Magazine Humeur

Cher François,

Publié le 23 janvier 2012 par Secondflore

Après ma note de lundi dernier, un gars de ton équipe m’a contacté pour m’inviter à ton meeting du Bourget. Y aura des blogueurs et des twittos (sic), qu’il disait. Il n'y a pas à dire, c'était fair-play. J’avais assez envie de voir qui seraient ces twittos – j’y reviendrai plus tard, il y avait un phénomène. J’avais aussi envie de t’entendre en longs paragraphes et pas seulement en petites phrases sélectionnés par/pour les JT.
Et puis, il y a longtemps que je n’avais plus connu de meeting, alors…

Ce dimanche matin, donc, je me suis levé avec Ivan Levai, dont la revue de presse me racontait ce que tu allais dire dans l’après-midi : ainsi donc tu allais "mettre de la chair", ce meeting annonçait le lancement d’une "semaine Hollande". La presse relayait docilement tes éléments de langage, tu avais mis la main sur le calendrier. Pour ça au moins, bravo.

Je ne m’attarderai pas sur les détails périphériques. C’était un peu le bordel (mais que serait un meeting sans bordel ?), le MJS faisait la claque comme il sait le faire, ça craquait un peu sur les portes latérales, Lionel Jospina gagné à l’applaudimètre – bref ! La salle était prête.

Restait à mettre cette fameuse chair.

Tu as parlé de la France, je n'ai pas été transporté, disons qu’on te mettrait 10/20, au moins as-tu eu le mérite de ne pas trop te payer de mots creux. Tu t’es avancé sur ton programme, plus qu’on ne l’attendait (le non-cumul des mandats, les banques, l’éducation, l’impôt..), là-dessus nous verrons jeudi – je sais, je suis devenu un affreux sceptique, mais je ne peux plus me satisfaire de cette rhétorique du "nous ferons". Mettre de la chair, ce n’est pas seulement donner des chiffres, c’est aussi parler du comment, des obstacles que tu rencontreras et de ta stratégie pour les contourner (ou les renverser en fonçant tête baissée – oseras-tu le faire avec les banques ?). En l’occurrence, nous n’avons eu que la peau. Mais il sera bien temps d’approfondir d’ici mai.

Tu as mis de la chair, tout de même – la tienne. Certains te reprochaient de ne pas incarner mais ces gens-là sans doute ne t’avaient jamais vu en tribune. Tu m'avais déjà scotché en tribun de Congrès, lâchant tes notes pour lâcher quelques bons mots qui faisaient mouche. Tu as été plus sobre hier. tant mieux, peut-être. Car on n’attendait pas de toi que tu brilles. On attendait de toi que tu sois à la hauteur. Et tu l'as été, me semble-t-il. L'impression qui restera le plus, peut-être, c'est que tu dominais ton sujet – et tant mieux, car il est vaste.

Je ne suis pas sûr que tu aies prononcé une seule fois le nom du président actuel, et je dis bravo. Le décalage n’en apparaît que plus grand, quand tu évoques l’homme que tu serais au pouvoir. Un président normal, même si tu as abandonné le vocable. Et là-dessus on te croit, François. Au fond, tu nous a décrit la présidence d’un honnête homme (et d’un homme honnête). Contre la corruption, contre les privilèges, pour le partage du pouvoir… En t’écoutant j'ai pensé qu’il y a dix ans on t’aurait à peine écouté sur ces thèmes. Mais après cinq ans de ce président-là et de cette droite-là, l’honnête homme nous paraît soudain étonnamment, intensément désirable.

Reste à voir ce que tu donneras dans l’arène quand l’adversaire y sera aussi. Reste à voir si tu tiendras à l’Elysée la fermeté que tu avais hier, si tu sauras t’imposer aux groupes de pression qui murmurent déjà, en coulisses, à l’oreille de tes conseillers et de tes futurs ministres. Sur ce point, je ne pense pas que tu nous surprendras beaucoup d’ici à l’élection. Tant mieux, en un sens. Mais j’espère bien que tu sauras nous surprendre après. On y veillera.
Sur ce je te laisse, je prends ces notes dans le RER, j’arrive Gare du Nord et le changement, c’est maintenant. Allez, à bientôt.


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