Magazine Humeur

T'es beau tu sais et pas vilain (Episode 1)

Publié le 24 mars 2008 par Voilacestdit

A la manière de San-Antonio...

Ceci est la vraie-fausse histoire de KB, ex-PDG d'HPF, écrite en 1997 à l'occasion de son départ à la retraite...

Mes remerciements les plus sincères vont

pour le fond
aux quelques-uns et -unes qui ont bien voulu me confier en toute amitié
quelques anecdotes ou souvenirs dont au sujet desquels...
- est-il indiscret   de vous demander quelles sont ces aimables
personnes qui vous ont si obligeamment... documenté ?
- me le demander ne constitue pas une indiscrétion, mais vous
le dire en serait une...
pour la forme
si t'es pas trop décontenancé - comme un bidon de lait sans fond -
tu reconnaîtras aisément tout ce que je dois à San-Antonio...


T'es beau, tu sais... et pas vilain!

       Episode 1        


Prologue

Ce matin-là, aux premières heures du jour, un homme encore jeune, portant beau, arpentait les bords de L'Ecoute s'il pleut, petit ruisseau qui traverse nonchalamment  la campagne dans les environs d'Evry.

Les premières gouttes venaient de tomber, cependant que les rayons du soleil levant, perçant presque à l'horizontale au-dessous de la masse nuageuse en formation,  irisaient la surface de l'eau comme les facettes d'un cristal. L'homme pensa à "cette larme pâle aux reflets irisés comme un fragment d'opale..." dont parle le pohète [Baudelaire]. Il se pencha plus avant vers la surface de l'eau, s'apprêtant à tirer sa ligne, mais fasciné qu'il était par ces jeux de son et  lumière, il resta attentif à la beauté du spectacle qui s'offrait à lui dans le calme du petit matin...

Il se demanda d'où venait ce  nom  L'Ecoute s'il pleut, et comme il regardait et écoutait, et qu'il pleuvait, il se sentit en pleine harmonie avec cette nature, qu'il avait toujours aimée et qu'il retrouvait volontiers, pour pêcher,  ou lorsqu'il pratiquait les "19 trous", comme il aimait dire,  les 18 + 1, ce trou en plus étant celui où s'oublient les difficultés, les soucis de son état,  pour un temps.

Comme il était là, penché, éperdu presque perdu dans ses pensées, voilà qu'il vit, se reflétant à la surface de  l'eau, son propre visage, -mais était-ce le sien ?-  c'était...  et celui d'un enfant, et celui d'un adulte aux différents âges de sa vie, l'image se formait et se reformait, au gré des vaguelettes, et le bruit de la pluie se fit plus intense, frappant la surface chahutée de l'eau, et voilà que lui revint comme des bouffées de mémoire : la vie, non, n'est pas un long fleuve tranquille, elle est plutôt comme L'Ecoute s'il pleut, imprévisible, belle, chahutée, troublante, cette vie, elle vaut la peine d'être vécue!, et voilà qu'il se remémore des épisodes...

Va-t-on le laisser, seul, se mirer dans L'Ecoute s'il pleut, et se raconter en son for intérieur, pour lui seul des histoires? Non, camarade, rassure-toi ! Ce pendant qu'il se mire, voici donc racontée, pour l'instruction et l'édification des jeunes générations, la mirifique (presque authentique, un peu romancée quand même) histoire de KB !

Lecteurs, à vos esgourdes !                             

 

    

 

LE LOULOU DE LOUDUN

Loudun, tu connais ? Non? Je vais t'expliquer. Pour y aller, c'est pas compliqué, tu ne peux pas te tromper : d'ailleurs, c'est indiqué sur la Départementale. C'est tout droit pour commencer, ensuite tu tournes deux fois à droite et tu recontinues tout droit, jusqu'à ce que tu obliques sur la gauche. En ce temps-là il n'y avait pas les rond-points, mais on franchissait comme aujourd'hui le passage à niveau avec son indication : "Attention un train peut en cacher un autre", ce qui est un bon conseil, et presque un début de philosophie : Prends garde en traversant la vie :  un enfoiré peut en cacher un autre !

La campagne alentour est vachetement belle et riante. Tu vois, c'est le genre qu'on mettrait dans une brochure pour les touristes : "Au carrefour de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou, Loudun et son pays d'accueil, ses paysages de douces collines lumineuses, de vignes, de forêts et de longs guérêts fertiles"  etc...

Un grand panneau à l'entrée de la ville te prévient que t'as tout plein de choses à y trouver :

  

      LOUDUN,

   Ses produits du terroir,

   Ses joyaux architecturaux,

   Sa piscine, Son golf,

   Son vélodrome  ("Véloce Club Loudonais"),

   Ses grands hommes...

Ville "blanche" qu'on dit, Loudun étage ses maisons anciennes en tuffeau sur une colline dominée par la TourCarrée. Dans ses ruelles tortueuses plane l'ombre de Philippe Auguste, tu vois qui je veux dire, qui édifia au XIII siècle,  sur les flancs de la colline, d'imposantes fortifications sur les bases d'un Castrum romain.

En bonne place devant le majestueux Hôtel de Ville,  tu as la statue de Théophraste Renaudot en pied, debout, s'appuyant sur un pupitre avec des tas de bouquins dessus et des parchemins,  "conseiller, médecin ordinaire et historiographe de Louis XIII, Ministre de la charité publique, né à Loudun en 1586", et tu peux lire gravé sur l'un des côtés du socle : "La France lui doit le journal, l'office de publicité et de renseignements, le bureau de placement, le mont de piété, l'hôtel des ventes et sous le nom de consultations charitables pour les malades ce que nous appelons aujourd'hui un dispensaire auquel il consacra tout son temps et toute sa fortune..."

Bon!  Voilà au moins un des grands hommes annoncés...

Mais je suis pas là pour te vanter les mérites de Loudun. D'ailleurs, il n'en est pas besoin, parce qu'en haut de la colline, tu sais, ça vente un max !

L'histoire que je te narre,  c'est celle-là :

Un conciliaboule se tenait, à l'abri des regards indiscrets, sous un porche, dans l'étroite ruelle St Pierre  (où ne peut même pas entrer une voiture tant le passage est resserré, donc facile à contrôler),  près de la place Boeuffeterie. L'un des trois était  le chef,  c'est ainsi que l'appelaient les deux autres. C'étaient des éclaireurs.  Le chef en imposait à l'évidence. Grand, bien fait de sa personne, solide gaillard, il portait des culottes courtes assez longues, on dirait un bermuda aujourd'hui, qui recouvraient à demi des genoux un peu cagneux, quelque peu éraflés, témoignant de l'ardeur de courses passées, dans des endroits encombrés, ou peut-être au travers d'épineux (épineux problème s'il en est).

- Y a du neuf ?

- Ca se pourrait !

- Quoi ?

- Viens toujours !

Le petit groupe s'avança un peu pour bénéficier de la lueur d'une lanterne accrochée au-dessus d'une porte.

- Regardez ! Le chef venait de tirer de sa poche un papierfroissé qui pouvait être un plan grossièrement tracé à la main. Un itinéraire était indiqué :  prendre la Petite Rue du Jeu de Paume, puis, à droite,  monter la Rue du Jeu de Paume, passer avec précaution devant l'Ecole primaire St Joseph (c'est de là que venaient les autres qu'il s'agissait de surprendre), enfiler, toujours en montant,  la Rue de Corderie et, si l'endroit était désert comme il l'est souvent, se glisser sans être vu dans la Tour de Bailliage qui se dresse à l'angle du terre-plein.

- Mais, y a une grille fermée à clef qui garde l'accès de la Tour, comment on va rentrer ?

- T'occupes, dit le chef.

Et il tira de sa poche une clef !

- Oh! Comment t'as fait ?

- A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire!

Impressionnés par cette réplique sans appel, ils se gardèrent d'insister. Ils écoutèrent le chef.

Il s'agissait, cachés dans la Tour de Bailliage, de laisser passer les autres, qui monteraient, en continuant la Rue de la Corderie, jusqu'au sommet de la colline, près de la Tour Carrée,  tour  du XI siècle, s'érigeant tout d'un jet, sur un plan à peu près carré, à  31 mètres de hauteur, qui fournissait, dans les temps jadis, à la place de Loudun un poste d'observation exceptionnel avec vue panoramique imprenable sur le "Païs Loudunois" tout entier, et accessoirement, en ces temps plus rapprochés,  un refuge à la bande rivale qu'on voulait attaquer pour venger l'honneur presque perdu (l'honneur, c'est comme les allumettes, ça ne sert qu'une fois) d'un des leurs, lors d'un récent accrochage entre les deux bandes.

Le plan exposé par le chef était le suivant : le gros des  troupes se tiendraient, comme à l'accoutumée, dans les enclos qui bordaient la Rue de la Tour, bloquant toute sortie des autres de ce côté. Dans le même temps, les trois qui tenaient présentement conciliaboule, se cachaient dans la Tour de Bailliage, et quand les autres étaient passés, bloquaient de leur côté la Rue de la Corderie. Ils donneraient le signal qui déclencherait les opérations.

- Comment donner un signal ? On n'est pas vus de la Tour de Baillage !

Le Chef sortit de sa sacoche un petit poste émetteur qu'il avait bricolé, car il était déjà féru de radio, avec lequel ilpouvait communiquer jusqu'à une portée de 300 mètres environ, ce qui était suffisant pour que leurs camarades, cachés dans les enclos, puissent capter le signal sur le récepteur qu'il leur avait confié.

- Comme des rats ils seront faits! dit le plus jeune, admiratif de la science stratégique du chef.

- "La vengeance est un plat qui se mange chaud!", avait lâché le chef devant ses troupes, quand il avait appris la déculottée dont avait été humilié un des siens la veille au soir.

La stratégie réussit admirablement. Pendant que le gros de troupes avaient rejoint les enclos, les trois avaient emprunté  avec précautions l'itinéraire indiqué. Arrivés à hauteur de la Rue du Jeu de Paume ils s'étaient longuement serrés la main pour se donner du courage (de là  vient l'expression de serrement du Jeu de Paume) et étaient montés jusqu'à la Tour du Bailliage où ils avaient pu se cacher sans être vus.

Les autres étaient passés peu après par la rue de la Corderie sans se douter de rien. Mais arrivés près de la Tour Carrée, ils se trouvèrent attaqués par surprise simultanément des deux côtés. Ils étaient pris en étau.  La bataille fut terrible au Carrefour des Sorciers. Ca cognait de partout, mais, à un moment, le chef donna un bref signal, et ils se retirèrent aussi vite qu'ils étaient venus, sans que les autres, tout assommés qu'ils étaient, se rendissent compte qu'on emmenait leur propre chef, dénommé Néné, un grand, un peu plus âgé que les autres.

Néné se débattait mais rien n'y faisait. Il fût entraîné, tiré-poussé, de l'autre côté de la colline, vers l'ancien Donjon, dont il ne subsiste que la partie inférieure en maçonnerie de pierres de taille. Ils dévalèrent la pente qui, à l'époque, n'était pas arborée comme aujourd'hui[9], c'étaient plutôt des terrains vagues, ils passèrent le long des fortifications, et tournant à droite ils s'engagèrent dans un chemin à peine tracé masqué sous les frondaisons. Ils arrivèrent à l'endroit d'une grotte, dont l'entrée était cachée, qu'il fallait connaître pour la trouver : c'était un de leurs repères. Ils s'y terrèrent tenant solidement avec eux leur prisonnier.

Qu'allait-on faire de celui-ci pour venger l'affront de la déculottée ?

Le chef, encore lui, avait son idée. Il ordonna à ses comparses de se tenir coi, cachés dans la grotte avecle prisonnier, pendant que lui, le chef, ferait une sortie en évitant les autres qui, sans doute, la stupeur passée, organisaient les recherches dans les alentours. Il  reviendrait un peu plus tard.

Ils l'attendirent pendant presque une heure.

Il revint enfin, au grand soulagement de ses troupes, tenant en main  un instrument qu'ils reconnurent pour être une tondeuse, qu'il avait  sans aucun doute subtilisée dans le magasin de son père, qui était coiffeur de son état.

Le pauvre Néné comprit le sort qui l'attendait !

De fait, ils lui rasèrent le milieu du crâne, tout ratiboisé qu'il était au centre mais chevelu sur les côtés, il avait bonne mine ! Le malheureux se demandait comment il allait se présenter devant son père, qui tenait un garage et avait quelquefois la main lourde...

La troupe ressortit de la grotte et passait par la Lice, sorte de grande allée située en contrebas de l'ancienne forteresse qui formait jadis un champ clos consacré au déroulement des joutes et tournois, lorsqu'elle fût surpris par une attaque soudaine des autres qui étaient entrés en lice

Le contact fut rude mais court. Les autres décrochèrent rapidement après avoir récupéré le prisonnier qui leur fut rendu, en l'état, avec le crâne en partie lisse.

L'affaire fit grand bruit dans le Landerneau loudunois, venant après d'autres où s'étaient déjà illustrés les deux  bandes et leurs chefs.

Mais, aujourd'hui,  Loudun ne voudrait plus traiter de loulou, loubard, ou voyou, ceux-là qui menèrent jadis ces bandes : ni Néné,  le fils du garagiste,  qui fut maire de la ville et deuxième personnage de l'Etat ! Ninotre héros, tu penses!, qu'on n'appelait pas par un petit nom, mais, déjà, "le chef" !

L'un et l'autre étant, avec Théophraste Renaudot ci-devant nommé,  de ces grands hommes dont s'enorgueillit  justement Loudun !

Au point qu'une pétition court dans Loudun pour honorer dans un commun hommage ces trois grands hommes, en érigeant à ces trois gloires un monument sur lequel seraient consignés ces mots gravés dans le marbre :

   "Se recognoissant nés au bien public ils y ont sacrifié le plus beau de leur

   aage sans autre récompense que celle dont la vertu se paye par les

   mains"

Mais, à cette heure, notre héros vivait son présent : il laissait son passé pour l'avenir.

Et quoi de plus beau présent que la vie : on est comme on naît, il n'était que de le voir, libre, libertaire - il avait de qui tenir -, arpentant, cheveux au vent, les haut-lieux et bas-lieux de Loudun, un tempérament de chef, d'entraîneur, prêt à vivre toutes les aventures du bout du monde, une fois franchie la Porte du Martray, au-delà de l'église Saint-Hilaire du Martray, où résonne à jamais la voix d'Urbain Grandier, prêtre accusé de sorcellerie, tu penses, par la Supérieure d'un couvent de nonnes, peut-être parce qu'elle n'avait pas eu droit aux mêmes faveurs que ses filles, mais laissons-là, paix à Urbain, n'omettons pas de suivre notre héros, une fois franchie cette Porte ouverte sur le large...

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