Magazine Journal intime

Jour 78

Publié le 22 décembre 2011 par Miimii

Jour 78
Je n'ai jamais été timide, mais plutôt une personne détachée... indifférente. Il me faut un réel temps d'adaptation pour "copiner" avec des inconnus ou même pour me sentir à l'aise. Mais étrangement, assise à cette table, avec toutes ces photos de famille heureuse autour de nous, je me suis mise à l'aise. Comme regardant une comédie mélodramatique par un dimanche de pluie. Quand la maman s'aperçoit que je n'ai d'yeux que pour les photos, elle me dit: "Myriam, donne ton assiette que je te serve de la soupe, et après, je te dirais qui est qui."
Je tends poliment l'assiette en la remerciant. Je regarde D. discrètement, il a ce sourire serein et, je dirais presque, heureux, que je sois là. Je voyais le parallèle dans la tête... et si je l'avais invité à la table de mes parents.... J'aurais été tétanisée à l'idée que chacun de mes géniteurs ne fassent des bourdes... en étant lui même.
La maman en me remplissant mon assiette me disait. "Les légumes sont de la ferme, ils sont cultivés ici ou dans une autre terre du côté de Zaghouan.  Ce qu'on appelle de nos jours le "Bio". "
Je suis surprise "Ici?"
D. me reprends: "là où on était tout à l'heure, c'est une terrain agricole et ici c'est une ferme. Nous cultivons quelques fruits et légumes."
"Oui, effectivement... mais je n'ai pas fait le rapprochement avec la soupe... hmmm! elle me rappelle la soupe de ma grand mère"
"Qu'elle t'apporte la santé ma fille, alors sur les photos, il y a les différents membres de la famille."
Elle continue de servir son mari et son fils en me décrivant les photos. J'étais tantôt en train de déguster la soupe, tantôt la tête en l'air pour voir "La Famille".
Des photos dans un arbre en vinyl collé au mur (sticker) qui raconte l'histoire d'une famille. Le couple de parents quand ils se côtoyaient encore, leur mariage, des photos avec leurs parents respectifs, une photo de vacances avec d'autres membres de la famille, la naissance des enfants, les enfants qui jouent, les voyages en familles, les ados avec les cousins, remises de diplômes, les fiançailles, mariages, naissances des petits enfants... quelques photos qui retracent une vie de famille.
Nous sommes très vites passés de plat en plat, un gratin de légumes, un poulet rôti... pendant que mes trois hôtes me racontaient les anecdotes de leur vie de famille.
Les plats étaient succulents, les histoires délicieuse, la compagnie précieuse et l'amour qui baignait dans cette pièce était tout simplement miraculeux. J'aurais rêvé qu'on immortalise ce moment par un cliché qui rejoindrait les autres sur le mur. Mais qui étais-je pour y figurer?
Je ne savais pas par exemple, que D. avait un frère et une soeur. Que sa soeur avait des enfants et que son frère qui vit aux Etats Unis en attendait un, que les parents vivent seuls et profitent de leur retraite pour cultiver, renaître de la terre et découvrir le monde.
La maman a eu un cancer du sein il y a une dizaine d'années, son mari me raconte les yeux larmoyants que cette épreuve a marqué un tournant de leur vie et que depuis qu'elle est en rémission, chaque jour est un cadeau du ciel. Que depuis cet incident, ils vivent pleinement chaque jour, chaque heure et chaque seconde, qu'ils essaient d'être le plus souvent possible auprès de leurs enfants et petits enfants pour qu'une fois partis, ceux qui restent les fassent vivre éternellement à travers les souvenirs vécus ensembles.
J'en avais les larmes aux yeux, surtout quand j'ai vu que l'évocation du sujet était pénible pour D. Un moment d'empathie et je réalisais que si cette bonne femme venait à disparaître après ce soir, elle me manquerait... Que dire de ses enfants et de son mari, si respectueux et aimant. Il prend la main de sa femme et l'embrasse, puis la garde au creux des siennes comme s'il tentait de la réchauffer.
La maman a dit "Grâce à Dieu, je suis en vie... alors vivons!" avec son sourire qui me manquera déjà quand je serais partie.
C'est cette chaleur humaine qui m'a manquée dans ma vie... Pas durant toute ma vie, mais depuis la disparition de ma grand mère, le soleil de ma vie.
La soeur de D. est avocate et partage un cabinet avec son mari, rencontré sur les bancs de la fac à Paris. Les parents ont l'air d'avoir beaucoup d'estime pour leur gendre et vante son humour et ses mérites en tant que Papa pédagogue avec son fils et ses deux jumelles, de 4 et 2ans, respectivement.
D. me dit que ses neveux sont des monstres, lorsque sa Maman prend leur défense et dit: "Myriam, ils viennent passer l'après midi ici, tous les mercredi et samedis, ils passent la nuit également. Tu n'as qu'à venir les voir, et tu jugeras par toi même, ce ne sont pas des anges, mais ils sont à croquer."
J'accepte l'invitation avec plaisir et je me vois garer ma voiture dans l'allée les bras chargés de cupcakes et jeux éducatifs, entrant avec plaisir pour jouer avec les "monstres".
Je m'étonne d'avoir cette pensée, car j'en suis presque sûre, je n'aime pas les enfants.
Le dîner s'achèvent sur leurs récents voyages, notamment en Andalousie, et en toute modestie, ils n'ont fait que décrire les paysages qu'ils ont vus.
Puis, Tata Donia (Elle n'aurait pas pu mieux symboliser la VIE), me propose de passer au séjour pour prendre une infusion et une part de tarte aux pommes.
C'était parfait, digne d'un rêve. Le salon faisait très "Hacienda", une cheminée allumée, du bois et des meubles rustiques. Leur goût est vraiment exquis, j'adore... je me rue vers un fauteuil en velours rouge qui se démarque des autres meubles, quand D. me dit: "Myriam, c'est le fauteuil télé de Papa" dans un éclat de rire qui ne voulait aucunement me dire lève toi.
Je commence à me relever en disant: "Pardon mais il est tellement beau et il a l'air tellement confortable"
Le papa: "Reste ma fille, il est à toi, ça me fait plaisir de voir que tu partages mes goûts, ma femme et mon fils ne l'aiment pas"
D.: "Ce n'est pas qu'on ne l'aime pas, mais quand tu t'y assois tu te coupes du monde, c'est ce qu'on n'aime pas. Et cette manie, Myriam l'a aussi, alors sur ce point vous allez vous entendre"
Et il me fait un clin d'oeil.
Je souris et je m'enfonce encore plus dans le fauteuil.
Et puis, je dis: "Je devrais aller aider Tata Donia?!"
Le papa me dit: "Non ma fille, j'y vais...tu es notre invitée".


Quand il part à la cuisine, D. qui est encore debout, se baisse pour m'embrasser le front et me dit "Tu es radieuse quand tu es heureuse..."
"Ils sont juste adorables... que Dieu te les garde"
"Je sais..." Sourire prétentieux. Il reprend: "Tu les trouves heureux?"
"Oui, ils ont l'air très heureux?!"
"Amoureux?"
"Oui, ..."
"Tu le dis alors que tes yeux brillent, est ce que je peux en conclure que Mademoiselle est romantique quand elle voit qu'elle peut encore croire à l'amour?"
"C'est beau et possible.... chez les autres". Je sens une certaine amertume au fond de ma gorge et mon regard s'obscurcit, je pousse D. de la main et je lui dit: "Laisse moi profiter de mon dessert sans leçon de morale, je n'ai jamais mangé un dîner aussi succulent".
"On va zapper la case dessert, parce que je t'ai montré tout ce que j'avais à te montrer" dit-il en riant.
"T'es dingue... c'est le meilleur moment !! Y a pas moyen que je bouge de là"
Les parents reviennent, le papa porte un plateau et la maman la tarte fumante.
On s'assoit, il y a de l'infusion de verveine, de la tarte et de la glace à la vanille. Une tuerie.
La maman pensant bien faire me dit: "Alors Myriam, parle nous de toi. Nous avons monopolisé la parole toute la soirée".
Je marque un temps d'arrêt et l'angoisse monte en moi.
Jour 78

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