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Cécile A Holdban, Ciel passager

Publié le 17 mai 2012 par Angèle Paoli
Cécile A Holdban, Ciel passager,
L’Échappée Belle édition, 2012.


Présentation publique
de Thierry Gillybœuf *

Cécile A Holdban, Ciel passager

NOCTURNES

  Ciel passager est le premier recueil de Cécile A Holdban. C’est même sa première publication sur papier. Au cours du Marché de la Poésie 2011, quelques-uns de ses poèmes avaient été lus en public et c’est cette lecture qui attira l’intention de quelques personnes, parmi lesquelles Angèle Paoli, qui (en juillet 2011) publia l’un de ces poèmes dans sa revue numérique Terres de femmes.

  Ciel passager regroupe une soixantaine de poèmes, tous composés entre 2010 et 2011. Leurs sources d’inspiration sont à la fois très personnelles et universelles. Mais la poésie n’est-elle pas ni plus ni moins que le mode d’emploi du monde visible et invisible qui nous entoure ? Et la voix poétique de Cécile A Holdban est avant tout celle d’une femme qui déploie toute la palette de sa féminité – une palette qui passe par la sensibilité, la sensualité, l’amour physique, la maternité, la fillette qu’elle fut et, bien entendu, la femme en tant que matrice de la vie, en parfaite adéquation avec la Terre-mère.

  Ce qui frappe à la lecture de ces poèmes, c’est leur grand naturel. Comme s’ils allaient de soi, comme s’ils coulaient de source, alors qu’ils sont le fruit d’un lent travail. D’ailleurs, la façon d’écrire de Cécile A Holdban me fait songer à une phrase du poète espagnol Juan Ramón Jiménez : « On n’achève pas un poème, on l’abandonne ». Et l’écriture poétique étant un acte des plus solitaires, on reste forcément bouleversé quand on s’aperçoit que ces poèmes, qui puisent leur sève dans ce que l’on a de plus intime, trouvent une résonance chez autrui.

  Ciel passager commence et se termine par un poème intitulé « Nocturne ». On sait depuis Chopin que le nocturne est une mélodie très simple, plutôt lente, avec, au milieu, une accélération du tempo. Et c’est précisément le rythme, la partition de ce recueil. Mais ce que l’on sait moins, c’est que le nocturne était, au XVIIe siècle, une pièce musicale pour un petit ensemble, exécutée en plein air et de nuit. En plein air et de nuit : tel est véritablement le décor de l’univers poétique de Cécile A Holdban, qui aime à regarder et à imaginer le monde qui l’entoure sous l’éclairage complice de la lune, astre ô combien féminin, et astre tutélaire de Cécile A Holdban – sans compter que hold signifie « lune » en hongrois…

  Si ces poèmes sont récents ― comme la plupart d’entre nous, Cécile A Holdban a commencé à écrire à l’adolescence ―, ce qui fait la singularité de ces poèmes, c’est que, composés dans son pensionnat bavarois, ils ont été écrits en hongrois, sa langue maternelle. Loin d’être anecdotique, ce détail a son importance, parce que l’oreille de Cécile A Holdban s’est d’abord formée à cette langue liquide et saccadée, à très forte tradition orale, à travers les poèmes, les contes ou les chansons que sa mère et sa grand-mère lui récitaient ou lui interprétaient. Et c’est bien cette fluidité cadencée que l’on retrouve dans le style de Cécile A Holdban, fluidité qui lui confère cette musicalité propre, cette mélancolie radieuse et bigarrée qui fait songer aux tableaux de Marc Chagall.

  Cécile A Holdban est elle-même une grande lectrice de poésie, et ses goûts vont de la poésie médiévale aux grands noms de la poésie hongroise – Attila Joszef, Pilinzky Janos ou Weöres Sándor, dont elle a entrepris la traduction (une très belle traduction de ce poète qui lui est cher est d’ailleurs incluse dans le recueil) –, en passant par la poésie traditionnelle japonaise, ou encore celle de René Char, d’E.E. Cummings, de Sylvia Plath ou de Valérie Rouzeau. Mais, pour autant, on ne trouvera pas chez Cécile A Holdban de réflexion sur l’art poétique. Sa poésie, tout sauf cérébrale, répond pleinement à la magnifique formule de Pierre Reverdy : « cette émotion appelée poésie ».

  C’est sans doute la raison pour laquelle cette poésie nous parle d’emblée. Parce que son langage est simple. Mais que l’on ne s’y trompe pas : il n’y a rien de plus difficile que la simplicité. Les poèmes de Cécile A Holdban ne sont pas des poèmes que l’on lit, mais que l’on relit. Car ils creusent en nous, font résonner en nous leur petite mélodie, et parce qu’à chaque lecture, on est surpris par la richesse des trouvailles métaphoriques. Et pour le coup, on est en plein dans la formidable définition de Max Jacob : « La poésie, c’est quand deux mots se rencontrent pour la première fois ». Or, dans ce Ciel passager, il y en a beaucoup qui font connaissance.

  La poésie de Cécile A Holdban est nourrie de forces telluriques, car elle est elle-même tout entière porosité et réceptivité à ce qui l’entoure. Et l’on sait que la poésie naît en amont du langage, quand le réel et l’imaginaire échangent leurs silences. Elle peut se perdre, s’abîmer dans la contemplation d’un bourgeon, des effilochures d’un nuage ou des dessins d’une mousse sur un vieux mur de pierre. Son imaginaire, qui a su préserver sa part d’enfance, fait le reste et sait tirer d’un « instant d’Éternel », d’un « morceau d’Infini », de nouveaux Fioretti. Car Cécile A Holdban ne se contente pas de voir, elle sait, comme disait Paul Éluard, nous donner à voir. Que l’on ne se méprenne pas pour autant : il ne s’agit en rien d’une poésie bucolique, mais plutôt de la revendication d’une modeste appartenance à l’Univers, d’une humble inscription dans le Cosmos, toute fourmi qu’elle soit, pour paraphraser l’un de ses poèmes. Ainsi, dans la grande tradition de la poésie féminine, l’écriture de Cécile A Holdban obéit-elle à une intuition poétique semblable à celle de grandes poètes comme Sylvia Plath ou Emily Dickinson.

Thierry Gillybœuf
D.R. Texte Thierry Gillybœuf
pour Terres de femmes


* NOTE d’AP : cette présentation du recueil Ciel passager de Cécile A Holdban a été lue en public par Thierry Gillybœuf à l’occasion de la soirée de lancement du recueil, le 10 mars 2012, à Bagnolet.



CÉCILE A HOLDBAN

Cecileaholdban


■ Cécile A Holdban
sur Terres de femmes

À la fenêtre (poème extrait du recueil Ciel passager)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) [Je ne tuerai point]

■ Voir aussi ▼

→ (sur le site de l’échappée belle édition) une page sur Ciel passager de Cécile A Holdban



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