Magazine Humeur

Ode au twitto inconnu

Publié le 24 janvier 2012 par Secondflore

images?q=tbn:ANd9GcTYA2qBzwtWTKkkgL0ybeE6W1gs4ZWMKJy7yi1fJqChk9BH174sdwQuand je suis arrivé au Bourget, les blogueurs et twittos étaient déjà là, avec leur badge jaune.
Je me souvenais des blogueurs influents invités tous frais payés par l’UMP pour son Université d’Eté en 2006, je me demandais si on allait retrouver les mêmes – ou d’autres trentenaires flamboyants, persuadés d’avoir une culture politique parce qu’ils regardent parfois le Petit journal de Yann Barthès.

J’avais tout faux. C’était des pros. Ils avaient tous leur blog politique, leur ordi était déjà installé sur la table, ils vérifiaient les connexions réseau, certains twittaient déjà leurs impressions d’avant l’événement.
J’étais venu avec mon carnet et un crayon mais j’étais bien le seul, j’aurais pu être en slip ou venir tout droit de la IIIe République ça aurait été un peu pareil, je me suis demandé un instant si on allait m’autoriser à m’asseoir sur une chaise du Coin blogueurs.
On n’a pas vraiment pu faire connaissance parce que chacun était sur son ordi dans les gradins le public faisait un boucan impressionnant. J’ai salué la belle traîtresse qui m’avait entraîné ici et l’organisateur qui nous accueillait, je me suis installé un peu en retrait, bras croisés et oreilles aux aguets pendant que les autres s’affairaient autour de la table – dis-donc le wifi est out, merde, où t’as chopé des câbles ? C’était parti.

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La jeune Lauriane Deniaud est montée sur scène pour faire patienter un peu. Elle a lu ses fiches (ne jamais prendre de première partie qui risquerait de vous piquer la vedette, FH a retenu au moins une leçon de Mick Jagger), puis elle a lâché sa petite bombe : « Nous sommes 25 000 ».
Le public a crié sa joie comme il se doit. Devant moi blogueurs et twittos se sont regardés un instant, comme un élève du fond de la classe copierait sur son voisin avant d’inscrire sur sa feuille le résultat d’une multiplication - c’est bien 25 000, qu’elle a dit ? La seule fille du lot a opiné. De concert, ils ont twitté.
Ils avaient pourtant lu comme moi avant le meeting que la salle pouvait contenir 10 000 personnes. Certains l’avaient même sûrement écrit. Mais quelle importance ? Un chiffre était lancé, ça faisait une info.
- ça m’a l’air presque aussi pipeau que les 40 000 personnes de la Porte de Versailles pour Sarkozy en 2007, j’ai dit en me balançant sur ma chaise.*
L’un des gars s’est retourné vers moi, l’air grave.
- Et alors ? Tu sais bien ce qu’une campagne, c’est ça aussi…
J’ai répété, "Tu sais que c’est faux", il m’a lancé un dernier regard comme si j’étais un immonde traître à la cause (du socialisme ou du journalisme, je n’ai pas bien compris), il est retourné à son ordi et a appuyé sur Entrée. 25 000 personnes au Bourget, donc.

Quelques minutes plus tard, François Hollande est arrivé. 25001. Bain de foule, serrage de mains, quelques baisers, salut à Martine, Arnaud, Bertrand, Mazarine, Lionel… Mais tout cela nos twittos n’ont pu en faire part au monde. Le réseau était coupé. Horreur !
Le même type que tout à l’heure s’est retourné, il y avait de la panique dans ses yeux.
- Yapadrézo !!
J’ai peut-être ricané (peut-être pas, en vrai je ne suis que compassion).
- Tu ne peux pas twitter depuis ton smartphone ? a suggéré un ami qui m’avait rejoint.
- Non non non, mon tel me dit que yapadrézo !!

Cette fois, c’était du désespoir, le twitto inconnu nous regardait (mon ami, surtout, moi j’étais le traître) comme si nous avions des pouvoirs magiques ou un rôle dans l’organisation.
Il avait exactement la tête que font, dans les micro-trottoirs, l’automobiliste qui peste contre la hausse de l’essence, le vacancier qui se dit pris en otage par les grévistes d’Air France ou un militant de droite basique qui comparerait les conséquences de l’élection de Hollande à celles d’une guerre. Le candidat parfait pour passer à la télé.
En attendant, on ne pouvait rien pour lui, il continuait à faire de grands gestes théâtraux.
- Mais vous comprenez pas, c’est hyper important pour moi !!

Ah, c’était beau, un tel dévouement à la cause.
Finalement le réseau a été rapidement rétabli, les blogueurs ont pu twitter et live-blogger à loisir. J’ai posé mon carnet – j’avais déjà ma photo-souvenir.

Gloire à toi, twitto inconnu !
Demain, promis, je te le promets, je te mettrai dans un roman. Il sera peut-être moins lu que tes tweets mais qui sait, il te rendra peut-être immortel.

 
* Pour le 1er meeting de Sarkozy en 2007, France Soir allait même jusqu’à 70 000 personnes. Qui dit mieux ?
Quant à dimanche, un doute subsiste. 10 000 personnes dans la salle (pleine à craquer, c'est sûr), mais on en aurait accueilli d’autres dans un autre hall avec un écran géant, ai-je lu ici et là. Hum. 15 000 personnes et personne qui n’aurait twitté sa rage de ne pouvoir être dans le hall principal ? Allez, oublions. La com passe, l’écho reste. 


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