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A la table sicilienne : "sapore di mare, sapore di sale"

Publié le 23 décembre 2011 par Pauline

Voyage personnel et non exhaustif  dans les saveurs sucrées, salées, maritimes et terrestres de la Sicile."Da leccarsi i baffi" (à s'en lécher les babines).

Dans un petit jeu trouvé sur internet, il est question de choisir la nationalité du c

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uisinier qui serait aux fourneaux du Paradis et de celui des cuisines de l'Enfer. Dans la "correction", l'Anglais est mis aux casseroles des damnés tandis que les âmes des élus se réservent les talents d'un Italien qui émoustillerait leurs heureuses papilles. Les Italiens n'ont pas leur pareil pour mitonner des plats savoureux, goûteux.  Leur cuisine est riche, familiale, à l'image figée de la généreuse mamma italiana, dont les secrets se transmettent de génération en génération. En Italie, chacun a son tocco (touche personnelle) qui rendra il sughetto (la sauce) plus savoureux, le tiramisu plus léger. En Italie si vive per mangiare (on vit pour manger). Manger pour vivre est un manque de savoir-vivre, presque une offense pour cette jeune nation. Parlez avec des jeunes ou des vieux : chacun a son truc de cuistot, chacun est plus qu'attentif à la cuisson des pâtes, à la douceur de la sauce tomate... Surtout tous aiment parler de cuisine. Les yeux pétillent et la bouche n'en finit plus d'énumérer les plats préférés, les trucs de chef.

La cuisine dite italienne s'exporte bien, c'est le moins que l'on puisse écrire. Qui n'a pas en bouche ces plats de pasta en sauce, ces pizze à

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l'impasto (la pâte) presque absent mais à la garniture abondante, i gelati (les glaces) aux mille parfums, pour plus connaisseurs les risotti ai funghi porcini, ai frutti di mare, la pasta al nero di seppia... Le granite? Des desserts italiens on connaît la fraîcheur d'une panacotta, la légèreté d'un tiramisu ou encore le panettone, cette grosse brioche sucrée aux fruits confits, servi à Noël. Dans n'importe quelle ville d'Europe, comptez les restaurants italiens. Le choix est grand mais parfois assez identique : pizze, pâtes. Pâtes, pizze.

Ce n'est pas toujours rendre hommage à cette cuisine aussi différente qu'il y a de familles italiennes, à ces plats aussi variés et nombreux qu'il y a de régions dans la botte de l'Europe. Chaque paese, città (village, ville) a en effet ses particularités culinaires ; c'est à Bologna que se mangerait la meilleure bolognese, à Parma le meilleur prosciutto (jambon), à Bronte en Sicile le meilleur pistacchio (pistache) et ainsi de suite. Chaque ville se réclame d'un plat, d'un produit, fleuron d'une culture culinaire et d'estomacs gourmands de bonne chair.

Peut-on dire

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de la Sicile qu'elle est à part dans cette carte des odeurs et des saveurs? Île du sud de l'Italie, envahie siècle après siècle par
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des peuples venant du nord ou du sud, considérée par certains avec humour ou médisance comme appartenant à l'Afrique plus qu'à l'Europe, la Sicile offre une cuisine à l'image de son histoire, de ses terres et de sa mer : variée, colorée, étonnante. Au marché de Ballaro à Palermo, au marché du poisson à Catania ou dans d'autres marchés moins connus mais à découvrir comme celui de Caltanissetta, toute la richesse des produits siciliens s'étale : les miels de l'Etna cotoient la ricotta fraîche, le mascarpone, il provolone, il caciacavallo (fromages en photo) et vingt autres fromages aux formes toutes différentes. Les figues de barbarie copinent avec les artichauts, les aubergines avec les oranges goûteuses et les citrons (ou encore i cedri - d'énormes citrons très riches en zeste que l'on déguste saupoudré de sucre au début de l'hiver). Les poissons, les viandes ne sont pas en reste, souvent pris en photo par des touristes étonnés de cette tête énorme d'espadon qui trône au beau milieu du choix de poissons à Palermo, capitale de la Sicile, ou encore de cette viande transportée en caddy en plein soleil à Catania. On s'étonne, on s'amuse, on prend en photo ces olives, ces figues, ces pistaches, ces amandes, ces grosses tomates bien rouges, toutes ces couleurs chaudes et chaleureuses de cette île de la Méditerranée.

Les légumes sont de fait à l'honneur dans la cuisine sicilienne tout comme les pâtes, le riz, la semoule. Chaque ville

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encore ou région se réclame d'un plat ou de plusieurs spécialités : Trapani et San Vito Lo Capo au nord ouest se disputent la primeur du meilleur cuscus di pesce, souvenir des invasions arabes. Catania, à l'est propose dans toutes ses trattorie la pasta alla Norma, des pâtes recouvertes de sauce tomate, d'aubergines grillées et de ricotta fraîche, agrémentées de quelques feuilles de basilic, souvenir des invasions normandes
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. La carte palermitaine propose quant à elle la pasta alle sarde, un plat de pâtes aux sardines et au fenouil. Ces plats sont les plus connus et désormais les plus touristiques. Sans oublier dans les salés, l'arancino, une boule de riz frite fourrée au choix de ragu', de burro ou de mozzarella que l'on trouve dans tous les forni ou les rosticciere (et que je sais aussi préparer), le surprenant "pani ca meusa" palermitain, un sandwich à la rate (!) et dans les sucrés la cassata siciliana, le cassatelle (des petites cassate), la cassata al forno, il cannolo, un délicieux rouleau sucré fourré de ricotta – le meilleur est à goûter selon moi à Siracusa. Le rouleau y est au chocolat et la ricotta sucrée agrémentée de pépites de pistache. A noter, pour Santa Lucia en décembre, on peut trouver dans tout Palermo des arancini fourrés au chocolat. Qui a dit que la cuisine méditerranéenne était légère et diététique?

Trois plats moins connus (que j'adore) méritent toute l'attention des papilles: la parmigiana di melanzane, sorte de mille-feuilles (que je préfèr

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e froid) de sauce tomate, d'aubergines, de mozzarella, de jambon, d'oeufs, de parmesan et de basilic... (rien que ça !) qui pourrait faire penser à certains à la moussaka grecque. Un délice ! (Que je sais cuisiner). Le panelle, des petits carrés faits de farine de pois chiche frite, mis dans un morceau de pain et arrosés de jus de citron que l'on dévore bien souvent accompagnés de crochette, des croquettes de pommes de terre. On en mange toute la soirée, en continu, arrosées de verres de vin, de sangue, de bière dans les rues de la Vucciria à Palerme - par exemple. Arpentant ce vieux quartier populaire, d'autres se laisseront tenter par des panini de fruits de mer ou des morceaux de tentacules de poulpe. Poulpe que l'on propose toute la nuit vivant et qui est ébouillanté devant vos yeux lorsque votre estomac en a envie ! Dépaysante la street food sicilienne ! Un dernier mot sur un dessert : le muffoletto qui ne se trouve qu'en novembre lors de la fête des morts dans les pasticcerie, i forni, un gros pain sucré parsemé de graines de fenouil, rempli de ricotta et de miel. Roboratif ! Tellement riche qu'il fait à lui seul un repas. 

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Il faudrait une vie pour tout connaître de la cuisine sicilienne, de ses saveurs sucrées à tous ses plats de poisson, de ses fruits à toutes ses offres de friands et autres "sur le pouce"  frits (une préférence pour la "miscata", un petit pain fourré aux pommes de terre, aux oignons et à la saucisse que fait la maman de mon copain dans son four traditionnel à Sant'Angelo Muxaro) ; une seconde de tous ses alcools (ma préférence au zibibbo), de ses vins (ma préférence au Syrah), et de ses liqueurs aux goûts parfois incroyables (liqueur de pistache, d'amande, de basilic - ma préférence à celle que fait mon amie Roberta..), mais la goûter, les goûter, toutes ces saveurs, c'est définitivement adopter la Sicile.

"Non si conosce davvero l'anima di un popolo finchè non si avrà gustato cio che esso mangia", m'avait affectueusement écrit une amie sicilienne Rosalba sur un livre de cuisine... Sicilienne. On ne connaît jamais vraiment l'âme d'un peuple tant que l'on n'a pas goûté à ce qu'il mange.


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