Éliette Abecassis : lire un forum et en faire un livre ?

Voilà l'impression que j'ai eue en lisant Un heureux événement : elle a mis aufeminin.com en roman. Et juste après, je me suis dit qu'elle voulait dégouter les autres de la maternité. J'ai quand même fait une petite recherche pour savoir si la dame avait des enfants dans la vraie vie, et il se trouve qu'elle en a deux, donc aucune excuse.

Bon, je te raconte en deux mots quand même : Barbara et Nicolas vivent un bonheur parfait, ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont amoureux, ils voyagent, ils ont des amis, elle écrit une thèse et lui tient une galerie d'art mais " vit selon ses propres principes " et ne s'intéresse pas à l'argent, donc. Déjà, là tu te demandes comment ils font pour voyager tout autour du monde, mais, passons c'est souvent comme ça dans les livres, les films et les séries.

Et puis, un jour, ils décident de faire un enfant, et la leur vie est finie selon les propres mots de l'auteure. " Faire un enfant est à la portée de tous, et pourtant peu de futurs parents connaissent la vérité, c'est la fin de la vie". Rien que ça.

Après la naissance de la petite Léa, Barbara fait un constat amer : " Jusqu'à sa naissance, j'avais été une personne qui se construisait peu à peu, à présent c'était fini. Désormais, j'étais vieille. [...] Je n'étais plus qu'un creux, un vide, un néant. Désormais, j'étais mère. " C'est vrai que ça fait pas rêver, vu comme ça, l'arrivée d'un bébé. Bon, il y a des tonnes de citations du même genre que je pourrais ressortir, mais ça tourne toujours autour du même truc : un bébé, ça ruine ta vie.

Au cours de sa grossesse, Barbara découvre les forums de mamans et futures mamans sur le net. Et je pense qu'Éliette Abécassis elle-même s'est nourrie de ces forums pour écrire son roman. Dans les thèmes récurrents des forums de mamans, on retrouve en vrac :

• Comparatif de poussettes : Loola, Elite ou Pliko ? D'ailleurs, ils choisiront la Pliko mais n'arriveront jamais à la déplier (apparemment faut être trois pour ça mais il se trouve que j'ai la même et même moi, j'arrive à la plier et déplier toute seule, si),
• la belle-mère envahissante qui veut lui pourrir son allaitement,
• la Leche League " Ici à la Leche League, nous menons une croisade en faveur du portage et du cododotage " (paye ton cliché),
• la mère débordée qui (avec un seul enfant, nouveau-né, je le rappelle) n'a pas le temps de prendre une douche,
• le compagnon qui se jette dans le boulot pour subvenir aux besoins de sa famille et, de fait, se trouve être trop souvent absent. " Quand Nicolas arrivait du travail, je l'attendais sur le pied de guerre, tapie derrière la porte. Pas coiffée, pas lavée, pas habillée, avec le bébé dans les bras, telle la Mégère apprivoisée. " Pour sur, ça donne envie de rentrer...
• la femme qui s'oublie derrière la mère " Je n'avais plus besoin de faire l'amour avec mon compagnon car j'avais mon bébé ", " Sans elle [sa fille, donc] je ne me sentais plus entière "
• les problèmes de couple, forcément, suite aux deux thèmes sus-cités
• les problèmes de garde d'enfant ou comment trouver une nounou qui tienne la route.

En bref, un condensé de tous les problèmes rencontrés par une multitude de mamans et racontés sur un forum, regroupés dans la vie d'une seule femme (la pauvre). Et je t'épargne les hémorroïdes. Et la grossesse. Et l'accouchement. (la moitié du bouquin, en gros)

Après réflexion, je me demande si Éliette Abécassis ne voulait pas traiter le sujet sous l'angle de l'humour, mais qui serait pathétiquement tombé à plat, parce qu'il y a de pseudos réflexions sérieuses et envolées lyriques, parce qu'il manque une dimension second degré... Je ne sais pas mais j'avoue qu'à la base déjà, je serais plutôt spontanément attirée par les romans de sa cousine (Agnès Abécassis, auteure de chick-lit), et je sais que la spécialité d'Éliette c'est plutôt les romans historiques, alors elle devrait peut-être rester sur ce qu'elle sait faire ? J'ai voulu le lire après avoir lu Le conflit, d'Élisabeth Badinter, qui cite plusieurs fois ce roman (échange de bons procédés : Éliette Abécassis cite également Élisabeth Badinter).

Ceci dit, il semblerait que ce livre ait eu assez de succès (OMG, mes goûts ne sont donc pas universels ?)pour être porté à l'écran, pour avoir regardé la bande-annonce, il me semble que le film a l'air beaucoup plus drôle que le livre.