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Perdus dans Kaboul (33)

Publié le 11 mars 2008 par Rogerroger
Tu te souviens, j’espère, des lettres que je t’ai envoyées, après Rangoun. Dans lesquelles je te déclarais ma flamme, à la manière des temps anciens…
Les as-tu gardées ?
Non, je ne regrette pas de les avoir écrites. J’ai seulement peur que tu n’en aies pas fait bon usage, j’imagine des collègues à toi les lisant, sourire aux lèvres…
Cela n’a pas dû t’échapper à quel point notre première rencontre a pesé sur ma destinée. De s’être si peu connus, finalement, à peine effleurés, a dû jouer sur cet enthousiasme, embellir encore davantage ce qui était déjà délicat et magique.
Notre relation pittoresque m’a, dans un premier temps, redonné goût à la vie. J’avais décidé, juste auparavant, de poser mes valises, de me caser dans un emploi fixe, suivi, pour faire bonne mesure, d’un mariage dans les normes.
Pour moi, le monde ne serait pas tout à fait le même, aujourd’hui, si je n’avais pas décidé cet après-midi là de goûter aux pâtisseries de l’hôtel Strand.
Bref, notre rencontre m’a sauvé la vie sans la changer vraiment. J’en suis à peu près au même point, finalement.
J’aurais pu prévoir ce qui allait advenir quand tu as commencé à m’irriter, déjà, en ne répondant pas à mes lettres.
La découverte, par hasard, de ta nomination à Kaboul, ensuite, en appelant ton ambassade à Rangoun - à cette époque, la consigne de confidentialité n’était pas passée – a achevé de me convaincre que beaucoup restait encore à accomplir, pour arriver à faire ta conquête. Je pensais alors aimer relever les défis.
Il m’a fallu un mois pour trouver un poste en Afghanistan : en 2002, il était relativement facile de se faire envoyer là-bas, les vannes étaient ouvertes. Mon expérience dans une troupe de théâtre amateur et mes nombreux voyages à l’étranger ont séduit l’organisation Tréteaux sans Frontières.
Au mois de mai, j’arrivai, confiant, sur cette étonnante planète hors du temps, patrie de grands poètes amoureux des roses et terre sauvage enivrée de violence, vaste arène de sable et de poussière balayée par des vents puissants et secs, où j’étais décidé à mener mon plus beau combat.

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