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Bientôt la fête de l'Epiphanie : ses origines

Publié le 04 janvier 2012 par Hermas

pc-copie-1Depuis les temps les plus reculés, tant en Orient qu’en Occident, l’Eglise a célébré le 6 janvier la manifestation de Dieu au monde.

L’Epiphanie [du grec epi-faneia : manifestation] est la première manifestation au monde païen du Fils de Dieu fait homme, qui eut lieu par l’adoration des mages – racontée par saint Matthieu (2, 1-12). Ce passage, avec sa référence au prophète Michée, est l’un des cinq épisodes qui constituent l’Evangile de l’Enfance chez cet évangéliste (chap. 1-2). L’Evangile de l’Enfance de saint Luc (1-2), en revanche, ne le mentionne pas.

Pour bien comprendre ce récit, et percevoir son contenu théologique, il est nécessaire de préciser tout d’abord la portée de la citation de Michée, d’indiquer qui étaient les Mages et ce qu’était l’étoile dont on dit qu’elle les a guidés jusqu’au berceau de l’Enfant. 

Le texte de Michée

Le centre de l’épisode des Mages est la citation du prophète Michée, à laquelle se réfèrent, dans le récit, les prêtres et les scribes consultés par Hérode au sujet de l’endroit où devait naître le Messie. « A Bethléem de Judée, lui dirent-ils ; ainsi, en effet, est-il écrit par le prophète : “Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es nullement le moindre des clans de Juda ; car de toi sortira un chef qui sera pasteur de mon peuple Israël” » (Mat. 2, 5-6).

Ce passage prophétique est certainement messianique. Michée console son peuple, face à la menace assyrienne, par la promesse d’un Libérateur futur, descendant de David. Il ne découle pas de ce texte que le Messie devait nécessairement naître, matériellement, à Bethléem ; il suffisait qu’il en fût originaire par son ascendance davidique. 

Le texte de Michée, dans la bouche des scribes, et sous la plume de l’évangéliste, signifie que pour les premiers le Messie devait naître à Bethléem, de la descendance de David, et que, pour le second, Jésus réalisait ces paroles.

 Qui étaient les Mages ?

Epiphanie
L’évangéliste présente les protagonistes du récit comme « des Mages qui venaient d’Orient ». Il n’indique pas leur nombre, ni leur nom, ni le lieu exact de leur provenance. La tradition antique offre différentes interprétations, mais sans certitude. En ce qui concerne le nombre, les monuments archéologiques différent considérablement. Une fresque du cimetière de saint Pierre et saint Marcellin, à Rome, en représente deux. Un sarcophage conservé au Musée du Latran en montre trois. On en voit quatre sur un monument du cimetière de sainte Domitille, et jusqu’à huit sur un vase du Musée Kircherian. Dans les traditions orales syriennes et arméniennes, on parle même de douze Mages. Néanmoins, le nombre qui s’est imposé est celui de trois, peut-être en référence aux trois offrandes qu’ils ont déposées – d’or, d’argent et de myrrhe – ou bien parce que l’on a cru qu’ils représentaient les trois races : Sem, Cam et Jafet.

Les noms qui leur sont donnés (Melchior, Gaspard et Balthasar) sont relativement récents. Ils apparaissent dans un manuscrit italien anonyme du IXème siècle,  et, peu avant, dans un manuscrit parisien de la fin du VIIème siècle, sous la forme “Bithisarea, Melichior y Guthaspa”. Chez d’autres auteurs, et dans d’autres régions, ils sont connus sous des noms totalement différents. Leur condition royale, qui n’a aucun fondement historique, semble avoir été introduite par une interprétation trop littérale du Psaume 72,10 : « Les rois de Tarsis et des îles rendront tribut. Les rois de Saba et de Seba feront offrande ». Ils n’apparaissent à aucun moment, dans les antiques représentations de l’art chrétien, avec des attributs royaux mais uniquement avec un bonnet phrygien et des vêtements de nobles persans.

Les témoignages anciens différent également quant à leur lieu d’origine. Les uns les font provenir de Perse, d’autres de Babylone ou d’Arabie, et même de lieux aussi peu situés en Orient que la Palestine, l’Egypte ou l’Ethiopie.  Toutefois, un précieux élément archéologique datant de la période de Constantin montre l’antiquité de la tradition, apparemment plus proche de l’intention de l’évangéliste, selon laquelle les Mages seraient venus de Perse. Une lettre synodale du Concile de Jérusalem de 836 indique qu’en l’an 614, lorsque les soldats perses de Chosroes II détruisirent tous les sanctuaires de Palestine, ils respectèrent la basilique constantinienne de la Nativité, à Bethléem, parce que, en voyant la mosaïque du frontispice qui représentait l’Adoration des Mages, ils identifièrent ces derniers comme des compatriotes en raison de leur vêtement.

L’étoile des Mages  

 

Dans le récit de saint Matthieu, l’étoile joue un rôle important. C’est une étoile que les Mages ont vue en Orient, puis qu’ils ne revirent plus jusqu’à leur sortie de Jérusalem, sur le chemin de Bethléem. Alors, elle s’est mue devant eux en direction du Nord-Sud pour, finalement, s’arrêter au-dessus de la maison où se trouvait l’Enfant.

Les Mages disent l’avoir reconnue comme l’étoile de Jésus [« Nous avons vu, en effet, son astre à son lever et sommes venus lui rendre hommage » (Mt 2,2)]. A supposer le caractère préternaturel de l’étoile, qui semble n’avoir été vue que par les Mages, il resterait à expliquer comment ils ont pu comprendre qu’il s’agissait de celle de Jésus, jusqu’à se sentir poussés à se déplacer pour aller l’adorer.

Il n’y aurait rien d’étrange, à cet égard, que des perses pieux se soient intéressés aux Ecritures des juifs et qu’ils aient participé de quelque manière à leur espérance en un Messie Roi, de sorte qu’en percevant le phénomène stellaire, ils l’aient mis en relation avec ce dernier. Quoi qu’il en soit, ce que l’on peut dire c’est que, d’une manière ou d’une autre, Dieu les a poussés à se mettre en route et à se diriger vers Israël à la recherche d’un grand roi.

La célébration de la fête de l’Epiphanie du Seigneur

 Depuis des temps très reculés, tant en Orient qu’en Occident – à l’exception de la ville de Rome, et, probablement, des provinces d’Afrique – l’Eglise célèbre le 6 janvier la manifestation de Dieu au monde, fête qui deviendra ultérieurement l’Epiphanie. En effet, déjà au IIème siècle, on rencontre des références à une commémoration du baptême de Jésus dans certaines sectes gnostiques. Cependant, il faut attendre la seconde moitié du IVème siècle pour trouver des premiers témoignages dans des milieux orthodoxes.

L’origine de la solennité de l’Epiphanie est assez obscure. Les hypothèses les plus différentes ont été avancées, ici ou là, de sorte qu’en définitive il semble que cette fête soit née d’un processus d’inculturation de la foi, comme une christianisation d’une célébration païenne du Soleil levant, profondément enracinée dans la région orientale de l’Empire.

Bientôt, en Occident, la fête de l’Epiphanie a reçu un triple contenu théologique, comme célébration de la manifestation aux gentils du Dieu incarné – adoration des Rois Mages ; comme manifestation de la filiation divine de Jésus – baptême dans le Jourdain ; et comme manifestation du pouvoir divin du Seigneur – miracle des noces de Cana. En Orient, avec l’introduction de la fête de la Nativité, le 25 décembre, la solennité de l’Epiphanie a perdu son caractère de célébration de la naissance du Christ, pour se centrer sur la commémoration du Baptême dans le Jourdain.

Dans l’Eglise romaine, la célébration liturgique de l’Epiphanie est aujourd’hui centrée sur l’universalité du dessein salvifique de Dieu. Ainsi, les lectures font référence à la vocation des gentils au salut, déjà annoncée par les prophètes (Isaïe 60, 1-6) et pleinement réalisée dans le Christ (Ephésiens, 3, 2-3 et 5-6 ; Mt 2, 1-12). Cette même perspective se retrouve dans les textes euchologiques.

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BIBL.: J. ENCISO VIANA, La estrella de Jesús, en Por los senderos de la Biblia, t. II, Madrid-Buenos Aires 1957, 155-160; J, RACETTE, L'Évangile de 1'Enfance selon S. Matthieu, «Sciences Ecclésiastiques» 9 (1957) 77-82; S. MUÑOZ IGLESIAS, El género literario del Evang. de la Infancia en S. Mateo, «Estudios Bíblicos» 17 (1958) 245-273, especialmente 264-268; ÍD, Venez, adorons-le, en Assemblés du Seigneur, 13,31-44; A. M. DENIS, L'adoration des Mages vue par Saint Matthieu, «Nouvelle Revue Théologique» 82 (1960) 32-39; G. D. GORDINI, A. M. RAGGI, Magi, en Bibl. Sanct. 8,494-528.


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