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Frédéric Moreau est un Con

Publié le 07 mars 2008 par Emma Falubert

Frédéric Moreau n’existe pas et Frédéric Moreau est un con !
Frédéric Moreau est un con parce que, bien que sans existence charnelle, il est déjà cynique et froid comme un cousin de Sarkozy et du monde qu’il incarne. Frédéric Moreau est un con parce qu’il est avant tout une star de la littérature universelle. Il a le même statut que, en vrac, Roquentin, Meursault, Solal, Achab, Sorel, Bardamu, bande de cons notoires dont on reparlera sans doute. Et comme toutes les stars, il entretient le paradoxe d’être à la fois inaccessible et malgré tout très proche de nous.

 Crédit photo: Môsieur J. / Flicker.com

Frédéric Moreau est un con parce qu’il voudrait nous faire croire qu’il vit toujours au 19 ème siècle. Il nous laisse penser qu’il est exclusivement et définitivement impliqué dans les mouvements et les secousses de son époque, une autre époque sans les Sarkozy, les Carla et autres jean Pierre Pernaut. Il voudrait nous faire croire qu’il n’est que de son Vieux monde, un monde qui heureusement n’a plus cours, démodé, un monde d’hier, un monde « historique », avec ses cocotes, ses froufrous, ses couches et sous couches de cotillons et autres vieilles ombrelles en dentelle molle, avec ses escrocs à la petite semaine, ses utopistes sans souffle et sans le sou, ses désespérés romantiques à deux balles, ses mondains ordinaires, piteux de prétentions et minables de contentions et ses ambitieux de tous poils et de tous gabarits, qu’ils agissent dans la politique, les affaires ou les beaux arts. Le fait (ou l’effet) est accentué par son auteur (Flaubert est un con bien sur mais on y reviendra) qui par soucis de vérité et de ce que l’on a appelé de réalisme, date les grands chapitres de sa vie, au sens propre comme au sens figuré. La confusion est alors extrême et entretenue. On pourrait alors ne pas voir que Frédéric Moreau est bien un homme de nos siècles. Le 19ème qui nous a vu naître et espérer un monde meilleur et plus équitable, le 20 ème qui nous a vu espérer, déchanter, désespérer et inexorablement nous détruire, et ce tout jeune 21 ème qui nous voit nous agiter, hystériques, survitaminés, en chantier, très abîmés, et au fond extrêmement désabusés parce que définitivement inachevés.

Frédéric Moreau ne nous dit rien de tout ça, il nous laisse nous enfoncer avec délectation, nous, pas lui, dans les soubresauts de son temps, armé de ses ambitions démesurées, ses vanités destructrices, son égoïsme, son impuissance à aimer et toutes ses minuscules ou gigantesques infamies. Frédéric Moreau est un con parce qu’Il ne nous dit pas que nous sommes ses semblables. Il nous laisse penser que la connerie, c’est les autres. Il nous laisse nous pavaner dans notre inconscience sereine et libérée, nous permet de déculpabiliser et de dédramatiser, tant il nous place en observateur, neutres et intelligents, d’un monde qui soi disant n’existe plus. Il ne nous dit pas que notre monde est aussi miné que le sien, que les « monsieur Arnoult » pullulent et qu’ils sont peut être nos amis. Que les « madame Arnoult » sont toujours des maîtresses qu’on ne peut que désirer et fantasmer, que définitivement personne ne sait les aimer, qu’elle s’usent toujours à force de respecter l’irrespectable, et qu’à la fin elles s’étiolent et se retirent résignées au fond d’une maison bretonne, laissant juste une mèche de cheveux gris en guise d’imbécile trophée. Que les Rosanette si « mignonnes » et désirables, seront toujours perdantes et que les amours qu’on rate seront toujours ratés, prévisibles et toujours aussi pitoyables. La différence : peut être que les enfants ne sont plus en nourrice et que, sous nos contrées, ne meurent plus en bas age.

Le temps a passé. Les salons, ces cloaques huppés tapissés de velours où l’on se pressait pour se montrer sont aujourd’hui des lofts anonymes et froids où l’on s’entasse pour se saouler, rigoler et bavasser. Ne rien dire, juste se montrer comme Frédéric, Sarkoziste avant l’heure, « se grisant de ses paroles, on finit par croire ce que l’on dit ». Il y a toujours la même odeur nauséabonde, émanant des lambeaux dérisoires des vieilles alliances et de leurs trahisons ou des débris de nos erreurs, de nos manques et de nos reniements. Les petites arnaques involontaires et les nécessaires malveillances sont toujours là aussi, toujours aussi faciles ou calculées, et le fait de nos mœurs minuscules, sans grandeur d’âme, et de nos cerveaux aliénés.
Dans ce monde ou Sarkozy se bonapartise (ou plutôt se « napoléontroise ») on peut entendre pour paraphraser l’auteur, « la véhémence du désir, la fleur même de la sensation » se perd ou en tout cas se pervertit. « Les ambitions de l’esprit » diminuent, les années passent et on supporte très bien « le désoeuvrement de l’intelligence et l’inertie du cœur ».

Finalement, rien n’a changé. Le vocabulaire, sans doute mais Frédéric n’y est pour rien. On ne dit plus Snob, on dit People. On ne rêve plus du salon de Madame Dambreuse mais du carré VIP de l’Hotel Costes. Madame Moreau ne rêverait plus d’une étude au Havre pour son fils mais du service marketing de Gucci à la rigueur de Procter ou Danone, ou d’un poste de directeur de création (?!) dans une agence de publicité ou un bureau de tendances. On ne fait plus son droit mais une école de Commerce, il n’y a plus non plus « d’art industriel » de monsieur Arnoult mais le design de madame Beaux arts, partout. etc etc.

Frédéric Moreau est un con parce qu’il nous laisse à la fin, vers l’hiver 1868, comme ça, abandonné, tout seul dans notre siècle, ce siècle qui va, sans solution, sans rien nous dire de plus. Sans rien nous laisser espérer… comme des cons.
Et comme disait Gustave, Frédéric est un con parce qu’il finit, sans finir, cette histoire, ces histoires avec « une fin en queue de rat », sans drame, sans spectacle, juste la vie, ordinaire.

Et enfin Frédéric Moreau est définitivement un con parce qu’après lui, après ces pages en sa compagnie, pas facile d’aller errer avec d’autres cons de littératures… pas facile de s’arracher et de prendre à nouveau du plaisir sous d’autres cieux littéraires, dans le pas d’autres héros soi disant plus contemporains…
et ça aussi c’est une belle connerie.


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LES COMMENTAIRES (3)

Par frederic moreau
posté le 19 février à 22:45
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keske tu raconte pauvre connard je suis pas 1con tocard c moi frederic moreau

Par Bob
posté le 05 octobre à 15:24
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moi aussi :)

Par Wisage
posté le 06 août à 17:14
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j'ai juste tapé "Frédéric Moreau" dans google et, et, c'est si vrai.

Je t'aime.

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