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Alejandra Pizarnik | La parole du désir

Publié le 23 décembre 2012 par Angèle Paoli
« Poésie d’un jour

LA PALABRA DEL DESEO

Esta espectral textura de la oscuridad, esta melodía en los huesos, este soplo de silencios diversos, este ir abajo por abajo, esta galería oscura, oscura, este hundirse sin hundirse.

¿Qué estoy haciendo? Está oscuro y quiero entrar. No sé que más decir. (Yo no quiero decir, yo quiero entrar.) El dolor en los huesos, el lenguaje roto a paladas, poco a poco reconstituir el diagrama de la irrealidad.

Posesiones no tengo (esto es seguro; al fin algo seguro). Luego una melodía. Es una melodía plañidera, una luz lila, una inminencia sin destinatario. Veo la melodía. Presencia de una luz anaranjada. Sin tu mirada no voy a saber vivir, también esto es seguro. Te suscito, te resucito. Y me dijo que saliera al viento y fuera de casa en casa preguntando si estaba.

Paso desnuda con un cirio en la mano, castillo frío, jardín de las delicias. La soledad no es estar parada en el muelle, a la madrugada, mirando el agua con avidez. La soledad es no poder decirla por no poder circundarla por no poder darle un rostro por no poder hacerla sinónimo de un paisaje. La soledad sería esta melodía rota de mis frases.


Alejandra Pizarnik, El infierno musical, 1971, in Alejandra Pizarnik, Poesía Completa (1955-1972), Editorial Lumen, Barcelona, 2001. Edición a cargo de Ana Becciú.


LA PAROLE DU DÉSIR

Cette texture spectrale de l’obscurité, ces mélodies au fond des os, ce souffle de silences divers, cette plongée en bas par le bas, cette galerie obscure, obscure, cette manière de sombrer sans sombrer.

Qu’est-ce que je suis en train de dire ? Il fait noir et je veux entrer. Je ne sais quoi dire d’autre. (Je ne veux pas dire, je veux entrer.) La douleur dans les os, le langage brisé à coups de pelle, peu à peu reconstituer le diagramme de l’irréalité.

De possessions, je n’en ai pas (ça c’est sûr ; enfin quelque chose de sûr). Ensuite une mélodie. C’est une mélodie plaintive, une lumière lilas, une imminence sans destinataire. Je vois la mélodie. Présence d’une lumière orangée. Sans ton regard je ne saurai vivre, ça aussi c’est sûr. Je te suscite, te ressuscite. Et il m’a dit de sortir dans le vent et d’aller de maison en maison en demandant s’il était là.

Je passe nue, un cierge à la main, château froid, jardin des délices. La solitude ce n’est pas se tenir sur le quai, au petit jour, à regarder l’eau avec avidité. La solitude, c’est de ne pouvoir la dire parce qu’on ne peut la circonscrire parce qu’on ne peut lui donner un visage parce qu’on ne peut en faire le synonyme d’un paysage. La solitude serait cette mélodie brisée de mes phrases.


Alejandra Pizarnik, L’Enfer musical, Ypsilon éditeur, 2012, page 27. Traduction et postface de Jacques Ancet.



ALEJANDRA PIZARNIK

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Image, G.AdC

■ Alejandra Pizarnik
sur Terres de femmes

Œuvre poétique (note de lecture d’AP)
Les Aventures perdues (extrait + notice biographique)
→ El olvido (extrait)
→ Invocations (extrait)
→ La lumière tombée de la nuit (extrait)
→ 22 mai 1966 | Journal d’Alejandra Pizarnik
→ 25 septembre 1972 | Mort d’Alejandra Pizarnik

■ Voir aussi ▼

→ (sur remue.net ) L’Enfer musical et Cahier jaune, d’Alejandra Pizarnik par Pascal Gibourg (10 décembre 2012)
→ (sur Esprits Nomades) une page sur Alejandra Pizarnik
→ (sur sergiomansilla.co [revista]) Alejandra Pizarnik, Poesía Completa (1955-1972) [PDF]




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