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Cycle Mungiu - Occident

Publié le 10 octobre 2012 par Naira
Cycle Mungiu - Occident « Luci et Sorina forment un couple de jeunes roumains. Et qui dit jeunes roumains, dit galères financières, plans B d’infortunes et envie de se barrer. Enfin, cette dernière urgence migratoire talonne surtout Sorina. Parce que Luci semble avoir accepté depuis longtemps le sort misérable qui est le sien. Sorina, elle, rêve de cieux plus cléments, c’est-à-dire occidentaux. Et elle n’est pas la seule. Mihaela, abandonnée par son dulciné le jour de son mariage, désire aussi troquer son boulot minable contre une carrière de poète à l’étranger. Leurs destins vont se croiser. Puis s’écarter. Certains resteront. D’autres non. »

La fuite éperdue d’une jeunesse désabusée. Voilà le thème du premier long métrage du réalisateur roumain, Cristian Mungiu. Alors forcément, Mungiu parle de ce qu’il connaît, donc elle sera roumaine, la jeunesse qu’il se propose de nous dépeindre. Avec humour, il en dresse un portrait âpre et impitoyable. Tous sont désargentés, perdus, malheureux. Même l’amour est cheap. Plus de place pour l’illusion. Seul reste le désespoir puisque toute émigration est interdite. Rares sont ceux qui ont réussi à fuir un pays en ruines, à l’instar de Nicu, le cousin de Luci, qui est parvenu à traverser le fleuve sur une poupée gonflable.

De situation cocasse en situation cocasse, le réalisateur nous fait revisiter l’histoire de ces jeunes sans avenir. La narration de leurs aventures a en effet ceci de particulier qu’elle se déroule en trois parties : Luci et Sorina ; Mihaela et sa mère ; Nae Zigfrid et le colonel ; les titres apparaissant sur l’arrêt sur image qui clôt la partie précédente. Chaque chapitre est prétexte à retourner sur les faits déjà présentés antérieurement mais d’un autre point de vue. Les pièces du puzzle s’assemblent petit à petit dans le cerveau du spectateur qui va de surprise en surprise. Le concours de circonstances s’affine. Le démiurge dévoile doucement ses intentions, faisant du spectateur le complice d’une focalisation externe progressive. Il manipule ces pantins du destin, les cogne à leurs œillères, sans jamais les départir de leur humanité. Les rencontres se suivent et se réinventent au rythme des mêmes rengaines (« If you happy and you know it, clap your hands... »). Elles mettent pourtant en présence les mêmes protagonistes mais lorsque l’angle de vue change, lorsque un autre indice tombe, elles prennent une nouvelle dimension, insoupçonnée jusque-là.

Scénarisé par Mungiu lui-même, Occident jouit d’une écriture savamment orchestrée et non dénuée d’humour. Le propos est grave. Le ton est caustique. Les personnages sont attachants. Les dialogues se répètent mais ne se ressemblent pas. Du grand art, quoi. Ajoutez à cela une mise en scène qui multiplie également les angles de vue pour offrir au spectateur une perspective toujours différente. Et de très beaux plans, comme l’illustre l’affiche du film ci-dessus. Pieds nus, sous la pluie, Sorina se résout à rejoindre Jérôme, déçue une fois de trop par Luci. Pourtant, quelques secondes avant ils s’embrassaient encore passionnément, la caméra virevoltant autour d’eux dans un mouvement superbe d’enivrement. Voilà le refrain de la jeunesse déchue, à peine le temps de taper dans ses mains de joie, que déjà elle s’envole.

Le constat est amer, le bonheur peu évident. Lorsque les lumières se rallument, on quitte des personnages pas vraiment plus avancés qu’au début du film. Et pourtant, on sourit. C’est que Mungiu a su détendre les commissures de lèvres en convoquant assez de comiques pour faire passer au spectateur un bon moment. Mais surtout, lui démontrer de main de maître qu’il y a mille façons de raconter une histoire. Toutes se valent et il n’est pas toujours utile d’en chercher le commun dénominateur.

Un premier Mungiu à savourer, donc, d’autant plus quand on connaît la teneur de son deuxième long métrage, le très remarqué 4 mois, 3 semaines, 2 jours (Palme d’Or à Cannes en 2007), beaucoup moins léger et drôle. Pour celles et ceux qui voudraient découvrir une facette moins déprimante que 4 mois,…, Flagey a mis en place un Cycle Mungiu jusqu’à la fin octobre. Cela permet de mettre en avant l’un des réalisateurs roumains les plus importants actuellement.

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