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Noël : un message de paix pour les enfants d'Egypte

Publié le 23 décembre 2011 par Hermas

 

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Béatitude,

Chers Pères évêques,

Il est des années qui, avant même de se refermer, semblent s’effacer ; des années blanches, difficiles à fixer sur la toile du temps. D’autres en revanche, secouées par le vent de l’histoire, ne se peuvent oublier. 2011, l’année de l’indignation, est de celles-là.

En Occident, tout commença par le coup de sang d’un très vieux monsieur dont l’« Indignez-vous » rencontra un écho inattendu. D’Athènes à New-York, les indignés se rassemblèrent en nombre pour clamer leur refus du monde comme il va.

En Egypte, ce sont les jeunes qui, au prix de leur vie, osèrent s’indigner : « keffaya », « ça suffit ». Jour et nuit, sans faiblir, sur la place Tahrir ils crièrent leur colère. Jusqu’à ce qu’enfin s’en aille le Raïs, le chef honni d’un régime dictatorial et corrompu.

Printemps, révolution, tsunami, les mots ne manquent pas pour désigner les évènements qui bouleversèrent le monde arabe. Pour les décrypter en profondeur, il faut rompre avec le temps court de l’information, adopter une grille de lecture plus ouverte, moins contingente.

Que nous dit la Bible de l’indignation ? Qu’elle est, aiguillonnée par l’espérance, une juste colère, et aussi que l’inconnu est le chemin. Il n’est qu’à relire l’épopée de Moïse. L’indignation le pousse à rompre avec son passé pour conduire, hors d’Egypte, ses frères réduits en esclavage par pharaon. Ce faisant, que d’épreuves il lui faut traverser ! L’infini du désert, l’infini des possibles, effraie les Hébreux, prompts à se retourner contre leur libérateur. L’incertitude engendre la nostalgie de la servitude, somme toute rassurante : « Laisse-nous servir les Egyptiens ! Mieux vaut pour nous servir les Egyptiens que mourir au désert » (Ex.14, 12b) murmurent-ils quand l’heure est au doute et au découragement. Fils d’esclaves ou fils de roi, le choix n’est pas si simple qu’il y paraît d’abord.

Aujourd’hui, en Egypte, les atermoiements de l’armée, la montée du fondamentalisme musulman et la grande misère génèrent une angoisse diffuse dont les Coptes sont les premières victimes. Jamais, peut-être, il n’y eut tant d’églises brulées, tant de chrétiens molestés et contraints à l’exil. Faut-il pour autant regretter l’ancien régime, entretenir le mythe vicié du bon vieux temps, celui de l’humiliante protection accordée, mais à quel prix, par les tyrans ?

Revenons à nos Hébreux. L’histoire pour eux connut une fin heureuse, puisqu’après des années d’errance, ils entrèrent en Terre Promise.

A quoi ressemble la terre Promise des enfants de Tahrir ? C’est à n’en pas douter une terre féconde dont les habitants vivent dignement du fruit de leur travail ; une terre vertueuse, respectueuse des droits inaliénables de la personne ; une terre mêlée où ceux qui croient en Allah, en Jésus - يسوع - ou en Yahvé, et ceux qui ne croient pas, inventent ensemble la démocratie.

«  Utopie », dites-.vous. J’aimerais mieux pari, acte de foi, affirmation volontaire que le pire n’est jamais certain. Oui, je crois que l’Egypte, douce et accueillante pour la Sainte Famille, saura triompher de sa part d’ombre et devenir, pour tous ses enfants, la mère patrie qu’ils appellent de leurs vœux.

Les égyptologues ne nomment-ils pas périodes intermédiaires ces temps, pleins de bruit et de fureur, qui accompagnaient dans l’antiquité le passage d’une époque à une autre ? Aujourd’hui, l’Egypte vit une de ces périodes intermédiaires, transition obligée pour entrer dans une ère nouvelle.

 « Ne craignez-pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie. Un sauveur vous est né » (Lc 2,10-11)

Que l’Enfant si fragile de la crèche nous guérisse de la peur. Qu’Il creuse en nous la faim et la soif de justice pour qu’enfin éclose, né de l’indignation et porté par l’espérance, le monde meilleur auquel aspire notre belle jeunesse.

Joyeux Noël, bonne et sainte année 2012 !

Mgr Michel Chafik 

- Chaque dimanche, messe copte à 11h en la chapelle « Notre Dame d’Égypte ».

  15, rue Philippe de Girard. Paris 10ème. Métro : la Chapelle.


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