Magazine Journal intime

Métaphysique animalière. Propos de basse-cour mais de haute tenue.

Publié le 25 septembre 2012 par Cuicuinrv
Cet épisode banal s'est produit il y a quelques mois dans la montagne corse au lieu-dit photographié plus haut.Une buse tournoyait inlassablement  en cercles concentriques au dessus d'un poulailler. Elle devait avoir l'estomac dans les ergots vu l’acharnement de ses agissements et la patience dont elle faisait preuve.

Métaphysique animalière. Propos de basse-cour mais de haute tenue.

http://letrainebuisson.blogspot.fr/2007_11_01_archive.html


Je descendis auprès des poules qui vaquaient à leurs occupations et m'assis sur un muret pour éviter quelques meurtres en série.Cette satanée buse, avec un aplomb qui frisait l'insolence continua pourtant son manège malsain...Bien que faisant partie d'une espèce protégée, la buse corse reste prudente grâce à un atavisme insulaire qui pourrait surprendre plus d'un rapace continental, en survolant sagement ses proies à une altitude extrêmement respectable, au delà d'une portée de fusil.Bref. Pardonnez mes digressions vaseuses mais j'en viens au sujet principal.Tandis que je conversai avec la volaille, qui, tout en picorant et en grattant la terre à la recherche d'un vermisseau, ne perdait pas une miette de mes paroles, un merle bien dodu, une espèce protégée qui finit fréquemment en succulent pâté vint se percher sur mon épaule gauche.Étant un individu frustre et peu cultivé, j'ai toujours eu la conviction que tous les êtres vivants, végétaux compris, de notre planète, de par une génétique presque commune, se comprenaient forcément, même s'ils ne parlaient pas le même langage.Et là en tant qu'humain rempli d'une suffisance abjecte, d'une arrogance irrespectueuse et d'une bouffissure méprisable, je me moquai de ces gallinacés dont j'avais appris que les ancêtres étaient ces fameux dinosaures qui avaient dominé le monde sans partage pendant la bagatelle d'environ 165 millions d'années.- Regardez vous, misérables cocottes, me moquai-je,  filles et cousines des pires prédateurs qui ont écumé notre terre. Observez ce que vous êtes devenues : de petites machines biologiques, élevées en batterie pour nourrir une humanité dont les ancêtres rampaient sous terre et se cachaient devant la puissance inouïe et la sauvagerie effrayante de vos aïeux.- L'homme : quelle merveille ! Ajoutai-je, béat.Le merle se mit à siffloter et ô miracle, je compris tout ce qu'il affirma.- Pauvre fat ! Me lança l'oiseau  noir. Certes, nous avons dominé la terre pendant des millions d'années et si cette maudite météorite n'avait pas ravagé la Terre il y a 65 millions d'années, c'est vous qui seriez à notre place dans cet élevage ! Nul doute que notre civilisation serait alors infiniment supérieure à la vôtre !Ces paroles me révoltèrent. "Mais l'Homme est l'accomplissement réussi de toutes les forces du cosmos", déclarai-je sottement, "il a inventé les mathématiques, la philosophie, la poésie,  la science... Dieu."
- Crois moi Cui cui, vous n'êtes qu'une espèce temporaire qui se détruira par cupidité et stupidité. Jamais vous ne régnerez aussi longtemps sur la planète que nos aïeux les dinosaures ! Peut-être dans quelques milliers de siècles, votre race terminera t-elle sa carrière comme la nôtre, élevée en batterie pour nourrir quelqu'insecte géant qui vous aura supplanté...
Il reprit.
Dans ce monde qui nous dépasse, toute espèce ou civilisation est sujette à la décadence et à l'avènement d'une nouvelle race ou organisation qui la remplacera. Quant à imaginer que grâce à vos facultés intellectuelles, votre espèce perdurera, c'est méconnaître les lois de la nature et de l'univers qui privilégient la violence, les retournements de situation, les catastrophes écologiques, les maladies et virus, la brutalité et la cruauté ! Et si vos dieux existaient, nous autres créatures de l'univers, le saurions puisque nous sommes faits de la même pâte !
Métaphysique animalière. Propos de basse-cour mais de haute tenue.

Ivre de fureur, d'un geste rapide je saisis ce merle gras bien trop pédant et sentencieux, puis à l'aide de ma main gauche je lui tordis le coup. Son trépas fut instantané. Je le remontai à la maison pour le faire rôtir dans la cheminée. 
En quittant le poulailler, j'entendis des gloussements caquetants de la part de ces poules irrévérencieuses que je pris à juste raison pour des quolibets et des sarcasmes. 
En signe de dépit, j'ai levé la tête, apostrophant la buse, lui souhaitant bon appétit !
Je ne sus pourquoi mais la nuit suivante fut parsemée de cauchemars monstrueux. Pourtant le lendemain, aucune poule ne manqua à l'appel.
Sur ces fadaises qui n'ont qu'un lointain rapport avec la politique politicienne, chers lectrices et lecteurs qui avez eu le courage d'arriver jusqu'à ces lignes, je vous donne rendez-vous pour plus tard si le fantôme du merle corse daigne me laisser en paix une nuit. Une nuit seulement.

Retour à La Une de Logo Paperblog