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Le rire jaune de Ziegler Jr

Publié le 27 janvier 2012 par Jlk

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Dominique Ziegler tire une farce des tribulations d’Ingrid Betancourt…

Lorsque le dramaturge algérien Kateb Yacine demanda, à Bertolt Brecht, comment il pourrait figurer la tragédie de son pays au théâtre, la réponse fut immédiate : « écrivez une comédie ! »

Or c’est le même choix, burlesque et grinçant, entre bande dessinée « gore » et satire  carabinée, qui préside au montage accompli par Dominique Ziegler dans Patria grande, dont le sous-titre ne pourrait pas, d’ailleurs, être plus brechtien : Sainte Ungrud des abattoirs…

La « sainte » en question relève de la caricature, qui ne manquera pas d’indigner les lecteurs des 700 pages de mémoires d’Ingrid Betancourt, parus l’an dernier sous le titre de Même le silence a une fin. Puante autant que sa mère bigote, bourgeoise narcissique aux velléités politiques dérisoires, Ungrud ne vaut pas mieux que les guérilleros vénaux qui la retiennent en otage avec sa directrice de campagne, et sa niaiserie rejaillit sur celle des bateleurs médiatiques ou politiques qui l’ont sanctifiée en France et dans le monde.

Si la charge est énorme, c’est qu’elle est proportionnée aux horreurs de la réalité, dont l’histoire de la « Calambie » est un exemple. Affreux-jojo sardonique, Ziegler fils ne fait en somme qu’exprimer autrement sa révolte devant les faits que Ziegler père n’a cessé de dénoncer. La pièce s’ouvre ainsi sur un massacre de paysans, par les hommes de mains de grands propriétaires, qui pourrait être tiré des pages de Destruction massive.

« Tout est vrai !», surenchérit Dominique Ziegler, en précisant qu’il a fondé sa version, polémique, sur deux livres de l’écrivain colombien Hernando Calvo Ospina, Colombie – derrière le rideau de fumée, et Pablo et ses amis. Ainsi voit-on, comme au fil d’un livre d’images (très maîtrisé du point de vue visuel et scénique, un peu plus lâche dans ses dialogues), se dessiner le jeu complexe des relations entre les multiples pouvoirs, notamment des narcos-trafiquants et des politiciens, de l’armée et des « agences » américaines ou israéliennes.  Les meilleurs moments de la pièce touchent pourtant à l’instrumentalisation médiatique du «martyre » de sainte Ungrud, avec les portraits au vitriol de tel chanteur français engagé ou de tel nouveau philosophe, entre autres récupérateurs de plus haute volée.   

Sans tomber dans la lourdeur didactique souvent reprochée au théâtre « brechtien », la pièce touche au schéma historico-politique (avec une parenthèse sur la saga de Bolivar), mais la mise en scène et l’interprétation de Patria grande visent, plutôt que la « leçon », la démystification zizanique, et l’on rit jaune !

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 Patria Grande à la Grange de Dorigny, Lausanne, du 26 au 29 janvier et à l'Usine à Gaz, Nyon, le 2 février www.dominiqueziegler.com


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