Au bord du canal
les derniers feux des feuilles
s’allument
dans le soleil couchant
c’est déjà l’automne
Deux canards s’ébrouent
une canne
à pêche
attend
seule
signalée par un gilet
jaune fluo.
À la surface de l’eau
à peine ridée de vent
quelques ronds
le poisson s’amuse
pas une touche
le pêcheur
sur son banc
peut rester à bavarder
avec des vieux
venus prendre le frais
Une mère passe
avec sa poussette
l’enfant pleure
plusieurs badauds musardent
des vélos jaillissent
sans ralentir
« drelin, drelin ! Poussez-vous !»
on a parfois envie
d’entendre « plouf ! »
Frustration !
La soirée est calme
la ville est agréable
quand il fait beau.
Un camion noir
de cinéma
vient rompre la paix
puis il s’éloigne
portant ses appétits d’images
un peu plus loin
peut-être pour voler celles des squatteurs
là-bas
dans l’ancien bâtiment des douanes
Le reflet des promeneurs
sur l’autre berge
attire mon attention
j’aime ces déformations
il y a du comique
dans la démarche de ces silhouettes
le flou de leurs contours
révèle le fond de leur esprit
le vrai s’exprime
quand la netteté s’estompe
Des baskets musicales
font soudain siffler le sol
« frotte, siffle, souffle
le son enfle
« frotte, siffle, souffle »
comme je suis heureuse
de n’en point posséder
la chose a l’air si fatigante
que même une chaussure
qui chante
ne m’attire pas
elles sont passées
elles s’éloignent
emportant avec elles
leur refrain asthmatique.
Les réverbères s’allument
la nuit est là
je la laisse envelopper les eaux
et, pour ne pas déranger les ombres
qui s’invitent avec le soir
je m’éloigne doucement
je regagne mon chez moi
tout là-haut, sur les hauteurs
loin du canal.
©Adamante