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Bernard Stiegler. J’attends celui qui mettra fin à la guerre économique, in Philosophie Magazine n°53 – octobre 2011 (extrait 1)

Publié le 31 décembre 2011 par Xavierlaine081

Le contexte est celui d’une guerre économique mondiale d’une destructivité inouïe. Le problème de la dette publique a été engendré par cette guerre extrêmement destructrice, qui a fait depuis trois décennies – depuis la révolution conservatrice mise en œuvre par Thatcher et Reagan, puis poursuivie par Blair, Berlusconi et Sarkozy – d’innombrables victimes. Un milliard d’êtres humains souffrent actuellement de faim ; en France la précarité, le risque de perdre son travail ou de ne jamais trouver une position stable quand on est jeune sont devenus l’ordinaire de presque tous. Cette situation a été systématiquement cultivée par la financiarisation de l’économie qui a mené une guerre sans merci contre toutes les formes de collectivités humaines – et contre leurs puissances publiques qu’elle a acculées à l’impuissance publique. Certes, les villes ne sont pas rasées, les usines ne sont pas bombardées, les terres agricoles ne sont pas minées ou défoncées par des tirs d’obus. Mais ce qui fut appelé la « destruction créatrice » par l’économiste Joseph Schumpeter (1883 – 1950), dès lors qu’elle est devenue, avec la financiarisation, exclusivement spéculative, et a conduit au désinvestissement généralisé, a imposé une logique de jetablité et de destruction qui fait que la « mondialisation » est devenue une lutte contre toutes les formes de valeurs.

Cette guerre est aveugle : ceux qui la mènent s’aveuglent eux-mêmes devant le fait qu’ils sont en train de détruire les objets de leur spéculation : il n’y aura bientôt plus de combattants économiques. Et c’est alors qu’apparaîtront les combattants militaires. Un bon Président ou une bonne Présidente pour 2012 n’a pas le droit d’ignorer ce contexte – ce que feront comme toujours les démagogues – et devra d’abord être capable de proposer une alternative à la guerre économique.

C’est un impératif absolu, essentiellement pour deux raisons : 1. Si elle devait se poursuivre, cette guerre économique mondiale conduirait à brève échéance à une guerre militaire mondiale ; 2. Au stade où elle en est déjà, il est devenu tout simplement impossible d’éviter la ruine économique et politique totale de la France, aussi bien d’ailleurs que de l’Europe et des pays industriels historiques –y  compris l’Allemagne, qui, dans un tel contexte, finira par connaître le même sort que les Etats-Unis, et la soudaine chute de sa croissance cette année est un indice de ce fait.


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