Magazine Journal intime

La sclérose en plaques m'a coupé les jambes

Publié le 27 mars 2008 par Pat La Fourmi
C'est le titre du témoignage de Cécile Hernadez-Cervellon sur Match.com.

Souvenez-vous Cécile, son livre et son témoignage à la TV sur "Thé ou Café"...

"En m’extirpant du lit à la sonnerie du réveil, je me retrouve à terre. Mes jambes ne répondent plus. Pire, elles ne sentent plus rien. Je les griffe, je les masse. Rien. La panique m’envahit. Le corps de la sportive que je suis est victime d’un démon invisible qui, à 28 ans, le terrasse.

En 2002, pour moi, une nouvelle vie commence.

Nous sommes le 21 octobre 2002, il est 8 heures du matin. Je m’octroie une grasse matinée après ce week-end merveilleux passé avec Frédéric, mon petit ami. En plus, depuis deux semaines, j’éprouve une certaine fatigue, je me couche tôt et décline des rendez-vous. Attitude inhabituelle pour une sportive comme moi.

Sûrement un petit passage à vide !

Une puissante sonnerie me réveille brutalement. C’est le téléphone, qui est dans la pièce à côté. L’esprit embrumé, je m’extirpe du lit machinalement mais je tombe violemment, dans un bruit sourd et cognant. Affalée sur le carrelage, je ne comprends pas ce qui se passe. Je tente de me relever, j’essaie de m’accrocher au matelas, d’empoigner le drap, mais je tombe encore. Je songe à une espèce de torticolis des jambes ou je ne sais quoi, provoqué par un coup de froid dans le dos durant ce week-end ! Sauf que ce carrelage, ce sol d’habitude si lisse et si glacé, je ne le sens plus.

Je tressaille, la panique s’empare de mon corps désobéissant.

Cela fait trente secondes que je suis immobilisée. Je touche mes jambes, les pétris. Elles ne sentent pas la paume de mes mains. Je hurle. Frédéric se réveille en hâte, fait le tour du lit et se précipite vers moi. Je gis là, par terre, avec mes 47 kilos qui pèsent des tonnes. Je ne comprends pas, et je ne cherche plus à comprendre, j’essaie juste de me tenir debout. De me lever comme je le fais tous les jours, instinctivement. Frédéric frotte mes jambes pour tenter de redémarrer mon corps figé. En vain. Il panique et s’effondre en larmes. Je crie à mon tour. La peur nous gagne.

« Ma chérie, je t’en supplie, si tu m’aimes, bouge les jambes ! » Impossible. La panique se mue en crise de nerfs apocalyptique. Je tremble, je claque des dents. Frédéric glisse ses mains sous les deux morceaux de bois qui me font office de jambes, me hisse sur le lit. Je ne sens pas le drap. Il se jette sur le téléphone et alerte les pompiers, le Samu, notre généraliste et mon frère. Je déambule dans un cauchemar éveillé.

Le médecin arrive dans le quart d’heure. Il effectue les premiers examens. Tension, yeux et surtout les réflexes les plus élémentaires, auxquels, en temps normal je réagis un sourire en coin, habituée aux réactions les plus fines de mon corps et à ses performances.
Les résultats des tests sont effroyablement probants. Direction immédiate l’hôpital. Après m’avoir administré des calmants, deux ambulancières m’installent sur une chaise adaptée et descendent difficilement l’escalier en colimaçon ; je suis complètement à la verticale. Dans l’ambulance, une sensation de nausée s’empare de moi. Un lundi cauchemardesque et incompréhensible succède à un week-end formidable. Aux urgences, les premiers examens ne se déroulent qu’en fin de soirée. Je suis si stressée et défaite que les aiguilles se fracassent contre ma peau. La crise de nerfs s’amplifie. Mes dents continuent de s’entrechoquer.

Frédéric est allongé sur un matelas de fortune, me disant : « On va s’en sortir. » Ce « on » ne suffit pas à me rassurer. Je maudis tout. J’ai de l’aigreur, de la colère, de l’incompréhension, un sentiment d’injustice. Je ne supporte pas la caresse de son index sur le dos de ma main et la retire violemment en éclatant une nouvelle fois en sanglots. Je pince et griffe mes jambes avec fureur, sans succès.

On me réveille aux aurores. Ce mardi, une IRM cérébrale décèle des plaques au cerveau. Le jeudi 24 octobre, à 19 heures, le verdict tombe : « Vous avez une sclérose en plaques. » Des termes sans aucune résonance dans mon esprit. Je ne retiens que le mot « plaques » et m’imagine une maladie dermatologique, une espèce de dépigmentation. Mais quel rapport avec l’impossibilité de marcher ? D’habitude si confiante, grande gueule, franche, je n’en mène pas large, là, emprisonnée dans un fauteuil roulant. Disparue cette carapace, cette armure de blonde autoritaire.

Dans le couloir, j’aperçois maman qui se mord la lèvre inférieure, unique animation sur son visage décomposé. Elle est aussi blanche que la blouse des médecins, mais elle ne craquera pas devant moi.

On me fournit un classeur présentant le mal et ses symptômes, comme si je devenais membre d’un club effrayant. Un catalogue d’horreurs ! La sclérose en plaques, maladie incurable, dégénérative, la SEP, comme disent les malades. Qui sape tout, oui ! Une maladie neurologique chronique qui atteint le système nerveux central et paralyse, lors de crises appelées « poussées », certaines parties du corps. Pour ma part, ce sont les membres inférieurs. Seules armes, la cortisone et un traitement de fond jusqu’au jour où on trouvera un remède. J’ai la forme récurrente de la maladie, avec des phases de rémission. Tous ces termes scientifiques ne peuvent dissimuler qu’il s’agit ni plus ni moins que de l’incursion d’une saloperie de démon invisible qui ronge mon corps, hier si souple et si agile.

J’ai alors 28 ans, une nouvelle vie commence.

Et, pourtant, dans ce tunnel, il y aura tout de même un soleil. En 2007, je suis devenue maman."


Retour à La Une de Logo Paperblog

Dossier Paperblog