Magazine Journal intime

Faut-il être aveugle pour bien voir ?

Publié le 20 avril 2012 par Anaïs Valente

C’est la question que je me pose depuis que je suis allée pour un contrôle chez mon ophtalmologue.  Ou plutôt pour pleurnicher chez elle à grands renforts de « je vois plus rien, c’est l’enfer, je vois plus les numéros de bus, je sais plus lire les panneaux en magasin, je ne décrypte plus les sous-titres de mes séries télé adorées, pitiéééééééééééééé, aidez-moi ».

Mais paraît que c’est typique des grands myopes, de supplier pour avoir des verres plus forts, alors que rien n’est possible pour eux, dieu soit haï (contraire de dieu soit loué, vous l’aurez pigé).  Mais moi, je supplie pas, c’est vrai que je vois rien, c’est une réalité, une frustration totale, surtout quand je ne suis pas dans ma ville.  Pour peu que je doive zoner dans Paris ou Charleroi (exemples récents même si totalement à l’opposé l’un de l’autre), je vis un enfer.

Et là, vous vous dites, « pôôôôôôôôvre Anaïs, elle doit être presque aveugle, munie de verres aussi épais que des culs de bouteilles (j’avais d’abord écrit des « tessons », mais ça doit faire mal aux yeux, des tessons en guise de verres correcteurs).

Et bien non.

Non.

Non.

Car pour ma mutuelle, je suis pas encore assez myope (d’où le titre de ce billet, vous le comprenez enfin).  Il faut être à - 8,25 pour que Miss Mutuelle daigne accorder son aumône.  En dessous, tu peux aller te faire cuire un œuf d’autruche.  Et moi je suis à – 7,75 et – 6,75.  Et c’est pas une mince affaire, je vous le dis.

Petite parenthèse sur ceusses qui ignorent leur dioptrie : je trouve ça dingue.  Totalement dingue.  C’est un peu comme dire « j’ai une maladie, mais je sais plus laquelle ».  Moi je connais ma dioptrie, à quelques dixièmes près hein, mais je la connais.  Et je comprends pas qu’on puisse ne pas la connaître, voire pire, ne même pas savoir que la myopie se compte en négatif.  Fermeture de parenthèse.

Etre à – 7,75 et – 6,75, je vous prie de croire que c’est déjà être fort atteinte.  A savoir que si je tends le bras, ben je vois plus ma main… même que si j’avais un handicap qui fait que j’ai pas mes avant-bras et si je tendais le bras, enfin le demi-bras, ben je verrais toujours pas ma main, limite si j’avais la main attachée à l’épaule je la verrais plus non plus… ça a le mérite d’être clair. 

Et ben ça suffit pas pour la Déesse Mutuelle, qui exige - 8,25, genre si je tends le bras et qu’un bus passe en trombe et me l’arrache, je m’en rends même pas compte (du moins jusqu’à ce que la douleur fulgurante ait fait son chemin jusqu’à mon neurone). 

C’est le drame de ma vie, cette myopie.

Enfin non.

Le véritable drame de ma vie c’est que, depuis quelques semaines, quelques jours, quelques heures, je commence à devenir presbyte (que l’enfoiré qui a envie de dire « oh, ça m’intéresse » s’abstienne, je déteste l’humour gras).  Dans peu de temps, je verrai vraiment plus ma main, ni en tendant le bras ni en le rapprochant de mon joli minois, ni rien de rien. 

Y a-t-il pire drame que de ne pas voir de près et ne pas voir de loin ?

Je conclurai avec cette citation qu’un collègue m’a citée (argh, que peut-on faire avec une citation sinon la citer, y’a-t-il un dico des synonymes dans la salle ?), vachement déprimante, mais tellement criante de vérité :

« Mourir cela n’est rien – Mourir la belle affaire – Mais vieillir… O vieillir! » (Jacques Brel)


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