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Petit Laid chez les Petits Cochons

Publié le 08 mars 2008 par Laurent Matignon

Petit laid


Chapitre 31
Amplier, Pas-de-Calais. Nous y sommes. Encore un de ces bleds peuplés de Nouf-Nouf : de bonnes vieilles bâtisses de briques, de grosses briques rouges, empilées et bien alignées.
Ces gens là ont été les seuls dans tout le Royaume de France à comprendre qu’une maison en paille ou en bois ne résiste pas bien longtemps au Grand Méchant Loup. En fait, il n’y a qu’une chose qu’ils n’ont pas compris. C’est que jamais personne, pas même un illustre membre de la famille des canidés, ne serait assez bête pour tenter de s’accaparer leurs biens. Construire un château fort sur les Kerguelen (anciennement nommées, rappelons-le, « îles de la Désolation ») serait par bien des aspects moins ridicule.
Je n’arrive pas à être stressé. Pas de tremblements, de cœur qui bat la chamade, point de sueur sous les bras. Pourtant, je devrais être terriblement angoissé. D’une part parce que je vais découvrir dans quelques secondes ceux qui ont engendré ma Carine, et d’autre part parce que je suis censé donner une bonne image de moi – j’ai d’ailleurs eu droit à un briefing complet et détaillé avant de venir.
« Coucou ! ! ». Quel enthousiasme. C’est touchant. « Papa, Maman, je vous présente Eric ». « Enchanté ».
Jusque là, j’ai bon. J’aurai une bonne note.
Ma foi, très franchement, ils font tout pour me mettre à l’aise. Ils doivent croire que je suis timide, puisque je ne parle pas beaucoup. Mais en fait, si je me conduis ainsi, c’est pour éviter de déblatérer trop de conneries qui me seraient très certainement préjudiciables.
Le père est retraité de l’éducation nationale. Un prof. Marrant, ça. Je n’y avais pas prêté attention, mais avec ses binocles et ses joues roses, il évoque un subtil croisement entre Nouf-Nouf (décidément) et l’affable nain de Blanche Neige. J’esquisse un sourire : je viens de me rappeler avec un soupçon de nostalgie mon premier porno, « Blanche Fesse et les sept mains » (que je vous conseille vivement).
A ce propos, la mère aurait joué dans un de ces chefs d’œuvre oubliés de l’érotisme d’antan (bien loin de la boucherie chirurgicale des Marc Dorcel que l’on nous sert aujourd’hui à toutes les sauces) que ça ne m’étonnerait qu’à moitié. Je dis à moitié parce que, bien entendu, les ans et la gravité ont pesé sur elle. Mais sous quelques rides, par ailleurs plutôt bien situées, on devine sans peine la poupée qu’elle était lorsqu’elle avait l’âge de Carine. Assez grande, de larges yeux bleus clairs, de longs cheveux noirs, un visage lumineux...
Il est heureux pour Carine que je n’ai pas connu sa mère quelques années plus tôt !
N’empêche... Quelques idées me traversent l’esprit, et pas des plus avouables. D’autant plus que, malgré les années, une admirable et très généreuse paire de seins pointe dans ma direction, à l’abri d’une tenue très sage.
Je m’aperçois que je regarde béatement la mère, alors qu’elle est en train de me parler de... de me raconter... A dire vrai, je n’en sais foutre rien. Mais mon sourire niais tient visiblement lieu d’une réponse plus qu’acceptable pour elle.
Et je m’aperçois aussi que je bande. J’ai beau me raisonner, me dire que les seins sont à la femme ce que les mamelles sont à la vache, un simple instrument pour nourrir son rejeton, rien n’y fait. Chaque vision d’un bonnet 90B ou supérieur déclenche chez moi une brutale et incontrôlable érection.
Inutile de rêver. En tout cas pour l’instant. Il sera bien temps d’y songer si la moindre opportunité se présente.
« Vous resterez bien à dîner ce soir ? ». Bien entendu. Avec plaisir.
Non seulement elle est bonne, la mère, mais elle est aussi très bonne cuisinière ! Un vrai régal ! Et je deviens tout de suite beaucoup plus loquace lorsque je mange bien. Les parents de ma douce et tendre en sont ravis, et rien ne semble pouvoir les faire changer d’avis à mon sujet – pas même un discret mais néanmoins audible rot venu ponctuer l’ingestion d’une succulente tarte aux pommes.
Inutile donc d’aider mère et fille à ranger la cuisine après la ripaille. Je me contente d’esquisser un timide mouvement vers une assiette vide mais sale, et cela suffit amplement (« ne vous dérangez pas », c’est le genre de phrase qu’il est totalement superflu de me dire deux fois).
Seul avec le père, devant la télé, un cognac à la main. Je me rappelle un vieux « OK Podium » qui avait consacré un dossier fort enrichissant sur la présentation aux parents. La conclusion était d’une limpidité à toute épreuve, aussi claire que le plat à tarte que Carine vient de passer au PAIC nouvelle senteur, celui au Citron Vert : c’est là que tout se joue.
Bonne ou mauvaise, l’image se construit à ce moment précis.
La première question est statistiquement inévitable : le père sait déjà ce que je fais dans la vie, d’où je viens, ce que j’ai fait comme études... (ou du moins, il connaît ma version). Il veut maintenant savoir, depuis combien de temps je connais Carine et quels sont mes projets vis-à-vis d’elle. C’est bien naturel : il protège sa progéniture. Il aurait certes pu faire preuve d’un peu plus d’originalité dans la forme, mais qui songerait à l’en blâmer ?
Il ne semble pas étonné d’apprendre que l’on se connaît depuis maintenant déjà trois mois. En fait, il est même visiblement surpris que sa fille lui présente un homme, qui plus est après un délai si court. Il m’informe qu’il s’agit d’une première ! Je préfèrerais être le premier à lutiner sa femme, mais je crains que ce ne soit utopique ou à tout le moins quelque peu prématuré – même s’il m’a semblé lire dans le regard de cette belle femme mûre quelques raisons d’espérer.
Je viens quoiqu’il en soit de vérifier, s’il en était encore besoin, l’impossibilité pour l’homme de se comporter de façon neutre avec une femme. Mais comme Anthony Burgess l’a sien bien posé dans son Hommage à Quwert Yuiop, si l’homme ne peut lorsqu’il est confronté à une femme « empêcher de laisser s’insinuer dans son esprit l’onirique possibilité d’une relation sexuelle », tout ceci est « la faute de la Nature, pas celle de l’homme ». Inutile de culpabiliser, donc : je vais pouvoir passer une bonne nuit.
Jean – c’est le nom du père – semble ravi de voir que sa fille ne se consacre pas exclusivement à ses études : il me gratifie d’un clin d’œil gras qui se veut complice puis, visiblement empli de joie et d’« allé-graisse », il se laisse aller complètement dans le sofa.
Les dernières défenses sont tombées, je suis admis au sein de la famille.
Je ne pensais pas que ça puisse être si aisé.
Dans la logique des choses, nous sommes conviés à passer la nuit à Amplier. Carine me fait vite comprendre que l’abstinence est de mise ce soir : ses parents m’ont accepté, il convient de ne pas brusquer les choses. Dommage... L’idée que Patricia – la mère – ait pu nous entendre m’avait tout émoustillé.

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