement).

Voilà aussi en quoi l’autoédition est un moyen de comprendre les enjeux et les problématiques des professionnels : est-ce que je fais du commercial ou du culturel ? Est-ce que je sers la Littérature, l’avant-garde et le renouvellement de l’art ou moi-même parce que j’ai quand même un loyer et des salaires à payer ? Est-ce que je choisis de n’écrire que des textes courts et faciles ou je plonge dans des sujets plus sérieux, plus long et plus difficile à écrire (et à lire) ?

Ces questions, je ne me les serais pas posée, il y a six mois quand j’auto-publiais mon premier livre. Maintenant, c’est quasiment au quotidien que je me les pose (et non, je ne me prends pas TROP la tête, je suis lucide et je veux faire de l’écriture un boulot rentable, pas une passion ou un passe-temps du week-end)

Il faut de tout pour faire un monde, et un artiste ne se corrompt pas en « vendant » ce qui est « vendeur », tant qu’il garde à l’esprit que c’est du travail « gagne-pain » et que ça lui permet de faire ce qu’il veut à côté.
Je repense à  une fille à qui j’ai appris qu’une artiste de street art qu’elle adorait, Miss Tic, avait participé à une campagne de pub pour un loueur de camions. Sa réaction a été le rejet et le dégoût pour cette même artiste comme s’il s’agissait d’une trahison. L’art ne nourrit personne : c’est l’argent qui le fait, et l’argent il faut aller le trouver là où il est. C’est une thématique d’histoire de l’art qu’on pourrait largement développer et qui est occultée par la beauté de l’art suprême et désintéressé… (un peu comme l’artiste maudit en fait, passons, je ferai un billet à ce propos un autre jour)

S’il se prend pour l’auteur du siècle parce qu’il a fait un best-seller, par contre, là, l’auteur commet une faute d’orgueil (péché capital, ça, ‘ttention).

La littérature c’est un art, mais c’est avant tout un commerce (comme l’Art d’ailleurs). Ce qui se vend bien n’est pas forcément le meilleur, en réalité, c’est même bien souvent le contraire.


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