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L'éternel enfant

Publié le 27 avril 2012 par Adamante

 

Il est des écrits qui nous inspirent des commentaires et des commentaires qui s'étoffent lorsque, méditant sur la découverte, nous voyageons dans nos espaces personnels, plus loin que les mots laissés en hommage.

L'éternel enfant est né du ressenti suite à la lecture d'un texte de Carole Chollet  dont l'univers,  est-ce parce que nous avons des racines communes ? et le talent, me parlent bien au-delà des mots.

Mon premier article pour la communauté de Jeanne.

Le conte5

Notre histoire s'écrit avec :

le grincement d'une lame de parquet,

d'une marche d'escalier,

un rayon de soleil sur un édredon rouge, au petit matin, dans le froid d’une fin d’hiver.

Elle se décline au rythme d'une vieille pendule qui sonne les heures en plein cœur de la nuit, étourdie par les mouvements miroitants de son balancier sous la lueur des dernières braises, dans l’âtre en sommeil.

Je me souviens d’un printemps, l’air avait la fraîcheur d’un hiver désireux de s’attarder encore un peu sur la terre endormie. Le froid avait été incisif et la neige particulièrement présente cette année-là.

Il avait fallu à plusieurs reprises dégager le chemin à grandes pelletées pour rompre l’isolement de la maison, se frayer un passage jusqu’aux maisons voisines.

Le rythme des journées s’était considérablement ralenti, marqué par le martèlement des pieds devant la porte afin de décoller la neige accrochée aux chaussures.

Des cache-nez montait une fumée blanche que la froidure de l’air transformait immédiatement en gouttelettes glacées qui s’agrippaient désagréablement aux poils du lainage et vous trempaient le cou.

Les humains, cantonnés à l’intérieur de leurs maisons, jetaient régulièrement un œil à la fenêtre, soucieux sans doute de se confirmer encor et encor la réalité de ce confinement imposé par les éléments qui les privaient de leur liberté habituelle d’aller et venir.

Derrière le carreau de la grande salle, grand-père semblait rêveur.

Immobile il observait quelque chose qui, de toute évidence, ne faisait pas partie du paysage, quelque chose que les autres ne pouvaient découvrir en laissant leur regard balayer la cour.

Il s’était retiré dans ses espaces intimes.

Son corps, parfaitement immobile et malgré les apparences, trahissait l’idée qu’il soit là.

Pieds nus, en haut de l’escalier, l’enfant, perdue dans la longue chemise de nuit blanche empruntée à sa mère et qu’elle retenait d’une main pour ne pas s’entraver, son autre main sur la rampe, s’était arrêtée ; elle l’observait.

Elle le savait loin, bien loin de cette maison de campagne qui avait abrité sa vie, avant la mort de cette grand-mère dont elle ne conservait aucun souvenir et dont le départ avait ébréché la joie de cet être un peu bourru qu’elle aimait tant parce qu’il l’aimait, parce qu’elle savait qu’en la regardant le feu de son regard se ravivait et qu’elle était la seule à avoir ce pouvoir.

Avait-il senti qu’elle l’observait ?

Il tourna la tête et la vit, l’ombre qui l’habitait quitta immédiatement son regard, il se mit à pétiller de malice :

« Ma petite fille ! » s’écria-t-il, en lui tendant les bras.

L’enfant dévala les marches pour se précipiter entre ces bras si pleins de tendresse.

Le feu ronronnait dans la cuisinière et donnait à la pièce un aspect accueillant. Une odeur de café flottait dans l’air, c’était elle qui l’avait sortie du sommeil et tirée du lit.

Il était tôt, la vie s’éveillait dans les arbres, une corneille venait de lancer son premier cri dans le lointain d’un pré, l’oiseau en fourrageant neige cherchait déjà sa pitance.

Alors, ils partagèrent leur premier repas du jour, accompagné de rires et de ces petites choses insignifiantes qui tissent un individu, le marquent à jamais et font de lui un éternel enfant.

©Adamante


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