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Comment mettre les polemiques en perspective ?

Publié le 30 avril 2012 par Ruinart @creactions
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COMMENT METTRE LES POLEMIQUES EN PERSPECTIVE ?

Pour faire changer d’avis un interlocuteur, une tablée, une foule, il y a trois moyens :

1/ Le lui demander :

C’est ok si c’est quelque chose d’anodin, ou qui entre dans ses attributions (ex la secrétaire qui accepte de donner un dossier à son patron).

2/ Argumenter :

Le problème est que, dans ce cas, on avance NOS arguments sans connaître ceux de l’autre, ce qui risque de mener à l’échec.

3/ Le jeu de la polémique :

Sans demander ce que nous voulons pour obtenir que l’autre change d’avis, de croyance ou de comportement, ou au moins qu’il convienne que rien n’est ou blanc ou noir, mais tout en nuances ; Dans ce cas, rien de tel que les stratagèmes.

Prenons maintenant l’exemple du vote des français à la présidentielle.

QUEL EST LE MEILLEUR MOYEN, A VOTRE AVIS, D’APPELER A VOTER ET POUR QUI, POUR QUELLES IDEES ?

La solution 1/ leur demander de voter, qui plus est pour X a peu de chances de réussir.

Ceci car ça n’a rien d’anodin, on va en prendre pour 5 ans de gouvernance, et ça n’est dans les attributions de personne, d’être subordonné à ce point à l’un des candidats pour d’emblée voter pour lui.

La seconde solution, argumenter, ce que les candidats sont appelés à faire à longueur de meetings, de bains de foule, d’interviews des médias, a là aussi quelques chances d’aboutir, si tant est que les arguments avancés trouvent un écho auprès des votants potentiels.

Par contre les stratagèmes, eux, ont toute leur place dans la communication de campagne et les conseillers des candidats tentent de les coacher en ce sens.

Je vais vous démontrer comment le choix des mots, le choix de la prise de recul, l’appel à divers stratagèmes peut porter ses fruits.

NB : Ceci ne veut pas dire que ceux qui s’en tirent le plus mal ou le moins bien, suivant si on veut voir le verre à moitié vide, ou la coupe à moitié pleine, que ces candidats n’ont pas de bons arguments dignes d’être étudiés.

Seulement en période électorale, avoir de bonnes techniques de communication, et une bonne gestion des stratagèmes est impérative, si on veut marquer les esprits et les faire adhérer, ou au moins pencher vers le but du candidat : faire voter pour la présidentielle et pour leur candidature en particulier.

DEMONSTRATTION

Prenons l’exemple des interviews croisées sur France 2 de ce 29/4/2012 orchestrées par Laurent Delahousse :

J’ai noté pour vous éclairer quelques différences de communication entre les deux candidats :

François Hollande quant à lui utilise beaucoup le « je » : « je vais être un candidat normal » (normal en quoi, pour qui, aux yeux de la planète, à l’échelle de l’élection ?). Il précise à ce sujet, lorsque Laurent Delahousse, lui demande de le faire, qu’il est « un candidat normal, c’est à dire équilibré, pondéré, maîtrisé » (on n’en attend pas moins de n’importe quel candidat à la présidence ! ça ne le démarque pas et ne définit pas une normalité, ou alors par rapport à quel « candidat anormal » ?)

La première réaction de la part des téléspectateurs et des électeurs potentiels est de ne pas se reconnaître dans un « je ». Ils n’élisent pas une personne mais une vision de la France et des possibles pour 5 ans.

Nicolas Sarkozy, quant à lui, fait passer de l’humilité, n’utilise pas « je », sauf lorsque le journaliste lui demande son avis personnel. Et il n’a pas la langue qui fourche pour parler de « je ferai ceci ou cela », puis en se raccrochant aux branches en précisant « si le peuple français en décide ainsi en m’élisant président » comme le fait FH. Il ne préjuge pas du vote. Il prend le recul nécessaire.

François Hollande répond à la question de Laurent Delahousse sur son sentiment sur les caractéristiques des français. FH répond que oui il les pense parfois injustes, qu’ils peuvent se tromper. Il n’explique en rien comment ni dans quel cas. Ca s’appelle une position « carte » et non une position « terrain/territoire » dans le jeu de la polémique.

Nicolas Sarkozy, pour la même question, répond que la démocratie, justement ce sont les français qui la font, et ont donc de ce fait raison, ne sont pas injustes ou se trompant, car cela préjugerait que ce le soit par rapport à une attente de candidat, or ce sont les électeurs qui décident du leader et non pas le leader qui juge.

Je ne le cite pas mot pour mot mais l’esprit est là. La communication est habile et sonne plutôt juste. Il gagne à mon sens un point là dessus sur son adversaire, car il est en écoute active, il laisse la parole aux électeurs et ne donne pas SA position personnelle et encore moins pour se poser en juge.

François Hollande, lorsqu’il a à répondre à la question, de définir son adversaire de campagne, le définit par son énergie. Et tout de suite après, il précise en indiquant que les qualités sont aussi des défauts, ainsi que « l’énergie peut être une agitation, un court-circuit« .

Vous trouvez cela fin stratège ? Moi pas !

NB : ce qui m’a « amusé » dans le manque de maîtrise de la communication de FH c’est qu’il a cru bon d’ajouter que « quelquefois certaines phrases ne sont pas préparées d’avance« .
Heureusement ou malheureusement pour lui, d’après vous ?

Nicolas Sarkozy quant à lui reste assez dans les généralités sur ce sujet et ne se mouille pas, très tactique, et ne porte en tout cas pas le flan aux attaques en dénigrant indirectement son adversaire. Il rappelle juste les trois débats qu’il demandait, en soulignant que ce n’est pas lui qui les a inventé mais les journalistes qui les leur avaient proposés.

Pourtant l’idée des trois débats était stratégique, car cela aurait obligé son adversaire à débattre longuement. Et on voit, au travers des quelques questions et réponses commentées, combien les deux n’ont pas la même approche de la communication stratégique !

Conclusion : il est bien entendu bien plus difficile de faire changer d’avis les autres, sans les avoir en face, sans pouvoir leur poser des questions, sans pouvoir leur montrer qu’on les écoute activement, sans pouvoir recadrer pour rester dans le sujet, sans pouvoir démonter les idées qu’ils avancent, pour les amener à réfléchir sur les façons d’ouvrir leur esprit à d’autres points de vue, et par là de pouvoir les amener à soi et à sa vision des choses.

C’est donc du grand art de savoir communiquer et convaincre, sans aller au contact comme le feraient des commerciaux, ou comme le font les candidats lors des meetings. Nous avons beaucoup à apprendre en regardant ces débats, pour s’entraîner à communiquer au mieux, en fonction des circonstances qui nous sont données. Ainsi nous ne pourrons pas communiquer de la même façon et convaincre par mail ou par profession de foi ou autre communication sans interaction directe du public à convaincre.

Cependant une fois les interviews réalisées, c’est là que commence réellement la communication stratégique :

Lors des interviews, le mieux est de faire comme Nicolas Sarkozy : rester ouvert, ne pas centrer sur sa personne, laisser penser aux personnes qui visualisent l’interview que ces personnes sont au centre de ses préoccupations.

Cela a plus d’impact que François Hollande qui parle beaucoup de sa préparation psychologique, qui l’a menée à se présenter comme candidat « parce qu’il se sentait prêt » et d’ajouter que, dès lors, il n’a plus de doute et qu’il fera ceci ou cela. Heureusement, allez vous vous dire, qu’il est déjà convaincu lui même !

ANALYSONS LES CARTES JOUEES PAR LES CANDIDATS LORS DE CET INTERVIEW :

François Hollande a joué la carte de comportement (je me réfère à celles du serious game Polemios ® « je ne suis pas d’accord » qui est rédhibitoire en matière de polémique, cela ferme la discussion mais ne convainc personne.

Nicolas Sarkozy est lui resté dans les cartes à jouer au nombre de trois qu’il faut utiliser et a évité les deux qui sont éliminatoires dans le jeu Polemios ®

Prenons maintenant les cartes de stratagèmes de niveau 1 et 2 :

François Hollande a utilisé les cartes :

- « Appel au rationnel » : il a fait appel au bon sens pour expliquer que, s’il ne se sentait pas prêt, ça n’aurait pas été la peine de se présenter à une telle élection.

- « Associer deux faits et deux idées » : il a dit « je vais être un candidat normal », ensuite il a rapproché cette idée du fait que cela sous entendait qu’il n’allait pas utiliser sa vie professionnelle ou privée pour candidater ; qu’il n’a pas besoin de montrer sa vie privée (sous entendu pas comme son adversaire, qui lui a fait parler pendant son quinquennat de sa vie privée. Mais FH a tendance à oublier à ce sujet, que lors du précédent vote à la présidence, sa vie privée était elle même l’objet de médiatisation). Et ce rapprochement n’a apporté à son esprit que le fait de devoir préciser ce que « normal » voulait dire. A ses yeux cela équivaut à « équilibré, pondéré, maîtrisé ».

Nicolas Sarkozy a utilisé les cartes :

- « Demander l’avis du partenaire » en indiquant que c’étaient aux français de décider, pas à lui, que lui ne peut qu’exposer des idées, des solutions possibles.

- « Relancer sur les points d’accord » ainsi il a utilisé les perches tendues par Laurent Delahousse comme pour retourner en sa faveur l’histoire des trois débats et ne pas avoir à reconnaître que c’était stratégique.

- « Appel aux statistiques » en parlant des % qui étaient avancés des résultats du premier tour (celui ci et celui du quinquennat précédent) par rapport aux résultats réels en % et du résultat réel à l’arrivée. Il sous entend habilement ainsi, que s’il est passé la première fois, alors que les sondages ne le donnaient pas gagnant, il est possible de le refaire. Cependant, il ne le dit pas, il laisse les électeurs choisir en

- utilisant à ce sujet la carte « dire du bien de son interlocuteur » : il redit que seuls les électeurs, la démocratie peut élire un candidat (cela reste ouvert et fait preuve d’humilité en tout cas cela le laisse penser)

- « métacommuniquer » en indiquant que si lui a cette énergie, cette détermination, si les électeurs votent, ce sera pour notre bien à tous.

BILAN EN MATIERE DE COMMUNICATION au vu des critères du serious game :

François Hollande serait éliminé du jeu en utilisant la carte « je ne suis pas d’accord » et il n’y aurait plus lieu de polémiquer sur le reste car il n’aurait pas l’occasion de continuer à jouer, les joueurs/électeurs/interlocuteurs se fermant et ne se sentant pas écoutés et pris en compte. Mettons qu’on comptabilise malgré tout le peu de cartes de stratagèmes jouées, cela lui aurait accordé 5 points.

Nicolas Sarkozy aurait joué 5 cartes de stratagèmes qui lui auraient valu 14 points.

Ceci n’était qu’une observation d’interviews, au travers de la lorgnette d’un outil de communication que j’utilise et recommande, Polemios ®

Votre avis m’intéresse au plus haut point. Alors commentez, partagez votre point de vue, vos stratagèmes en matière de communication, vos actions de communication stratégiques.

Merci d’avance de votre participation qui nous permettra d’aller plus loin dans l’art de la polémique et de la communication.

Mireille Ruinart


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