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Nicolas Sarkozy, le défi permanent au sens commun.

Publié le 26 janvier 2012 par Pigiconi
Je ressors ici un vieux texte, écrit en 2008, un an après l'élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République. Daté, l'état d'esprit que j'y développe ne l'est pas tant... 


Nicolas Sarkozy,

le défi permanent au Sens Commun.


   Quine veut ou ne rêve d’une société où le fraudeur serait puni pour sa fraude, letravailleur récompensé pour son travail, le prédisposé au malheur et audésespoir un peu plus réjoui, le suicidaire toujours en vie, le pédophileéloigné de toute tentation, et, enfin, le Bien régnant afin que nous n’ayonsplus à subir quelque mal que ce soit ?    Cerêve n’est qu’humain. Plein de Bon Sens. Tout comme celui qui voulaitprotéger, en 2002, les personnes âgées contre tous ceux qui, par quelquedisposition coupable, voulaient s’attaquer à leurs économies. Il estincontestable que ce bon sens-là, nous le partageons tous. Et il ne s’agit pasde savoir si nous voulons le mal pour le mal… comme si une pré-dispositionnaturelle, pour ne pas dire génétique, nous y inclinait fatalement.   Oui,certains d’entre nous commettent le mal, peut-être par ignorance de la norme,certainement parce qu’ils poursuivent leur bien propre et individuel (il doitbien y avoir quelque intérêt particulier à la faire), peu enclins à agir enfonctions d’un sens commune, en tout cas par transgression. C’est d’ailleurs enévoquant cet esprit de la transgression que Mr Sarkozy explique à Michel Onfrayune bonne part de l’histoire personnelle du candidat.   Simplement, il y a quelque chose de contradictoire àassumer la transgression et à revendiquer le soin médical, tout commel’explication scientifique, rationnelle, rassurante par son évidence, évidentebanalité,… et en tout cas nécessairement normative, à l’origine de touteentreprise sécuritaire.   Onpeut exiger et soutenir, comme principe d’actions, que le Bon Sens soit lachose du Monde la mieux partagée. Surtout quand celui-ci se pare del’habillage scientifique. L’expert parlant toujours en connaissance de causes,son discours ne peut que satisfaire et réparer nos angoisses alimentées de nosincertitudes. Reste que l’ambition est réductrice et, pour le coup, aliénante,au sens propre du terme, « rendre autre ». Car elle s’emploie simplementà promouvoir une idée du Bien qui, loin d’être l’objet d’un assentiment commun,impose une contrainte commune.   Etc’est là que se joue ce défi permanent. Le glissement idéologique, à lui seul,n’est rien s’il n’est accompagné et accompli par le glissement rhétorique. Acet égard, il n’est pas anodin que la question des Droits de l’Homme soitdéplacée géographiquement, au-delà des frontières nationales. Celle-ci, àentendre Mr Barnier, sur les ondes de France Inter, se pose avec d’autant plusd’acuité qu’elle est déclinée ailleurs que chez nous, sous-entendant ainsi quetous ceux qui l’agitent ici, chez nous, la provoquent inutilement. Ainsis’entend l’expression « droit de l’hommiste » qui alimenta lediscours de l’extrême droite. D’autres, ailleurs, justifieraient par là mêmeune croisade du Bien contre le Mal, de la Civilisation contre la Barbarie sanspercevoir qu’ils usent de la même violence pour mener à bien leur œuvre quecelle qu’ils cherchent à éradiquer. D’autres, enfin, ainsi qu’on l’entend icimême en France, justifient le discours à la première personne du Sauveur contrecelui d’un collectif qui ne demande qu’à éclore.    Orcette contrainte commune, quelle est-elle si ce n’est celle d’un Parlement qui,majoritaire, numériquement, organise systématiquement la défiance envers tousles contre-pouvoirs, qu’en un temps, plus préoccupé de l’intérêt général que desoi-même (même si la condition de parlementaire fut et reste la chose du mondela plus réservée qui soit), il sut mettre en place. Défiance envers lapresse : la collusion entre les groupes de presse, ainsi que l’illustre labise de Mr Sarkozy à Arlette Chabot, le soir du débat du 2 mai, et le candidatde l’UMP s’étale à longueur de Unes. Plus grave encore, puisque la question estcentrale : cette défiance, en devenant un véritable sujet médiatique,occulte toute idée de société à venir que porterait les candidats. Défiancevis-à-vis des institutions qui, par leurs attributions, ont tout de même lamission de garantir, même contre les atteintes d’une majorité parlementaire,l’espace commun et public. Rappelons que ces institutions fonctionnent avec desagents de l’Etat, quand leurs organes de décision sont désignés par lespolitiques qui, pour certains d’entre eux, affichent leur volonté de ne pas remplacerun fonctionnaire sur deux. Car ne nous y trompons pas, en ces temps où lediscrédit de la fonction publique est souvent de mise (surtout quand il s’agitde mouvements de grève) : ne pas remplacer un fonctionnaire sur deuxc’est ôter aux institutions de contrôle tout comme à celles chargées du servicepublic, tout moyen d’exercice de leurs missions civiques. Citons parexemple la CNIL, dont les moyens et les missions ont été rognés. Le ConseilSupérieur de la Magistrature qui s’oppose à telle désignation quand legouvernement la maintient et la rend effective. Le Conseil Constitutionnel,dont les membres, nommés par le politique, sont élevés dans le sérail despartis au pouvoir quand ils ne parachèvent pas ainsi leur carrière en siégeantdans ces instances.   Autrementdit, défiance parce que c’est avec les outils, les principes qui consacrent enle rendant simplement possible l’espace commun que le pouvoir, auquel aspire MrSarkozy, se pose et s’impose. Légalisant par là même la criminalisation du mouvementsocial comme du mouvement migratoire, la prévention sans autre perspectivequ’une normalité toujours d’autant plus fragile que la force par laquelle elles’impose se confronte à la créativité transgressive, autrement plus puissantequ’elle nous détourne de l’ordre établi de façon inédite et le déborde, presquetoujours violemment. On pourra toujours, par la suite, comme pour s’excuser den’avoir pas vu le coup venir, le séparer du mouvement social et l’isolerabsolument et artificiellement. C’est exactement ce qui est fait quand, dans undiscours du candidat, après les incidents de la Gare du Nord, celui-ci ne veutsurtout pas faire l’amalgame entre les fraudeurs et les pécheurs. Mais aussi,en systématisant la frustration en laissant croire que  l’on s’adresse à tous quand on n’aura deréponses que pour quelques uns ; en essoufflant jusqu’aux aspirations lesplus individuelles que le libéralisme, se méfiant toujours d’une trop grandelibéralité (la diatribe contre mai 68 l’atteste), entend mettre en valeur.   Cebon sens, dès lors qu’il s’incarne en Nicolas Sarkozy, comme il a pu l’êtreailleurs, en Espagne avec Mr Aznar, en Italie avec Mr Berlusconi, et comme ill’est aux Etats-Unis avec Mr Bush, est d’autant plus redoutable qu’il esten contradiction et avec lui-même et avec le sens commun.Non pas qu’il le réinterroge, mais il l’amenuise et le défait. Quand BlaisePascal, qui n’avait rien d’un subversif, exigeait de la force qu’elle fut justeet de la justice qu’elle fut forte, il assumait pleinement ce que le bon sensnous invite à oublier : l’aspiration sociale ne relève pas d’une linéaritéoù tout le Bien lutte vaillamment contre tout le Mal, mais se construit decette apparente contradiction qui, en fait, n’en énonce qu’une essentiellecomplémentarité. Justice et Force, Bien et Mal s’assument ensemble et non pasl’un contre l’autre et par éradication de l'autre, ce que seul un "angélisme" pourrait oser mettre en oeuvre.   HaroldPinter a pu dire : « Le langage s’emploie actuellement à tenir lapensée à distance ». Ce qui vaut un mot d’ordre : ne nous laissonspas endormir par ce que le Bon Sens qu’incarne Mr Sarkozy nous laisse entrevoircomme solution. Nous avons déjà soupé à la promesse de la Tolérance Zéro,de l’immigration choisie. Ne nous laissons pas déposséder de celle duSens Commun qui n’est autre qu’une manière de faire société ensemble, etcertainement la seule. En tout cas, juste ce qu’il nous faut.

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